Forbes renonce à son introduction en Bourse, la fin de l’âge d’or pour les Spac?

Deux ans après le début de l’engouement pour les Spac, le temps tourne à l’orage… Refroidi par des conditions de marché adverses, Forbes renonce à son tour à s’introduire en Bourse via ces véhicules d’investissement « chèques en blanc. » Le groupe de presse américain centenaire connu pour ses classements n’a pas indiqué comment il entendait financer son plan de développement, principale motivation de son projet d’entrée en Bourse.

Le groupe de presse américain Forbes, spécialisé dans l’information économique, a indiqué mercredi qu’il renonçait à entrer en Bourse via la fusion avec un véhicule déjà coté, un Spac, illustrant la chute de popularité de ce procédé de cotation qui faisait fureur jusqu’à l’an dernier.

Forbes n’a pas précisé les raisons de ce renoncement, se contentant d’insister sur la santé du groupe, qui a enregistré une croissance de 11% l’an passé et table sur 12% cette année. L’opération, initialement annoncée fin août 2021, devait permettre à Forbes de lever environ 600 millions de dollars, par le biais de la Spac (Special Purpose Acquisition Company) Magnum Opus Acquisition Limited, entrée en Bourse en mars 2021.

La Spac est un véhicule coté qui a pour seul objet de lever des fonds et fusionner avec une société qui souhaite entrer en Bourse. Ce procédé est considérablement moins contraignant qu’une introduction en Bourse classique, notamment sur le plan réglementaire. Créé il y a près de 30 ans, le concept de la Spac a connu un regain de popularité en 2020 et 2021, alimenté par l’envolée des marchés boursiers. De nombreuses célébrités, comme le rappeur Jay-Z, la légende du basket Shaquille O’Neal ou l’ancien président américain Donald Trump, ont associé leur nom à ces entreprises.

Des Spac moins attractives avec la hausse des taux?

Avec la hausse des taux d’intérêt, le resserrement des conditions de crédit et le très mauvais début d’année de Wall Street, leur étoile a néanmoins nettement pâli depuis plusieurs mois. Les investisseurs s’inquiètent aussi d’un durcissement réglementaire, qui les rendrait moins attractives. En mars, le régulateur américain des marchés, la SEC, a dévoilé une série de nouvelles règles qui vont imposer davantage de transparence aux Spac, dont l’opacité a souvent été critiquée.

En annonçant l’annulation de sa fusion avec une Spac, Forbes n’a pas indiqué comment il entendait financer son plan de développement, qui était à l’origine de son projet d’entrée en Bourse. Mercredi toujours, le site de réservation de billets de spectacles SeatGeek a lui aussi annoncé que sa fusion avec la Spac RedBall Acquisition n’aurait finalement pas lieu. Le groupe espérait initialement lever 675 millions de dollars grâce à ce rapprochement. Les deux parties ont indiqué avoir renoncé « du fait des conditions de marché actuelles défavorables, qui affectent particulièrement les sociétés technologiques ».

L’avenir du secteur reste incertain. Selon le cabinet de recherche Audit Analytics, près de 11% des entreprises acquises par des SPAC entre janvier 2020 et décembre 2021 ont émis ces derniers mois des avertissements sur un risque de faillite. Une disparition totale de ces outils financiers est toutefois peu envisageable, selon M. Stegemoller.

« Je pense que le marché va se rétrécir à court terme, il sera moins dominant dans le domaine des introductions boursières », prédit l’universitaire. « Honnêtement, c’est sans doute une bonne chose », estime-t-il, pariant sur des Spac moins nombreuses mais mieux régulées, et donc moins dangereuses pour les investisseurs.

Selon le cabinet Dealogic, seules 67 Spac ont été cotées sur la place new-yorkaise entre janvier et mai, contre un total de 861 au cours des deux années précédentes. Et sur les cinq premiers mois de l’année, 49 fusions avec des Spac ont été comptabilisées, un rythme annuel plus lent qu’en 2021 où il y en a eu 231…