Ces PDG qui surfent sur le boom du business africain

«We are at the right place at the right time. » Voilà comment l’homme le plus riche de Tanzanie, Mohammed Dewji, 40 ans, explique le succès de toute une génération d’entrepreneurs africains. Le plus jeune milliardaire du continent – sa fortune est estimée par le magazine Forbes à 1,25 milliard de dollars – est l’une des figures de proue de cette génération. Son entreprise, MeTL, qui produit et commercialise des biens de grande consommation – détergents, savons, huiles de cuisine – est devenue en dix ans le plus gros conglomérat de ce pays de 50 millions d’habitants. Sur cette période, le chiffre d’affaires a été multiplié par 60 et dépasse aujourd’hui 1,5 milliard de dollars. « Mon entreprise a profité de la forte croissance économique en Tanzanie et en Afrique de l’Est, comprise entre 6 et 8 %, explique Mohammed Dewji. Je me suis focalisé sur l’export en misant sur la technologie et la vente sur Internet. »

Le jeune PDG tanzanien figure à la deuxième place du classement des 100 « jeunes dirigeants africains de 40 ans et moins », publié en octobre par l’institut français Choiseul. « Il incarne parfaitement cette nouvelle génération d’entrepreneurs qui ont permis à leur entreprise de connaître une croissance rapide et dont beaucoup sont issus de l’Afrique anglophone », précise Pascal Lorot, le président de ce think tank libéral. Tirés par une croissance plus forte qu’en Afrique francophone ou lusophone, le Nigeria, le Kenya, l’Afrique du Sud et la Tanzanie sont les pays les mieux représentés dans un classement qui fait la part belle aux nouvelles technologies. Plusieurs entrepreneurs, comme la Sénégalaise Mariéme Jamme, 41 ans, considérée par Forbes comme l’une des vingt femmes les plus influentes d’Afrique, ont ainsi su profiter du boom de l’utilisation d’Internet et de la téléphonie mobile sur le continent. Sa société SpotOne, qui aide des fabricants de logiciels à s’implanter en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, connaît depuis dix ans un succès croissant. « Avec le téléphone portable, on peut savoir où se trouve le bureau de vote le plus proche, organiser le travail dans les champs, anticiper sur la météo, déclare-t-elle. C’est une petite révolution pour l’Afrique. »

Le « Steve Jobs camerounais »…

Le Camerounais Tony Smith, 31 ans, un ancien ingénieur chez Boeing et Microsoft, que la presse de son pays présente comme le « Steve Jobs camerounais », lui, a créé en 2011 Limitless Corporation, une société spécialisée dans la conception de logiciels, de smartphones et de tablettes. « L’industrie du mobile a contribué à hauteur de plus de 100 milliards de dollars à l’économie de l’Afrique subsaharienne en 2014, soit 5,7 % du PIB de la région, c’est colossal, argumente-t-il. Près de 400 millions de personnes utilisent un téléphone mobile en Afrique subsaharienne. On doit surfer sur cette dynamique qui est notamment due au développement de la classe moyenne. » Selon la Banque africaine de développement, celle-ci devrait passer de 370 millions de personnes en 2015 à 462 millions en 2060. Mais cette croissance crée-t-elle vraiment des emplois sur le sol africain ? « Des 24 entreprises du groupe, 17 sont basées sur le continent, répond Tony Smith. Et 300 de nos 480 salariés sont présents au Nigeria. L’objectif est de créer 20000 emplois en Afrique d’ici trois ans. »

Pour se hisser à ce niveau de performance, ces chefs d’entreprise ont dû s’exiler pour avoir accès aux meilleures formations. HEC, London School of Economics, Harvard, Polytechnique, universités du Maryland ou de Moscou… Pascal Lorot constate d’ailleurs : « Ces jeunes patrons sont de plus en plus globalisés, ils ont souvent un double, voire triple cursus universitaire. » Mais tous ne reviennent pas en Afrique. Pas encore !

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