Gazprom met de l’eau dans son vin face à l’Union européenne, l’Ukraine dans la balance ?

Alors que le gaz semble être le véritable enjeu d’un  éventuel rapprochement entre l’Ukraine et  l’Union européenne, la Russie voyant d’un très mauvais œil une telle « association », Moscou joue – officiellement – la carte de l’apaisement – en annonçant être prêt à des concessions sur ses tarifs gaziers pratiqués en Europe centrale et orientale.

Le géant gazier russe Gazprom a ainsi déclaré qu’il allait agir dans les prochains jours en vue d’apporter une solution aux problèmes soulevés par la Commission européenne sur la tarification du gaz destiné à ses clients européens.

« Gazprom a annoncé qu’il allait présenter un projet écrit au cours des jours à venir », a ainsi déclaré le commissaire à la Concurrence Joaquin Almunia dans un communiqué, à l’issue d’un entretien à Bruxelles avec le vice-président de Gazprom, Alexandre Medvedev. Ajoutant que le groupe énergétique russe avait « exprimé sa volonté d’explorer la possibilité d’une solution fondée sur des engagements» de sa part.

Des propos qui font suite à une enquête des autorités européennes initialisée en septembre 2012, la Commission européenne soupçonnant Gazprom de mener des pratiques anticoncurrentielles.

La Commission soupçonne notamment le géant gazier – lequel détient un monopole sur les exportations russes de gaz – d’avoir influé sur les flux du gaz acheminé vers l’Union européenne et pratiqué une tarification excessive en liant le prix du gaz aux cours du brut. Ces pratiques concernent la Lituanie, l’Estonie, la Bulgarie, la République Tchèque, la Hongrie, la Lettonie, la Slovaquie et la Pologne, toutes très dépendantes des livraisons de gaz russe.

Lors du sommet UE-Russie qui s’est tenue en décembre 2012, le président russe Vladimir Poutine n’avait pas caché son exaspération face à l’enquête visant Gazprom menée par Bruxelles. Considérant alors comme «inacceptables» certaines réglementations de l’UE, estimant que ces dernières pouvaient s’approcher d’une « confiscation des intérêts russes».

Quelques semaines auparavant, le vice-Premier ministre russe Arkadi Dvorkovitch avait mis en garde l’UE contre «les conséquences» qui découleraient d’une condamnation du géant gazier. Le patron de Gazprom, Alexeï Miller, se montrant encore plus clair, en laissant entendre à demi-mot à Bruxelles qu’une telle position de sa part pourrait nuire à la satisfaction de ses demandes d’approvisionnement en gaz russe dans les années à venir. Une menace à peine voilée alors que la Russie fournit près de 30 % de la consommation de gaz et de pétrole des pays européens.

Hasard de calendrier ? Le groupe public ukrainien Naftogaz – via la voix de son PDG de Naftogaz, Evguéni Bakouline – a garanti quant à lui mardi un transit stable de gaz russe vers l’Europe durant cet hiver. Ajoutant que les stocks souterrains ukrainiens s’élevaient à 17,2 milliards de m³ de gaz.
Le vice-président de Gazprom, Vitali Markelov, avait auparavant déclaré que le groupe gazier et ses clients européens étaient préoccupés par les prélèvement de gaz effectués par l’Ukraine à partir de ses réservoirs souterrains. Gazprom estimant que le recours à de telles pratiques risquait de perturber le transit de gaz vers les pays de l’UE et de conduire ces derniers à la pénurie cet hiver. Selon M.Markelov, ces réservoirs devraient contenir 21,5 milliards de m³ de gaz pour pouvoir assurer l’approvisionnement.

Des propos dont l’objectif pourrait être d’effrayer l’Union européenne … histoire de l’amadouer sur le dossier tarifaire, l’Ukraine constituant le principal pays de transit du gaz russe exporté vers l’UE.

Pour rappel, en novembre dernier, Naftogaz a suspendu ses achats de gaz russes jusqu’à la fin de 2013, puisant alors dans ses réservoirs souterrains les volumes nécessaires à sa consommation interne. Toutefois, à la mi-novembre, le PDG de Gazprom Alexeï Miller, avait annoncé que l’Ukraine avait cessé de puiser dans ses stocks, reprenant ses importations de gaz russe. Le vice-président du conseil d’administration de Gazprom, Andreï Krouglov, indiquant parallèlement que la dette de Kiev pour les livraisons de gaz russe dépassait à cette date 1,3 milliard de dollars. Oderov, chef de département du conglomérat public russe Gazprom, précisant pour sa part que l’Ukraine n’avait pas encore réglé ses livraisons d’août et d’octobre.

Durant l’hiver 2008-2009, un bras de fer s’était engagé entre Moscou et Kiev concernant achat et transit de gaz, plongeant plusieurs pays européens dans la pénurie. Le 31 décembre 2008, la Russie avait ainsi suspendu l’approvisionnement de gaz à l’Ukraine, suite à un litige sur le règlement des factures dues par l’Ukraine. Selon Moscou, Kiev aurait alors volé le gaz naturel destiné à l’Europe pour sa consommation interne. Tout en niant ses accusations, l’Ukraine avait indiqué qu’elle avait besoin de « gaz technique » afin de mettre ses gazoducs sous pression et d’assurer le transit gazier.

Le 22 novembre dernier, à la suite du renoncement par Kiev à l’accord avec l’UE, Jovita Neliupsiene, la principale conseillère en politique étrangère de la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite, avait déclaré que le président ukrainien Viktor Ianoukovitch avait plié devant les menaces russes de couper les importations ukrainiennes si Kiev signait à Vilnius un accord d’association avec l’Union européenne. « L’Ukraine n’a pas résisté à la pression économique et au chantage » a-t-elle ainsi déclaré.

Précisant que de tels motifs avaient été cités par le président Ianoukovitch lors d’une conversation téléphonique avec Mme Grybauskaite, alors que la Lituanie assure actuellement la présidence de l’UE.
D’éventuelles limitations russes des importations de marchandises en provenance de l’est de l’Ukraine – région dotée d’une importante industrie employant des centaines de milliers de salariés ,- auraient pu peser dans la balance.

Sources : Reuters, Ria Novosti, Libération

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 06 décembre 2013

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