Chalendar (Saint-Gobain) : « Tout redémarre en Chine »

Ils ont été les premiers dirigeants de grandes entreprises à marquer financièrement leur solidarité avec tous ceux qui, dans leur groupe, étaient contraints au chômage partiel. Le 23 mars, Pierre-André de Chalendar et Benoit Bazin, PDG et directeurs général délégué de Saint-Gobain, ont envoyé un mail à leurs troupes indiquant qu’ils verseraient à la Fondation AP-HP (Hôpitaux de Paris) « l’équivalent de ce que représenterait pour nous une mise au chômage partiel en France, durant tout le temps que durera cette crise ». Chalendar invitait tous les dirigeants de Saint-Gobain dans le monde, à les imiter. Combien l’ont-ils fait ? « Je ne sais pas, et je n’ai pas besoin de savoir, assure Pierre-André de Chalendar, dix jours après son initiative. L’important était que la solidarité, qui est une des valeurs fortes de Saint-Gobain, puisse s’exprimer partout dans le monde, en se calant sur les efforts qui peuvent être demandés dans les différents pays. »  En France, cela représente un abandon de 16 % du salaire, correspondant à la part du chômage partiel non prise en charge par la collectivité. Et l’idée a essaimé, puisque l’Association française des entreprises privées, qui regroupe des 110 plus grands groupes français, a recommandé, en cas de chômage partiel, que les dirigeants abandonnent 25 % de leur rémunération.

Dans la série des mesures fortes où Pierre-André de Chalendar a également innové, c’est l’appel aux marchés financiers en pleine tempête : « J’ai vécu la crise de 2009, et j’ai encore en mémoire l’augmentation de capital que nous avons dû alors faire. Même si le bilan du Saint-Gobain d’aujourd’hui est très solide, j’ai préféré nous prémunir contre le pire scénario de sortie de crise, celui d’une courbe de croissance en U plutôt qu’en V. »  Du coup, le 26 mars, Saint-Gobain a profité d’une accalmie sur les marchés pour placer deux émissions obligataires à 2 % en moyenne qui ont lui assuré 4 milliards d’euros de liquidités, en « back-up » supplémentaire.

Il est comme cela, Chalendar, plutôt prudent : à l’inverse de ses pairs Sébastien Bazin (Accor) et Jacques Aschenbroich (Valeo), il a bouclé complétement le nouveau siège de Saint-Gobain à La Défense – il faut dire que tout le monde était dans les cartons du déménagement. « J’ai souhaité au départ appliquer strictement le confinement, y compris à moi-même, pour montrer l’exemple. » Le comité exécutif se réunit donc en vidéoconférence tous les jours à 13 heures « pour pouvoir être en direct avec la Chine et les Etats-Unis, et cela fonctionne bien : les réunions à quinze sont plus disciplinés ». Les agences du pôle distribution ont d’abord été fermés à 70 %, avant d’être progressivement rouvertes : « On a besoin de nos matériaux, mais il fallait s’assurer de la mise en place de procédures sanitaires très strictes. » Et si l’activité est encore très mesuré – « certaines usines sont fermées, d’autres continuent de fonctionner à plein, notamment pour fournir des matériaux utiles au monde médical », Pierre-André de Chalendar n’en revient pas de « la vitesse avec laquelle la Chine repart : tout est ouvert, et nous sommes à 80 % de notre production d’avant la crise. C’est comme le métro de Shanghai, qui était tombé à 500 000 voyageurs par jour, et qui est déjà remonté à 5 millions ! »

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