Dopé à l’électrique, l’étonnante renaissance du vélo français

L’odeur de plastique se mêle à la chaleur étouffante. En cette belle journée d’été, l’usine de la Manufacture française du Cycle de Machecoul (Loire-Atlantique) tourne à plein régime. 430.000 vélos sont sortis de l’usine l’année dernière, ce qui en fait de loin la plus grande usine française de cycles. Cette année, MFC devrait dépasser la barre des 500.000. « C’est une vieille usine qui avait prévue de fermer ses portes se souvient David Jamin, directeur général de l’usine. Intersport a racheté l’usine à la barre du tribunal de commerce en 2013. L’usine comptait 173 salariés et produisait 130.000 vélos. Lors des pics d’activité j’ai aujourd’hui plus de 600 équivalents temps plein. On continue à embaucher, il va falloir pousser les murs. »

L’usine revient en réalité de loin. MFC est une marque presque centenaire, fondée en 1925 par Marcel Brunelière, dit « le gitan ». Son surnom lui donnera l’idée de fonder quelques années plus tard la marque Gitane, bien connue des amateurs de la petite reine. Les vélos de Bernard Hinault et Laurent Fignon, avec lesquels ils ont remporté le Tour de France sont encore exposés sur le site MFC. Au cours de sa vie, l’usine passe successivement entre les mains de Renault, Peugeot puis du groupe suédois Grimaldi. Jusqu’à l’arrivée de la concurrence asiatique à bas coût qui a failli provoquer la chute de l’entreprise.

Profiter du boom des vélos électriques

Aujourd’hui, les neuf lignes de production de l’usine accueillent aussi bien les vélos Nakamura, la marque d’Intersport, que ceux de Sunn, la marque rachetée en 2014 pour la relancer, et bien sûr des marques pour des distributeurs comme Auchan, Carrefour, Leclerc… et même Go Sport. « On sait faire la part des choses entre notre actionnaire et nos clients, précise le directeur général de MFC. Nous avons un actionnaire idéal, qui n’est pas un fonds de pension qui vient simplement chercher des dividendes. Bien sûr, c’est notre premier client, ils veulent avoir une bonne qualité de prestation mais ils nous laissent les plus autonomes possible. Cela permet de continuer à nous confronter au marché en garantissant notre compétitivité. » Intersport n’a de fait aucune raison de se plaindre. Au moment du rachat, l’usine réalisait 20 millions d’euros de chiffre d’affaires. L’année dernière celui-ci était de plus de 120 millions d’euros.

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MFC veut désormais surtout s’imposer comme la référence française du vélo électrique, marché en plein boom. En 2018, l’usine de Machecoul a produit 84.000 vélos à assistance électrique (VAE). « Nous avons produit 24% de la production française de 338.000 vélos l’année dernière, développe David Jamin. On pense que le marché continuera de croître de façon significative et nous voulons rester leader. » Et sur ce segment les marges sont significatives. Le prix moyen d’achat d’un VAE était l’année dernière de 1.585 euros en France. « Le vélo va prendre une place déterminante dans l’évolution des modes de transport dans les villes de demain, constate Virgile Caillet, délégué général de l’Union sport et cycles. Actuellement il y a un parc d’un million de VAE en France. D’ici à 2024, il se vendra plus d’un million de vélos électriques par an. La progression est vraiment exponentielle. »

Politique anti-dumping de l’Europe

A côté de cette activité principale, l’usine produit également certains Vélib’ pour Smoove. En 2018, 17.500 Vélib’ mécaniques ont été assemblés par MFC ainsi que l’intégralité de la flotte électrique. L’usine va même produire les vélos partagées pour le contrat décroché par Smoove à Moscou. La petite marque Le vélo Mad in France produit également ses modèles dans l’usine. « On a fait le tour des usines françaises de cycles, et ce sont quasiment les seuls à être tombés d’accord avec nous », raconte avec franchise le fondateur de la marque Guillaume Adriansen. Le positionnement de sa marque est simple: assembler en France des vélos électriques vendus en direct grâce à internet afin de limiter les coûts. L’entrepreneur avait tenté de vendre des vélos produits en Chine. Sans succès. « On voulait fonder une marque française, c’est bien trop compliqué d’importer des vélos chinois. »

Souvent décriée pour son faible protectionnisme, l’Union européenne a pourtant eu un rôle primordial dans la préservation de l’industrie du cycle en Europe. « Depuis 1993, l’Europe a d’abord mis en place des taxes anti-dumping sur les vélos musculaires produits en Chine pour cinq années renouvelables précise le directeur général de MFC. Puis en début d’année 2019, l’Union européenne (UE) a mis également des taxes sur les vélos électriques provenant de Chine. » Et pour empêcher les entreprises chinoises de jouer avec la provenance des bicyclettes, l’UE a étendu ses taxes anti-dumping aux pays de production de substitution comme l’Indonésie, la Malaisie, le Sri Lanka, la Tunisie, le Cambodge, le Pakistan et même les Philippines.

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Néanmoins dans un vélo assemblé dans l’usine MFC, encore 50% des pièces sont réalisées en Chine. « Je ne suis pas certain que le vélo électrique se serait développé autant sans notre industrie du cycle en Europe, plaide David Jamin. Depuis les décisions de 1993, l’Europe a été visionnaire en créant ce cercle vertueux, bon pour les utilisateurs et pour la planète. »

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