Covid-19: En continuant leurs activités, les employeurs risquent gros

C’est une épée de Damoclès qui menace des centaines de milliers d’employeurs. « Le ministère du Travail fait pression pour que nous relancions l’activité économique et le Premier ministre nous appelle à un confinement strict, résume Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), en charge des affaires sociales. Or, selon le droit français, la responsabilité en matière de santé repose entièrement sur le chef d’entreprise. » Ou son délégataire. Est-ce pour cela qu’Ana Fernandes, la directrice de l’entrepôt d’Amazon à Saran (Loiret), a annoncé sa démission ? Quelques jours plus tard, c’est la DRH de la filiale française, Laetitia de Montgolfier, qui a quitté son poste, officiellement pour d’autres fonctions au siège européen du groupe.

« Les dirigeants de société ont raison d’être inquiets, car ils sont en première ligne juridique », indique Jean-Paul Teissonnière, avocat spécialisé dans la défense de salariés victimes de catastrophes industrielles, sanitaires et environnementales. Selon lui, la Cour de cassation a une lecture extrêmement contraignante du Code du travail. « Les derniers arrêts de la chambre sociale renforcent cette obligation de sécurité », indique-t-il. La jurisprudence mentionne notamment que, si l’employeur connaît le risque, il a une obligation de résultat – et pas seulement de moyens – vis-à-vis de ses salariés. Or, le risque, aujour­d’hui, est connu.

Responsabilité partagée

Du coup, les chefs d’entreprise pourraient être tentés, comme pour l’amiante, de se tourner vers l’Etat afin d’obtenir une compensation partielle en cas d’actions en justice. « Et il va y en avoir », assure Eric Chevée. En attendant, la CPME refuse de remettre les équipes au travail sur les chantiers et dans les usines, tant que masques et gels hydroalcooliques ne sont pas disponibles. « La responsabilité pourrait être partagée entre l’employeur et l’employé, d’autant plus qu’il existe un droit de retrait « , suggère un chef d’entreprise.

Dans un courrier envoyé le 25 mars à la ministre du Travail Muriel Pénicaud, au Premier ministre et au président de la République, les juristes de la CPME affirment que des dispositions réglementaires doivent être prises : « La directive européenne dispose que les Etats membres peuvent prévoir l’exclusion ou la diminution de la responsabilité des employeurs pour des faits dus à des circonstances qui sont étrangères à ces derniers, anormales, imprévisibles ou à des événements exceptionnels. » Nous y sommes précisément.

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