Course aux vaccins : le géant GSK déploie sa machine de guerre à Saint-Amand

Dans un bâtiment aux allures de hangar, des milliers de flacons tournent à vive allure sur des lignes automatisées, sous le contrôle vigilant de plusieurs opérateurs. Produits vedettes du laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK), les vaccins Infanrix et Boostrix – contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite – s’apprêtent à sortir de l’usine de Saint-Amand-les-Eaux, étendue sur un terrain de dix-sept hectares au cœur d’un parc naturel entre Lille et Valenciennes. Une fois étiquetés au rythme de 180 flacons par heure et emballés dans leur boîte en carton, les sérums seront expédiés, respectivement en Australie et au Royaume-Uni.

Tandis que le président Emmanuel Macron a annoncé le 13 juin que l’usine d’antibiotiques de Mayenne de GSK allait investir 22 millions d’euros pour relocaliser la production d’amoxicilline dans l’Hexagone, l’unité des Hauts-de-France s’est taillé une place stratégique parmi les douze sites de production de vaccins du laboratoire dans le monde.

Saint-Amand, siège mondial de l’activité vaccins

Située non loin de Wavre (Belgique), siège mondial de cette activité vaccins du groupe, elle est en charge des étapes de formulation, de remplissage et de conditionnement à partir d’antigènes fabriqués dans d’autres usines. “Nous produisons ici quinze vaccins différents, en flacons, en seringue ou sous forme lyophilisée, qui protègent contre l’hépatite A et B, la grippe saisonnière, la pneumonie, la méningite ou encore le zona”, se félicite Eric Moreau, son directeur, qui ajoute fièrement à la liste le Mosquirix, le premier vaccin au monde contre le paludisme validé par l’Organisation mondiale de la santé en 2022.

L’usine nordiste est aussi dans les starting-blocks pour récupérer une partie de la production d’un seizième produit : l’Arexvy, le dernier né de GSK contre le virus respiratoire syncytial responsable de la bronchiolite, à destination des seniors, qui vient d’être autorisé par les autorités américaines, le 6 mai, puis européennes, le 7 juin. Au nez et à la barbe de Pfizer et Moderna, qui planchent également sur cette cible. En France, le groupe vise une commercialisation de ce vaccin “avant la prochaine saison hivernale”.

Un laboratoire à haute valeur ajoutée

L’an dernier, le site de Saint-Amand-les-Eaux a produit 131 millions de doses, dont 95% ont été exportées vers 125 pays, du Vietnam au Brésil, des Etats-Unis à l’Afrique du Sud. C’est plus de 20% des 500 millions de doses livrées globalement par le groupe, qui a enregistré un chiffre d’affaires de 29,3 milliards de livres sterling (34 milliards d’euros) en 2022, dont 7,9 milliards pour sa branche vaccins. “GSK peut se vanter d’avoir un large portefeuille de vaccins couvrant tout un éventail de maladies infectieuses, avec plus de vingt sérums sur le marché”, notent les analystes de Zacks Equity Research dans un récent rapport.

Difficile d’imaginer qu’il y a vingt ans, la gigantesque implantation du Nord n’était encore qu’une petite entreprise locale spécialisée dans la sous-traitance de médicaments stériles injectables, appelée Sterilyo. GSK a été son client avant d’en faire l’acquisition en 2002. “Nous avons misé sur les compétences à haute valeur ajoutée de ce laboratoire, mais aussi sur le potentiel de développement du site, car Sterilyo n’occupait alors que trois hectares du foncier disponible”, explique Eric Moreau.

En cinq ans, de 2006 à 2011, GSK a investi 600 millions d’euros dans l’installation, d’où il a sorti son premier vaccin en 2012. Depuis, le laboratoire y injecte 20 millions d’euros chaque année pour déployer des équipements de pointe et digitaliser la fabrication, tout en réduisant ses émissions de CO2, de 30% dès 2024. “Nos procédés requièrent des technologies complexes et innovantes pour assurer la parfaite stérilité des produits tout au long de la production, depuis la formulation des vaccins jusqu’au remplissage des flacons et seringues ou au chargement des lyophilisateurs”, détaille François Delval, pharmacien responsable du site qui, en parallèle, recrute et forme des techniciens à tour de bras pour doper sa capacité de production.

Course post-pandémie

Transformé en machine de guerre, le site de Saint-Amand-les-Eaux est un maillon essentiel des ambitions de GSK, l’un des cinq leaders mondiaux de l’industrie biopharmaceutique, dans la course mondiale aux vaccins qui s’est accélérée depuis la pandémie de Covid-19. D’après l’Organisation mondiale de la santé, le marché mondial était estimé à plus de 140 milliards de dollars (131 milliards d’euros) en 2021, soit près de 3,5 fois la valeur de 2019 (38 milliards).

Des champions de l’ARN messager, Pfizer et Moderna, en passant par Sanofi, AstraZeneca ou encore Merck, la Big Pharma rivalise de projets de futurs vaccins.

Production dopée

Le laboratoire britannique compte lui-même vingt-deux candidats vaccins dans son pipeline, notamment dans le traitement des pathologies chroniques, des maladies respiratoires ou pour contrer la résistance des bactéries aux antibiotiques. Le contexte n’a jamais été aussi porteur pour le marché de la vaccination, selon Jamila Louahed, directrice de la R&D Vaccins de GSK.

“Les progrès de la science et les innovations technologiques ont permis de développer des vaccins de plus en plus sophistiqués ces dernières années. Or, ces technologies sont non seulement plus performantes sur le plan médical, mais elles permettent également de monter plus facilement en volume de production pour répondre à la demande mondiale.” De quoi promettre de beaux jours au hub de Saint-Amand-les-Eaux

Bientôt un centre de formation XXL L’usine de Saint-Amand-les-Eaux emploie aujourd’hui plus de 1.000 collaborateurs, deux fois plus qu’il y a dix ans. Et elle ne cesse de recruter. En mars, le groupe GSK a lancé la campagne “100 emplois en 100 jours” pour pourvoir des postes de techniciens et opérateurs capables de maîtriser les technologies de pointe déployées dans son site nordiste.

Mais la concurrence est rude. “Les compétences dans le digital et les process industriels automatisés sont très recherchées, surtout dans la région, où des grosses usines de batteries s’installent et s’arrachent aussi ces profils”, admet Eric Moreau, le directeur du site. Face à la pénurie, GSK a donc décidé de former ces perles rares lui-même. Il va démarrer fin juin les travaux de construction d’un centre de formation de taille XXL au cœur de son installation amandinoise. Ce nouveau centre, de 2.200 m2, devrait être opérationnel à l’automne 2024, avec une capacité d’accueil de près de 100 nouvelles recrues en même temps.