Chine : les banques rurales autorisées à baisser leur taux de réserves obligatoires

Décidément tout semble réuni ou presque pour l’éclatement d’une immense crise bancaire en Chine, laquelle serait elle-même provoquée par crise du crédit et crise immobilière.

Alors que depuis déjà quelques mois, nous évoquons les craintes des analystes face à l’émergence d’une situation, certains voyant même les prémices d’un credit crunch, Pékin vient de réduire le montant des fonds que les banques rurales doivent mettre en réserve auprès de la banque centrale. Mesures prises nous dit-on dans une tentative d’assouplissement monétaire en vue de stimuler l’économie du pays.

La banque centrale de Chine a ainsi annoncé mardi qu’elle allait baisser à partir de vendredi de 2 points de pourcentage le taux des réserves obligatoires pour les banques commerciales rurales du niveau de district et de 0,5 point de pourcentage pour les coopératives rurales de crédit.

« L’ajustement aidera à renforcer le soutien financier pour le développement rural et à orienter l’afflux du capital vers les zones rurales », a déclaré par ailleurs la Banque populaire de Chine, banque centrale du pays.

A noter que cette annonce intervient parallèlement à la chute de la croissance du PIB chinois, lequel a certes progressé de 7,4% au premier trimestre, mais n’en constitue pas moins un ralentissement. Elle a été prise à l’issue d’une réunion du Conseil des Affaires d’Etat la semaine dernière, date à laquelle le gouvernement central s’est engagé à prendre une série de mesures financières et fiscales en faveur de l’économie et de la création d’emplois ruraux.

Si les analystes s’attendent d’ores et déjà à ce que Pékin autorise les banques à réduire leurs réserves obligatoires sur tout le territoire chinois, d’autres estiment au contraire que ces mesures particulièrement ciblées laisseraient sous-entendre qu’aucun élargissement n’est prévu.

Quoiqu’il en soit, rappelons que les réserves obligatoires sont des réserves financières que les banques doivent déposer auprès de la banque centrale. Le taux des réserves obligatoires fixe ainsi une fraction minimale de dépôts des clients, que chaque banque doit conserver comme réserves et non pas pour octroyer des prêts. En conséquence, la baisse de ce taux permet de stimuler les prêts bancaires et la croissance économique.

En 2012, déjà, la Chine avait réduit de 20% le montant des réserves obligatoires des grandes banques et de 16,5% celles de moindre importance.

« Dans le contexte actuel de politique monétaire prudente, la décision n’affectera pas les liquidités dans le système bancaire », a tenu par ailleurs à rassurer la banque centrale, ajoutant qu’elle continuerait à réaliser une croissance raisonnable des crédits et du financement social, tout en améliorant la structure financière. On ne demande qu’à y croire …. mais un tel discours risque de devenir de moins en moins crédible car justement les liquidités pourraient bientôt manquer … tandis que le montant des créances douteuses prend de l’ampleur. Une situation risquée que de telles mesures pourraient certes quelque peu améliorer à court terme, augmentant les sommes disponibles pour l’octroi de crédits … mais susceptible à moyen terme de renforcer l’ampleur de la crise qui se dessine à l’horizon.

En juin 2013, déjà, l’agence de notation Fitch indiquait qu’un éclatement d’une bulle de crédit sans précédent dans l’histoire du monde moderne risquait d’éclater en Chine.

A cette date, le marché interbancaire chinois, sur lequel les établissements financiers se prêtent de l’argent au quotidien, avait été confronté à une sévère pénurie de liquidités, provoquant durant trois semaines une envolée des taux à court terme sur ce même marché et mettant en péril la capacité des banques à se financer et à accorder des prêts.  La Banque Centrale chinoise avait au final annoncé le 30 juillet 2013 avoir injecté 17 milliards de yuans (2,8 milliards d’euros) dans le système bancaire.
En février 2013, nous avions d’ores et déjà évoqué quant à nous les craintes des analystes. Ces derniers s’alarmant d’une croissance excessive des prêts bancaires accordés au secteur privé, et des prêts accordés en dehors du secteur formel de plus en plus nombreux … et difficiles à rembourser.

