Comment Paul Hudson peut doper Sanofi

Les directeurs généraux se suivent, mais ne se ressemblent décidément pas à Sanofi. En 2014, lors de l’éviction surprise du Germano-canadien Chris Viehbacher – écarté pour son mode de management trop solitaire – le laboratoire français avait privilégié un choix français pour lui succéder : Olivier Brandicourt, ex-patron de Bayer Santé. Retour aux fondamentaux… Ce 2 septembre, c’est encore un signal différent que le groupe envoie, avec l’entrée en fonction de Paul Hudson, 51 ans, un transfuge de Novartis pour remplacer – bien avant l’heure – Brandicourt.

SANOFI RELÈVE SES PRÉVISIONS POUR 2019 APRÈS UN SOLIDE SECOND TRIMESTRE

Doper le cours de bourse

Un Britannique pour piloter le seul laboratoire dans le Top five mondial (34,4 milliards d’euros de ventes en 2018) ? Pour son arrivée, Paul Hudson a eu la finesse de choyer le pays d’origine de sa nouvelle boutique : installation avec sa famille en France, premier cours de français… Le nouveau boss a aussi réservé à l’Hexagone sa première tournée des popotes : après les troupes du siège de la rue de la Boétie, à Paris, puis son campus de Gentilly, et Sanofi Pasteur à Lyon, il enchainera la semaine prochaine avec les centres névralgiques du groupe aux Etats-Unis (Boston, Bridgewater…). Pour faciliter la passation des pouvoirs, Paul Hudson travaillera les premières semaines en tandem avec Olivier Brandicourt.

Nouvelle tête, nouvelle ère… et nouvelle opportunité d’investissement autour de Sanofi ? Avant même la moindre déclaration du nouveau directeur général, la bourse y croit. Le 7 juin, jour de l’annonce de sa nomination, l’action grimpait de 5%. Depuis, elle poursuit tranquillement sa hausse, boostée aussi par la révision, fin juillet, des prévisions 2019 du laboratoire, lors des résultats trimestriels – les derniers du directeur général sortant. Cette année, Sanofi devrait voir ses profits grimper de 5%, contre une hausse de 3 à 5 % prévue initialement (4,3 milliards d’euros de résultat net en 2018). A cela s’ajoute l’annonce surprise, début août, de l’extension des indications du Dupixent, son blockbuster en immunologie, à certains cas sévères d’eczéma chez l’adolescent. Ce bel été a emballé les marchés : mi-août, UBS a recommandé le titre à l’achat, avec un objectif de cours à 87 euros – quelques 10 euros de plus que le niveau actuel.

Mieux communiquer

Paul Hudson, une nomination pour en finir avec le parcours en yoyo de l’ère Brandicourt, reflet d’un bilan mitigé ? Avant lui, Chris Viehbacher avait galvanisé l’action, notamment depuis le rachat de la biotech Genzyme en 2010. « Hudson incarne un changement culturel : la mentalité anglo-saxonne doublée d’une vraie expérience dans des groupes passés maîtres du lean, ultra-performants, » dit Jean-Jacques Le Fur, expert du secteur chez Bryan Garnier, qui valorise le titre à 92 euros.

C’est aussi un diplômé en économie et marketing qui succède à un médecin. Plus ouvert, de facto, et mieux rodé à la communication que son prédécesseur. Derrière sa mine bonhomme,  Paul Hudson est un vieux briscard de la big pharma, où il a fait la quasi-totalité de sa carrière – et même ses premiers pas au marketing de Sanofi-Synthélabo UK, il y a près de trente ans . GlaxoSmithKline, Schering-Plough, AstraZeneca dont il a dirigé les activités américaines et japonaises… il connaît bien les premiers marchés pharmaceutiques mondiaux.

Revoir le portefeuille

Entré à Novartis en 2006, il pilotait depuis 2016 son pôle de médicaments sur ordonnance, Novartis Pharmaceuticals. A première vue, donc, un profil très international, rodé aux gros lancements de produits, comme au sujet (brûlant) du prix des médicaments innovants. Et avide : fort probable, depuis quelques temps, que Paul Hudson se soit senti à l’étroit à Novartis, où le nouveau directeur général Vas Narasinham, quadra dynamique et disruptif, s’est imposé en revoyant totalement les contours et la philosophie du géant suisse.

A Sanofi, Hudson devra rapidement trouver ses marques. « Aux côtés du nouveau directeur financier, Jean-Baptiste Chatillon, venu de l’industrie automobile, Hudson devrait former un tandem dynamique et productif, qui saura convaincre les investisseurs et établir une nouvelle feuille de route, je l’espère avant la fin de l’année, » poursuit Jean-Jacques Le Fur. En bourse comme ailleurs, le laboratoire pâtit de son retard côté blockbusters – dans le cancer notamment, le Graal du business – pour compenser la chute de ses ventes dans le diabète, avec son insuline Lantus, un marché laminé par la guerre des prix, notamment aux Etats-Unis.

Rationaliser encore les structures

Beaucoup d’investisseurs parient sur un passage en revue du portefeuille. En tête, l’avenir réservé aux produits vendus sans ordonnance (OTC), « un secteur que tous les géants ont quitté, y compris GSK, pourtant leader mondial, qui va fusionner sa branche OTC avec celle de Pfizer et l’introduire en Bourse. Pas exclu que le nouveau management de Sanofi ait aussi un regard neuf sur ce sujet », estime l’analyste. Pas exclu non plus, professent d’autres experts, que Paul Hudson rationalise aussi davantage. Après avoir sabré dans ses fonctions supports et commerciales, fin 2018 et au printemps de cette année, le laboratoire a annoncé au début de l’été la suppression de 466 postes dans sa R&D, jusqu’ici sanctuarisé, dont 300 dans l’Hexagone. Tout un symbole. Aujourd’hui, la France représente encore près du quart des effectifs mondiaux du laboratoire  (25400 personnes à fin 2018)… mais seulement 7 % de son chiffre d’affaires.

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