Géorgie : manifestation contre l’occupation russe, nouvelle guerre des pipelines ?

La Géorgie, bientôt une nouvelle Ukraine ? Cela pourrait bien y ressembler alors que la Russie y avance ses pions chaque jour un peu plus, et ce, sous une forte odeur de pétrole.

Près de 3.000 Géorgiens ont en effet manifesté samedi dans les rues de la capitale Tbilissi contre l’annexion par Moscou des régions séparatistes d’Ossétie du sud et d’Abkhazie. Les manifestants ont brandi des pancartes « Stoppez la Russie! » et martelé « Géorgie! » devant le bâtiment de la Chancellerie nationale, dans le centre de Tbilissi.

« Nous nous sommes réunis ici pour montrer que la politique agressive de la Russie n’a pas sa place au 21e siècle », a expliqué une des organisatrices de la manifestation, Tamara Tchergoleïchvili.

Mardi dernier, le ministère géorgien des Affaires étrangères a accusé Moscou de « menacer la paix et la sécurité dans toute la région » du Caucase du sud en menant une « agression rampante du territoire géorgien ».

Tbilissi affirme que des garde-frontières russes ont déplacé la semaine dernière les marqueurs de la frontière entre la Géorgie et la république séparatiste géorgienne de l’Ossétie du Sud, les installant à quelque 450 mètres de la principale autoroute géorgienne reliant l’est et l’ouest du pays et augmentant ainsi le territoire ossète.

– Un oléoduc stratégique « déplacé » arbitrairement en Ossétie du sud – 

Mais l’enjeu de toute l’affaire pourrait bien être celui-là : selon la Géorgie, une partie de l’oléoduc reliant Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, au port géorgien de Soupsa, sur la mer Noire, se retrouve désormais en Ossétie du sud.

Cet oléoduc, long de 830 kilomètres et d’une capacité d’environ 100.000 barils de brut par jour, est destiné aux marchés européens. Il achemine – en toute indépendance du réseau russe de pipelines – le pétrole du gisement de Azeri-Chirag-Guneshli, avec une capacité de 145 000 barils par jour. Il est géré par le consortium international Azerbaïjan International Operating Company (AIOC), pour une concession de 30 ans. Il est composé des sociétés britannique BP (34,1 %), qui en est l’opérateur principal, américaines Unocal (10,2 %), ExxonMobil (8 %), Devon Energy (5,6 %), Amerada Hess (2,7 %), russe Lukoil (10 %), azerbaïdjanaise Socar (10 %), norvégienne Statoil (8,6 %), turque TPAO(6,8 %), et japonaise Itochu (Japon, 3,9 %).

Mis en activité en avril 1999, il a coûté au consortium AIOC 560 millions de dollars. Sa capacité est limitée car les tankers quittant Soupsa doivent emprunter les détroits du Bosphore et des Dardanelles où le trafic est si dense que la Turquie restreint le transit.

– Des bases militaires russes installées dans la région – 

Rappelons que depuis août 2008 des milliers de soldats russes sont stationnés en Ossétie du sud.
Moscou a également installé des bases militaires en Abkhazie, une autre république séparatiste géorgienne dont elle a reconnue l’indépendance après la guerre entre la Russie et la Géorgie.

Tbilissi qualifie la présence russe dans ces deux régions d’ »occupation », ces dernières représentent environ 20% de la totalité du territoire géorgien.

Déjà en septembre 2013, Le Figaro laissait entendre que « les troupes russes violent quotidiennement l’intégrité territoriale de la Géorgie. Le journal précisait ainsi que depuis des mois, quelques-uns des 4.000 soldats russes, qui stationnent dans la République indépendantiste géorgienne de l’Ossétie du Sud, où a éclaté la guerre entre Tbilissi et Moscou à l’été 2008, « placent des barbelés pour restaurer des frontières osséto-géorgiennes du temps de l’URSS. »

Le journal alertait d’ores et déjà sur le fait que ces opérations pourraient avoir comme conséquence de placer sur un territoire administré par les séparatistes – et donc aux ordres de Moscou – 1,6 km de l’oléoduc Bakou-Soupsa, un des trois pipelines qui acheminent les hydrocarbures de la mer Caspienne vers les marchés mondiaux.

La télévision géorgienne d’opposition Tabula avait alors découvert le pot aux roses : le pipeline passe dans ce que fut, pendant l’URSS, le territoire de la région autonome de l’Ossétie du Sud, à l’intérieur de la République soviétique socialiste de Géorgie. Ce que confirment plusieurs cartographes à Tbilissi.

En 2013, un vice-ministre de l’Énergie, Ilia Elochvili avait indiqué que même si les Russes posaient des barbelés autour d’une portion du Bakou-Soupsa, «cela ne serait pas un problème puisqu’il est enterré ». Ajoutant : « la seule différence sera que les gens de BP ne pourront pas le surveiller sur un peu plus d’un kilomètre.»

Une distance tout de même suffisante pour éventuellement endommager le pipeline mais surtout pour indiquer à l’Occident que ses projets stratégiques du Caucase pourraient être mis à mal.

Sources : AFP, Wikipedia, Le Figaro

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 18 juillet 2015


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