Fnac-Darty et les grandes surfaces contraints de fermer leurs rayons livres

La décision vient de tomber. Le gouvernement a enfin décidé de changer ses plans. Depuis deux jours, les librairies et le monde de la culture s’insurgent contre la distorsion de concurrence induite par le reconfinement. D’un côté, ces spécialistes du livre, des petits acteurs souvent fragiles, ont été contraints de baisser leur rideau, au motif très désagréable à entendre que ce sont « des commerces non essentiels ». De l’autre, la grande distribution, essentielle pour nourrir la population confinée, et les pure-players du web, comme Amazon, des acteurs bien plus puissants, peuvent toujours vendre BD, romans et autres essais. La situation révoltait d’autant plus les libraires que le mois de novembre est l’un des plus importants de l’année, et qu’au moment où ils seront enfermés chez eux, les Français auront davantage de temps pour lire. Cerise sur le gâteau, ce vendredi 30 octobre au matin, Fnac-Darty avait annoncé sa décision de garder ses magasins ouverts, au motif que l’enseigne vend du matériel informatique et électronique nécessaire au télétravail. Bilan des courses au premier jour du deuxième confinement: tout le monde pouvait vendre des livres, sauf les spécialistes de ce métier.

Cris de colère, communiqués de presse, pétitions se sont accumulés, au départ sans réaction du gouvernement. Le 29 octobre au soir, Roselyne Bachelot avait même déclaré que les librairies ne faisaient pas, « pour l’instant, partie des commerces ouverts. Nous verrons dans quinze jours si une ouverture classique redevient possible ». Mais le tollé entraîné par cette décision a fini par faire bouger les lignes.

Selon nos informations, ce vendredi 30 octobre en fin d’après-midi, la ministre de la Culture et le ministre de l’Economie Bruno Le Maire ont échangé avec les éditeurs, le Syndicat de la Librairie Française et Enrique Martinez, directeur général de Fnac-Darty. Et décision a été prise, au nom de l’égalité, de fermer les rayons livres des Fnac et des grandes surfaces.

« Face au constat de l’impossibilité d’une ouverture de l’ensemble des acteurs de la vente de livres, souhaitée et soutenue par la Fnac, et dans un souci de responsabilité, j’ai décidé la fermeture de l’ensemble des rayons culture de nos magasins Fnac dans toute la France à compter de demain matin et pour les prochains 15 jours », a confirmé Enrique Martinez vendredi après-midi.

Jeter le consommateur dans les bras d’Amazon

Une telle décision soulève plusieurs questions. La fermeture des rayons livres efface certes la concurrence physique des grandes surfaces. Des acteurs français, qui participent à maintenir l’économie à flot. Mais quid de celle des pure-players? Si le consommateur ne trouve plus aucun livre à la Fnac ou dans les rayons des hypermarchés, il ne lui restera qu’une solution: se jeter dans les bras de l’américain Amazon. Les petits libraires ne verront pas plus la couleur de l’argent dépensé. C’est d’autant plus dommage que la grande distribution semblait prête à trouver des solutions gagnant-gagnant. Sur Twitter, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, déclarait cet après-midi: « Rien ne remplacera nos librairies de quartiers qui doivent vite rouvrir. Mais d’ici là, Carrefour met à disposition des libraires indépendants des espaces de ventes dans ses hypers. Nous créons un numéro de tel dédié aux libraires pour identifier les meilleures solutions locales. »

Dans le même temps, une partie des achats culturels qui se seraient faits dans des magasins physiques risque tout simplement de ne pas se reporter. Et c’est, cette fois, l’industrie du livre, ses auteurs, ses éditeurs, qui en pâtiront. « Le livre est le dernier produit culturel accessible pendant le confinement », rappelle un patron de l’édition, « les cinémas et théâtre sont fermés, il n’y a plus d’opéras, de spectacles. » De l’autre côté de nos frontières, en Allemagne ou en Suisse, les vendeurs d’histoires, de récits et autres ouvrages en papier ont pu, eux, garder porte ouverte. En France, les libraires gardent un espoir: que dans deux semaines, le gouvernement annonce la réouverture de leurs points de vente. Histoire que la fin d’année ne soit pas totalement gâchée. 

Challenges en temps réel : Entreprise