Les experts s’attendaient alors à ce que la situation pour le moins tendue perdure, le pire restant à craindre selon eux. Ces derniers estimaient alors que la PBOC devrait maintenir sa politique de forte restriction de l’accès au crédit pour les entreprises et les particuliers. Raisons invoquées : le niveau élevé de créances douteuses détenues par les banques chinoises.  Un contexte qui fait craindre aux investisseurs que les banques soient confrontées à des difficultés de plus en plus fortes pour se re-financer.

Les autorités monétaires et politiques chinoises ont souhaité par la suite mettre fin à l’expansion très rapide du crédit de ces dernières années. Principaux établissements dans le viseur : les petites banques, lesquelles ont multiplié leurs prêts tout en spéculant massivement. Une situation qui a alors poussé le gouvernement à « assainir » le marché bancaire, fermant le robinet aux établissements les plus risqués, une politique pouvant conduire certains à la faillite.

En mai 2013, un rapport publié par l’agence de notation Moody’s indiquait que les prêts informels accordés en dehors du secteur bancaire en Chine avaient progressé de près de 70% au cours des deux dernières années … représentant désormais l’équivalent du 55% du Produit intérieur brut (PIB). Les produits financiers de ce secteur informel s’élevaient à la fin 2012 à 29.000 milliards de yuans (3.600 milliards d’euros), selon des calculs de Moody’s.

Selon une définition plus étroite du secteur excluant les prêts accordés par des sociétés fiduciaires et les obligations adossées à des actifs, le secteur informel ne pèserait que 21.000 milliards de yuans, mais tout de même 39% du PIB. Font partie du périmètre plus étroit de calcul : les prêts accordés par des particuliers (les « tontines »), les fonds de gestion d’actifs, les prêteurs sur gages et les sociétés de micro-crédit.
Le recours à ce type de prêt résulte en partie de la difficulté des emprunteurs, notamment du secteur privé et des petites entreprises, à se financer auprès des banques, lesquelles privilégient les entreprises qui, comme elles, sont étatiques.

Le rapport de Moody’s indiquait parallèlement que « le secteur bancaire informel pourrait avoir un effet de levier sur les finances de l’économie au sens large et amplifier les craintes d’une bulle de crédit ». L’agence de notation estimant que la croissance rapide des prêts informels augmentait les risques pour le système bancaire et l’économie chinoise dans son ensemble. « Vu la taille considérable et la croissance des activités bancaires informelles en Chine, nous doutons de la capacité des banques à se prémunir contre une augmentation significative des défauts de paiement » dans ce secteur, mettait encore en garde Moody’s.
Selon Fitch, les banques chinoises auraient en quelque sorte caché dans un deuxième bilan parallèle l’équivalent de 2 milliards de dollars de prêts, mécanisme leur permettant de contourner les limites officielles et nouvelles réglementations mises en place pour freiner les excès. Pratiques de nature à engendrer l’éclatement d’une bulle du crédit. Car, toujours selon l’agence de notation, la moitié des prêts doivent être renouvelés tous les trois mois, et un quart en moins de six mois.

Selon Charlène Chu, directrice principale de Fitch à Pékin, « Le pays a dupliqué la totalité du système bancaire commercial américain en cinq ans ». Ajoutant que le crédit est passé de 9 000 à 23 000 milliards de dollars depuis l’effondrement de Lehman Brothers. Elle avait alors indiqué au Daily Telegraph que le système bancaire souterrain chinois n’offrait aucune transparence. « Nous ne savons pas qui emprunte l’argent, qui sont les prêteurs, et quelle est la qualité des actifs, et cela sape la crédibilité des signaux », avait-elle indiqué.

Sources : AFP, Xinhua , The Telegraph

Elisabeth Studer – 24 avril 2014 – www.leblogfinance.com

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