Dépenses publiques : un peu de courage Messieurs les énarques !

La transformation de l’État français fait figure d’Arlésienne. Elle a comme objectif de faire baisser la dépense publique en réformant les administrations et notre fameux modèle social à bout de souffle. Ce gouvernement n’échappe pas aux tiraillements de la redéfinition du modèle français qui oscille entre la nécessité des coupes forcément un peu douloureuses, et l’attachement ombilical à une fonction publique qui doit totalement être repensée : nous n’échapperont pas à la redéfinition précise des missions régaliennes de l’État que personne n’accepte d’évoquer.

Les solutions existent pour réformer le pays mais il faut s’y prendre autrement, en profondeur et avec détermination, surtout fixer des objectifs concrets et compréhensibles en associant les nombreuses parties prenantes. Il faut aussi investir pour transformer et cela engendre d’abord des coûts…On a tellement peur du sujet que c’est presque par hasard qu’on a découvert le rapport CAP2022 enfin rendu public le samedi 21 juillet par le « syndicat Solidaires finances publiques », en d’autres termes la conséquence d’une fuite !

La refonte en profondeur de l’action publique s’avère être un nouveau dossier embarrassant pour le gouvernement qui n’en assume pas ou plus les lignes directrices, on peut  raisonnablement craindre qu’il finisse aux oubliettes, étouffé dans l’œuf.

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Après lecture de ce rapport que retient-on ? Les mesures préconisées sont fortes et en cela critiquées comme d’habitude car les économies visées atteindraient le chiffre global de 30 milliards… de quoi faire peur. Comment faire comprendre que sans ces économies, les impôts continueront d’augmenter ? Expliquer sans cesse, réexpliquer, faire de la pédagogie, donner du sens, préparer les évaluations… Par ailleurs,  » on ne fait pas du neuf avec du vieux  » et le Président de la République est en train de s’apercevoir de la puissance de résistance au changement de la haute administration et de son incapacité à détruire ce millefeuille administratif sur lequel elle règne. Le spoil system américain (consistant à remplacer les hommes à chaque changement de majorité) est la seule solution : comment réformer lorsque le directeur de cabinet d’un ministre, par exemple, est le même que sous le précédent régime qui avait un plan d’action totalement opposé (sic) ?

Il faut réformer quitte même à mécontenter dans un premier temps les plus convaincus, le patronat. Admettre que les fameuses aides aux entreprises ne sont que des soins palliatifs mis en place pour les soulager des boulets qu’on leur a mis aux pieds ? Il faut les supprimer  et alléger les charges. Bruno Parent, Directeur général des Finances publiques, le plus haut des fonctionnaires, patron de Bercy, reconnaît la présence de ces mécanismes compensateurs mis en application pour neutraliser les effets néfastes de politiques publiques inutiles ou inefficaces. Tout cela parce que l’on assume pas de les supprimer !

Voilà comment fonctionne la France actuellement, au lieu d’assumer les erreurs et de les corriger,  les couches successives de normes s’empilent et entreprises et citoyens en pâtissent de jour en jour un peu plus, menaçant sérieusement l’avenir.

Il est donc urgent de sortir du prisme de lecture français de l’économie qui consiste à penser que supprimer des dépenses inutiles priverait les français de ces fameux services publics mis à leur disposition. Faux ! On peut au contraire améliorer le service aux usagers, en particuliers grâce au digital.

Le recours au privé doit devenir la règle

Il faut « changer de modèle », c’est aussi ce que tente fondamentalement expliquer le rapport du mouvement ETHIC rédigé par des entrepreneurs, assistés d’économistes. Refonder l’administration autour des notions de confiance et de responsabilité, avec une véritable pédagogie adaptée. Comprendre le rôle de l’État et les règles du libéralisme.

Actuellement, une responsabilité diluée est à déplorer au sein de l’administration et de l’État : peu de récompenses en situation de réussite et pas de sanctions en cas d’échec. On a définitivement besoin d’une vraie politique de ressources humaines intégrant l’esprit d’entreprise, le développement personnel, un management dynamique chez les fonctionnaires. La fonction publique ne doit plus être traitée comme une foule homogène, bénéficiant d’avantages acquis donc définitifs, dont on ne distingue plus les différents corps, comment assimiler une infirmière, un gardien de musée, un contrôleur des impôts ? C’est une aberration.

Le retour à une pédagogie fondamentale concerne particulièrement l’Éducation nationale. L’enseignement est la première victime d’une gestion administrée sous la coupe de syndicats tout puissants, notre éducation nationale est sanctionnée par la dépréciation de la note française dans les classements internationaux. CAP2022 dénonce une situation duale : un chômage de masse, touchant fortement les jeunes et en même temps une pénurie de main d’œuvre dans l’industrie comme chez les PME. L’une des propositions de ce rapport vise donc à redonner à la France sa place dans les classements internationaux concernant les résultats de son système éducatif ; mais comment convaincre les français eux mêmes de penser autrement (« out of the box » comme le disent les anglo-saxons), accepter l’autonomie des établissements, que le directeur soit un vrai patron avec un contrôle sur l’efficacité des professeurs, qu’un mauvais prof ne puisse sévir à vie ? Former, motiver, faire évoluer un million d’enseignants est un défi en soit.

Messieurs les énarques, un peu de modestie !

Nous sommes convaincus, au fond de nous-mêmes, que seul l’État nous protège, que seul l’État est désintéressé, une vraie religion nationale. Il est nécessaire de faire accepter l’idée selon laquelle la société française, de même que les entreprises, doit cesser de fonctionner comme des entités identiques au sein desquelles la décision tombe du sommet, mais au contraire comme des communautés professionnelles avec des compétences différentes, des promotions possibles, et surtout des droits qui sont la contrepartie des devoirs reposant sur la responsabilité des uns à l’égard des autres. Par ailleurs, il faut accepter qu’en ce qui concerne les services publics, le recours à l’initiative privée devienne la règle. L’exemple de la restauration scolaire comme celui des crèches démontre que le recours aux entreprises permet de satisfaire qualitativement la demande tout en réduisant les coûts et en garantissant la qualité et la sécurité. Il faut en même temps combiner des services publics performants avec la maîtrise des dépenses, mais cela exige des changements complets comportementaux et managériaux.

À l’exception des missions régaliennes (préciser enfin lesquelles et dans le détail !), les autres activités doivent laisser toute sa place au privé, retourner dans le domaine concurrentiel, du progrès et de l’emploi. Déléguer des missions du service public est sain et efficace. C’est ce qu’il faut rabâcher en expliquant inlassablement ce devant quoi tous les gouvernements reculent. Le résultat est que chaque tentative de réforme entraîne la France qui ne comprend pas dans la rue, menée par les mêmes syndicats jusqu’auboutistes dont la fonction publique est le fromage vital.

Que ce rapport déjà étouffé CAP22 serve au moins de boite à idées, certaines sont bonnes et doivent être appliquées. Et pourquoi enfin ne pas écouter ceux qui entreprennent et gèrent tous les jours. Oui, la société civile, s’inspirer de ses constats de son expérience, de ses propositions ?

Comment transformer ce pays dans lequel tout ce qui vient de l’initiative privée est discrédité et suscite de la méfiance ? C’est bien là le vrai défi du Président de la République !

Messieurs les énarques, un peu de modestie… sachez vous effacer.

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