Australie : un ancien de l’US Navy à la tête du projet de remplacement des sous-marins

Quand je vous disais que les contrats d’achat de sous-marins prenaient actuellement l’allure d’affaires on ne peut plus stratégiques aux impacts financiers majeurs … Dans le cadre de sa politique de sécurité en Asie-Pacifique, l’Australie vient ni plus ni moins de se voir imposer par Washington deux anciens amiraux de l’US Navy, en vue de mener le programme de remplacement des sous-marins de classe Collins.

Rappelons que l’Australie doit de manière imminente rendre sa décision en vue de désigner le vainqueur  du programme Sea1000, de 20 milliards d’euros, pour doter le pays de sa nouvelle flotte de sous-marins d’attaque. Outre DCNS, qualifié d’outsider par la presse australienne, concourent les japonais Mitsubishi et Kawasaki Heavy Industries, avec le sous-marin japonais Soryu, seule plate-forme « disponible sur étagère » soutenue par l’US Navy (laquelle imposera au vainqueur le système de combat et les torpilles), ainsi que l’allemand TKMS (Thyssenkrupp Marine Systems).

Inquiété par la signature récente d’un accord de libre-échange entre la Chine et l’Australie, et par l’ampleur des liens personnels de l’épouse du nouveau Premier ministre australien, Malcolm Turnbull, avec les milieux industriels allemands, dont TKMS, le gouvernement japonais, jusqu’alors favori de la compétition avec son sous-marin Soryu, avait récemment alerté Washington.

Alors que Malcolm Turnbull vient de s’emparer du pouvoir après une révolution de palais au sein du parti libéral, l’opinion publique australienne a découvert que son épouse Lucy Turnbul, ex-maire de Sydney, n’était autre que la présidente de la Chambre de commerce australo-allemande …  et donc on ne peut plus favorable à TKMS.

Pour l’emporter sur son prédécesseur, Malcolm Turnbull a également bénéficié du soutien de la classe politique d’Australie du Sud, laquelle rivalise de pression pour que les chantiers navals d’Adélaïde soient chargés de la construction des futurs sous-marins.

C’est donc à la surprise générale, que l’ancien contre-amiral Stephen Johnson, ancien commandant de la force sous-marine US a été nommé le 30 octobre dernier “general manager” du projet Sea 1000, au grand dam du contre-amiral australien Gregory John Sammut.

La nomination de ce spécialiste des techno­lo­gies de guerre sous-marine, du missile Trident II, et directeur des programmes stratégiques de l’US Navy, intervient quelques semaines après celle de l’ancien secrétaire à l’US Navy, Donald C. Winter, comme président du conseil consultatif d’experts réunis pour analyser les offres des compétiteurs.

Selon le journal « The Australian », la large expérience de Johnson dans la mise en œuvre de grands projets high-tech, y compris le développement de la classe de sous-marin Seawolf lui a valu ce rôle politiquement tendu.

Plus largement, la presse australienne inter­prète cette nomination comme un renforcement de l’intégration de l’Australie au sein de l’alliance navale consti­tuée par les Etats-Unis et le Japon, mais avant tout comme un retour en force de l’offre japonaise et de son système de combat américain l’AN/BYG1.

Il est clair que le changement de gouvernement en Australie modifie la donne de l’appel d’offres de 12 sous-marins nucléaires qui pourrait générer jusqu’à 31 milliards d’euros de commandes, entre le design, la fabrication, la livraison et l’entretien des bâtiments.

Si la remise des réponses finales concernant ce méga-contrat est fixée au 30 novembre et que le choix du gagnant n’aura lieu qu’au printemps prochain, le contrat fait l’objet d’une rude bagarre politique en Australie. La presse australienne souligne ainsi qu’avec le départ de l’ex-Premier ministre Tony Abbott, les japonais ne font désormais plus la course en tête.

Le marché s’avère si crucial que des pirates informatiques, suspectés comme étant chinois et russes, ont tenté d’obtenir les détails les plus secrets des futurs sous-marins australiens. Pékin et Moscou auraient ainsi lancé des cyber-attaques répétées au cours des derniers mois.

Les tentatives de piratage visaient les constructeurs de sous-marins, en Allemagne, en France et au Japon, en concurrence pour construire les futurs sous-marins australiens, le contrat pouvant atteindre 20 milliards de dollars.

Les trois sociétés détiennent en effet des informations très sensibles sur les spécifications techniques édictées par la Royal Australian Navy pour ses futurs sous-marins.

Ces attaques auraient inquiété le gouvernement australien, qui a soulevé le sujet de la cyber-sécurité avec chacun des 3 compétiteurs : ThyssenKrupp, DCNS et le gouvernement japonais. Les attaques sont tellement nombreuses que les partenaires ont décidé de s’échanger leurs informations sensibles de main à la main.

Selon Manfred Klein, représentant de TKMS en Australie, le chantier à Kiel subirait en effet entre 30 et 40 tentatives de piratage chaque nuit.

Sources : The Australian, Le portail des sous-marins, TTU, Les Echos, Business Insider Australia

Elisabeth Studer – 13 novembre 2015 – www.leblogfinance.com

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