Birmanie : appel d’offres dans un pays entre violences religieuses et influence US …

Simple hasard ? alors que les Etats-Unis semblent particulièrement « chouchouter » la Birmanie depuis quelques mois, le ministère de l’énergie birman vient de lancer un appel d’offre pour 30 blocs d’hydrocarbures offshore.
Les groupes intéressés devront déposer leurs demandes d’ici le 14 juin prochain et pour trois blocs au maximum. Ils devront s’associer avec une entreprise birmane d’Etat en ce qui concerne les 11 blocs en eaux peu profondes, et pourront intervenir seuls pour les 19 blocs en eaux profondes.
Arguments invoqués pour justifier la nécessité de travailler en partenariat avec une entreprise birmane : des investissements coûteux qu’il est donc préférable de partager, le besoin de compétences techniques élevées et les importants risques associés dont il convient également de répartir la charge.
Il y a quelques semaines, Aung Kyaw Htoo, un responsable du ministère de l’Energie, avait déclaré pour sa part que les entreprises locales n’étaient pas capables d’opérer en eau profonde et qu’en conséquence les candidats seraient autorisés à investir 100% des capitaux nécessaires.

La Birmanie imposant toutefois à tous les futurs investisseurs un contrat de partage de la production avec le groupe étatique birman MOGE (Myanmar Oil and Gas Enterprise). A l’heure actuelle, BP, Woodside, Shell et Chevron auraient déjà exprimé leur intérêt.

En janvier dernier, Naypyidaw avait lancé des appels d’offre pour 18 blocs onshore, imposant alors la participation de sociétés birmanes. Tout en promettant la plus grande transparence dans les procédures et une distribution équitable des richesses. Rappelons que le secteur représente 34% des exportations du pays.

Depuis mars 2012, les autorités birmanes ont conclu une dizaine de contrats dans le domaine du pétrole avec des sociétés étrangères. Selon le journal Myanmar Ahlin, cité par Mizzima, des accords ont été signés avec l’entreprise publique MOGE. Sans fournir de plus amples informations quant aux éléments financiers concernant ces contrats, le journal gouvernemental avait alors précisé que des sociétés birmanes étaient impliquées dans ces accords conclus avec EPI Hodlings de Hong Kong, Geopetro International Holding de Suisse, Petronas de Malaisie, Jubilant Energy d’Inde, PTTEP de Thaïlande, Istech Energy d’Indonésie et CIS Nobel Oil de Russie.

A cette date, toujours selon le gouvernement birman, dix compagnies pétrolières étrangères conduisaient des travaux exploratoires dans 24 lots offshores et huit autres dans vingt gisements sur terre.

Le site asie-info.fr indiquant alors que si « jusqu’à maintenant, les capitaux provenaient essentiellement d’Asie », désormais « à la faveur de l’assouplissement des sanctions économiques imposées au régime birman, les Occidentaux prennent position dans un secteur qui leur a été longtemps fermé ».
Ajoutant – cerise sur le gâteau « que « seuls l’Américain Chevron et le Français Total avaient investi , avant l’entrée en vigueur de ces sanctions, dans le projet de Yadana exportant du gaz vers la Thaïlande .

Signe du potentiel énergétique du pays et des formidables enjeux associés ? Rappelons par ailleurs que la Birmanie est le pays qui a accueilli le 19 novembre dernier Barack Obama, pour son premier voyage à l’étranger depuis sa réélection. Déplacement annoncé comme un soutien de Washington au processus politique actuel en œuvre dans le pays.

Autre élément notable : alors qu’en novembre 2012,  un séisme venait de frapper la Birmanie,  pays d’ores et déjà théâtre de violences meurtrières entre bouddhistes et musulmans – lesquelles s’intensifient désormais – nous rappelions ici-même qu’en avril 2012, les Etats-Unis avaient annoncé la levée de sanctions interdisant l’exportation vers le territoire birman de certains services financiers. Parmi les objectifs autorisés, cités expressément dans le texte publié, figuraient alors « la construction de la démocratie et la bonne gouvernance », l’assistance aux réfugiés ainsi que les activités religieuses.

– Quand l’International Crisis Group s’inquiétait des poussées nationalistes et communautaires

En novembre dernier, l’International Crisis Group estimait dans un rapport que le pouvoir birman mais également Aung San Suu Kyi « devaient faire preuve de courage politique face aux poussées nationalistes et communautaires qui fragilisent les réformes ». Le groupe de réflexion, dont le siège est à Bruxelles, exprimant parallèlement son inquiétude à la suite des violences entre bouddhistes et musulmans qui avaient fait près de 200 morts dans l’Etat Rakhine depuis juin 2012, événements à l’origine du départ forcé de 110.000 personnes.

