Canada : menace de grève chez Ford, FCA et GM face à la concurrence du Mexique

Les salariés de Ford, Fiat Chrysler et General Motors des usines du Canada réclament des augmentations et des engagements de la direction sur l’avenir des sites canadiens. Les employés des trois grands constructeurs de Detroit menacent même de faire grève en vue d’obtenir satisfaction alors que l’actuelle convention collective expire le 19 septembre prochain. Les négociations qui s’ouvrent actuellement avec  l’Unifor, le syndicat canadien du secteur s’annoncent difficiles.

L’Unifor s’est en effet donné pour objectif prioritaire d’obtenir des Trois Grands de Detroit (Big Three) l’attribution de nouveaux modèles à fabriquer, signifiant donc de nouveaux investissements. « Il n’y aura pas d’accord sans engagements de chacun d’entre eux à investir au Canada », a ainsi déclaré le Président d’Unifor Jerry Dias lors d’une conférence de presse à Toronto, le 11 août 2016.

Jerry Dias a d’ores et déjà averti que le syndicat n’hésiterait pas à appeler à la grève si ses revendications n’étaient pas satisfaites, en insistant sur le fait qu’une telle issue obligerait les constructeurs à fermer neuf usines aux Etats-Unis faute de pièces détachées.  »Nous n’avons aucun intérêt à faire des concessions » car les constructeurs « gagnent beaucoup d’argent », a-t-il ajouté, rappelant que les ouvriers du secteur n’avaient pas eu d’augmentation depuis dix ans.

General Motors  ne souhaite pas quant à lui révéler ses plans et refuse même de confirmer la liste des modèles qui seront attribués à son usine canadienne d’Oshawa tant qu’un nouvel accord n’aura pas été conclu. GM se borne ainsi à rappeler que des intérêts mutuels sont en jeu et que les négociations ont démarré sur un ton « respectueux », dans un « esprit constructif ».

Ces mouvements sociaux voient le jour alors que depuis la signature du traité de libre-échange nord-américain (Alena) en 1994, les constructeurs automobiles délaissent le Canada au profit du Mexique. En avril dernier, Ford a ainsi annoncé  un investissement de près d’1,5 milliard de dollars dans une usine mexicaine  permettant la création de 2 800 emplois dans le pays, alors que le coût de la main d’oeuvre y est moindre. Le phénomène revêt une telle importance désormais que les salariés canadiens craignent pour la survie de leur emploi.

23 000 personnes travaillent à l’heure actuelle pour General Motors, Fiat Chrysler et Ford au Canada. Mais seules 15 % des voitures fabriquées en Amérique du Nord sont encore assemblées aujourd’hui au Canada, contre 25 % avant la crise de 2008. De moins de deux millions en l’an 2000, la production automobile au Mexique pourrait atteindre quant à elle les 5 millions d’unités annuelles à l’horizon de 2022.
Les syndicats canadiens mettent en avant pour leur part le haut degré de qualification de la main d’oeuvre locale, supérieur à la moyenne mexicaine. Ils espèrent également que la baisse constante du cours du dollar canadien ces six dernières années devrait permettre de convaincre les industriels d’investir en Ontario, la province qui concentre la quasi totalité de l’activité des équipementiers et constructeurs automobiles.

En ce qui concerne les accords commerciaux, on se doit de noter que l’Alena ne fait pas que des adeptes, y compris aux Etats-Unis. Les deux candidats à la présidentielle, Donald Trump et Hillary Clinton critiquent même ouvertement l’accord et envisagent l’un comme l’autre de le renégocier.
Lors d’un discours sur son programme économique cette semaine à Detroit, Donald Trump a qualifié de « honte absolue » la décision de Ford d’investir au Mexique. Il a également affirmé que, depuis l’entrée en vigueur de l’Alena en 1994, le nombre d’employés dans la construction automobile dans l’Etat du Michigan, où se situe Detroit, était passé de 285.000 à 160.000.

Quelques lueurs d’espoir tout de même : si l’on en croit les analystes du secteur, l’accord de libre-échange signé récemment entre les États-Unis et l’Union européenne devrait néanmoins permettre de rendre les usines canadiennes plus attractives en ce qui concerne les véhicules exportés vers l’Europe.

En juin dernier, après des années de négociation, le Premier Ministre canadien Kathleen Wynne a annoncé pour sa part que la province de l’Ontario participerait à hauteur de $ 85,8 millions à l’établissement d’un centre de recherche et de développement partagé par Fiat Chrysler Automobiles et l’Université de Windsor. Ford a quant à lui promis d’investir quelque 1,6 milliard de dollars au Canada et d’y créer 2.800 emplois directs.

Sources : RFI , Challenges

Elisabeth Studer – 13 août 2016 – www.leblogfinance.com

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