Comment le Japon tente d’enrayer AirBnB

Après celui de la plateforme de covoiturage Uber, les autorités japonaises parviendront-elles à accrocher le scalp d’AirBnB à leur ceinture ? En tout cas elles essayent. Officiellement illégal, le système de locations entre particulier n’est autorisé depuis janvier que dans des zones économiques spéciales et sur demande. Et à des conditions drastiques : les candidats ne peuvent accepter des locataires qui réserveraient pour moins de… sept nuitées. Autrement dit : pratiquement aucun touriste. Nombre de demandes d’autorisations en trois mois : 3. Une loi doit bien encadrer AirBnB au niveau national ; mais elle ne sera pas votée à la Diète avant 2017. Un certain obstructionnisme qui n’empêche pas encore le fameux site web de dormir : +500% de voyageurs, et +370% de locations supplémentaires en 2015 pour AirBnB au Japon !

Qui a peur d’AirBnB? Les hôteliers professionnels bien sûr, mais aussi et surtout les particuliers japonais, peu habitués à voir des étrangers près de chez eux, irrespectueux des coutumes strictes de la vie quotidienne nippone : tri des ordures au cordeau, propreté du voisinage, faible tolérance au tapage… “Il y a souvent une tolérance de fait, mais la situation est très différente suivant les quartiers : certains habitants n’y voient pas mal, d’autres ne supportent rien…” confie un de ces néo “marchands de sommeil” qui a inscrit ses maisons sur AirBnB.

Un cruel manque… de chambres d’hôtel

Pourtant les autorités sont beaucoup plus démunies dans le cas d’AirBnB que dans celui d’Uber. Il y a pléthore de taxis, au service irréprochable, dans les grandes villes japonaises, à telle enseigne qu’Uber ne répond pas vraiment à un besoin. En revanche, l’Archipel souffre d’un manque criant de chambres d’hôtel. Après les années de désertification touristique qui ont suivi le traumatisme nucléaire de Fukushima, les ventes de nuitées sont en train d’exploser. En 2012, selon Morgan Stanley, l’hôtellerie représentait un chiffre d’affaires de 1500 milliards de yens (uniquement pour l’hébergement).

Ce chiffre aura doublé d’ici 2018. La même année, le taux d’occupation des chambres atteindra le niveau record de 90%, alors qu’il était de 75% il y a trois ans. Mais la donnée la plus significative est la suivante : la part de la demande étrangère de chambres sera de 16% en 2018, soit 4 fois plus qu’en 2012. Les touristes étrangers sont le véritable moteur de la croissance de l’industrie. En trois ans, ils généreront 21 millions de nuitées supplémentaires. Entre 2015 et 2018, la demande de chambres des touristes japonais progressera de 1,5% par an ; celle des touristes étrangers grimpera de 25% chaque année.  Un flot qui doit bien couler dans un lit, fut-il chez AirBnB…

Le tourisme est aussi devenu capital pour les grands magasins, les restaurants, les commerçants, les économies rurales en proie à une inexorable désertification des « locaux ». AirBnB est un premier pas vers leurs établissements. « Le gouvernement a déjà abandonné cette partie. La demande de logements est trop forte. Au moins pour ce qui est d’AirBnB, le Japon deviendra-t-il un pays comme les autres ! » s’amuse un haut fonctionnaire membre du cabinet du Premier ministre.