Grève : le fret ferroviaire au bord de l’asphyxie

Déjà mal en point, le fret ferroviaire est désormais au bord de l’asphyxie. « Avec seulement 7 % des trains de fret qui circulent, la situation est particulièrement alarmante » prévient  Frank Tuffereau, délégué général de l’Association française du rail (AFRA), l’organisation qui regroupe les concurrents de la SNCF tels Colas Rail, Euro Cargo Rail ou Europorte (groupe Getlink) depuis la libéralisation du secteur en 2006. Cette dernière a écrit le 12 décembre au secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, afin de l’alerter sur la nécessité « de garantir un niveau de circulation optimal ». Mais toujours pas de réponse du gouvernement pour l’instant.

Trafic à l’arrêt  

Pourtant, il y a urgence. Depuis le début du conflit le 5 décembre contre la réforme des retraites, suivi par les cheminots, le trafic est quasiment à l’arrêt. En moyenne, de 5 à 20 trains de fret roulent chaque jour au lieu de 250 en temps normal, selon l’AFRA. Outre les trains de fret exploités par la SNCF dont les conducteurs sont en grève, se pose le problème des trains exploités par les entreprises privées qui n’obtiennent pas les autorisations pour rouler. « On ne comprend pas pourquoi le gérant des infrastructures, SNCF Réseau, ne donne que très peu de sillons alors que le taux de grévistes dans les postes d’aiguillage (17% de grévistes lundi 16 décembre) n’est pas très élevé, sans compter qu’il y a moins de trains de voyageurs sur les rails » soulève un responsable d’une compagnie de transports ferroviaires privée.   

Côté SNCF Réseau, on reconnait que « la situation n’est pas optimale » mais moins catastrophique que celle présentée par l’AFRA. « Samedi, nous avons pu faire circuler 150 trains, soit 30% du trafic, explique un porte-parole qui prévient cependant que le trafic demain 17 décembre sera « quasiment nul » du fait des appels à redoubler la mobilisation contre la réforme des retraites. Démentant les accusations de favoriser les  trains de voyageurs, SNCF Réseau explique qu’il est particulièrement difficile de gérer  « les longues lignes transversales où, par exemple, des trains partant de Bretagne passent par Paris pour aller dans le Sud-est de la France et sont donc susceptibles de tomber sur un poste d’aiguillage en grève. Dans ces cas-là, poursuit la direction de SNCF Réseau, il faut arrêter le train et son chargement, pouvoir le garer sans savoir quand il va pouvoir repartir ». Visiblement une logistique compliquée…

Pertes estimées entre 1 à 2 millions par jour

Reste que plus les jours passent et plus la situation devient tendue pour le secteur. Difficile à chiffrer pour le moment, les pertes sont estimées entre 1 et 2 millions par jour. « Les entreprises clientes basculent vers le transport par camion et c’est autant de part de marché difficile à récupérer » rappelle Franck Tuffereau de l’AFRA.  La situation est limite également pour fret SNCF dont les conducteurs, eux, sont en grève. Plombée par une dette de 5,2 milliards d’euros fin 2018, la branche du groupe public deviendra, le 1er janvier 2020, une société par actions simplifiée, une SAS. L’exécutif a promis de doter la nouvelle société de près de 170 millions d’euros de fonds propres. Or cette somme pourrait très vite être réduite à néant si l’équilibre opérationnel n’est pas atteint. L’année dernière, la grève perlée contre la réforme du statut des cheminots s’est soldée par un exercice 2018 en perte de plus de 170 millions d’euros…

En prenant ses fonctions en novembre dernier, le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou a promis qu’il ne serait pas le fossoyeur du fret et que son mandat s’inscrirait dans la défense du développement durable. Mais là aussi, sa tâche ne sera pas aisée.

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