« L’embrasement dans l’Etat Rakhine représente un pas en arrière profondément dérangeant », estimait ainsi l’ICG, qui relèvait que « l’ouverture politique depuis un an et demi, aussi positive qu’elle soit, libère aussi des discours potentiellement dangereux dans la société ». « Il y a un potentiel pour des violences similaires ailleurs, au moment où le nationalisme, l’ethno-nationalisme et des préjudices anciens refont surface », précisait encore l’ICG.

On voudrait semer chaos et terreur parmi les populations qu’on ne s’y prendrait pas autrement …. avais-je alors indiqué.

«  Le gouvernement a été incapable de contenir la violence, les autorités et forces de sécurité locales ont parfois agi de façon partisane, et la rhétorique extrémiste n’a fait l’objet de quasiment aucune contestation de la part des autorités et de l’opposition », regrettait par ailleurs l’Institut. « Une autorité morale décisive est nécessaire, de la part du président Thein Sein et d’Aung San Suu Kyi, pour empêcher la propagation (des violences) et fournir des solutions à long terme », estimait par ailleurs l’ICG …. préparant peut-être d’ores et déjà le terrain à une « occupation » internationale du pays sous couvert de raisons humanitaires et de maintien de l’ordre … ? Qui sait .. une invasion humanitaire US étant tout à fait envisageable … l’ONG Save The Children (USA )  étant « idéalement » placé pour initier le mouvement sur place … et qui plus est
à la « faveur » d’un fort tremblement de terre.

Quelques jours auparavant, Aung San Suu Kyi avait réclamé dans un communiqué l’envoi de forces de sécurité supplémentaires. Car, fin octobre, le gouvernement birman avait d’ores et déjà mis en garde, estimant que les violences meurtrières entre bouddhistes et musulmans dans l’ouest de la Birmanie « étaient susceptibles de se transformer de violences classiques en actes terroristes armés, après des attaques contre les forces de sécurité avec des armes artisanales ».

Après des semaines d’accalmie dans l’Etat Rakhine placé sous état d’urgence depuis des affrontements en juin 2012, des violences ont de nouveau éclaté le 21 octobre dernier entre bouddhistes de l’ethnie rakhine et musulmans de la minorité apatride des Rohingyas. Le gouvernement précisant alors que cette nouvelle vague  de violences avait fait 89 morts et 136 blessés. Plus de 5.000 maisons ayant également été détruites, faisant plus de 32.000 sans-abri. « Certaines organisations locales et internationales sont impliquées dans les violences ainsi que des organisations politiques », avait indiqué tout net le gouvernement, sans préciser à quels groupes il faisait référence, mais promettant d’agir fermement contre ceux qui ont incité aux violences. No comment …

Surin Pitsuwan, secrétaire général de l’Association des Nations d’Asie du sud-est (Asean) dont la Birmanie fait partie, avait également mis en garde fin octobre contre un risque de déstabilisation de la région si le désespoir des Rohingyas les poussaient à se radicaliser.

– Quand Washington levait des sanctions financières envers la Birmanie

Simple hasard ? Rappelons qu’en avril 2012, les Etats-Unis ont annoncé la levée de sanctions interdisant l’exportation vers le territoire birman de certains services financiers. Le département du Trésor ayant en effet publié à cette date un règlement autorisant ceux à visée humanitaire, démocratique, éducative, sociale et sanitaire, sportive ou religieuse. Parmi les objectifs autorisés, cités expressément dans le texte publié, figurent désormais « la construction de la démocratie et la bonne gouvernance », l’éducation, la santé, l’assistance aux réfugiés ainsi que les activités religieuses. No comment …

Cette annonce inaugure une première d’une série de mesures prévues par Washington en vue de récompenser la Birmanie d’avoir organisé de manière adéquate ce mois-ci des élections législatives partielles nous avait-on affirmé à cor et à cris. Début avril 2012, à la suite des élections qui ont permis à la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Aung San Suu Kyi de devenir la première force d’opposition au parlement birman, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton avait annoncé l’allègement à court terme des restrictions pesant sur les investissements à destination de la Birmanie ainsi que la nomination rapide d’un ambassadeur. Le pays étant alors redevenu fréquentable à la suite de son engagement à poursuivre des réformes … voire à la faveur de ses richesses de son sous-sol diront certains ….

La politique américaine étant loin d’être dénuée d’intérêts, avais-je alors indiqué, précisant que les Etats-Unis souhaitaient rompre la stratégie d’isolement de la Birmanie, en vue d’éviter que ce pays riche en matières premières ne tombe chaque jour un peu plus dans le giron de la Chine. En novembre dernier, si à la « faveur » du séisme qui venait de frapper le pays, une invasion humanitaire des Etats-Unis pouvait être redoutée, nous laissions entendre que la catastrophe pourrait également « offrir l’opportunité » aux banques américaines – comme Goldman Sachs ? – de prêter de l’argent au gouvernement birman en vue de faire face aux dépenses sanitaires – voire de reconstructions ? – occasionnées par le séisme.

Sources : Afp, Associated Press, Courrier International

Elisabeth STUDER – www.leblogfinance.com  – 12 avril 2013


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