Guerre du gaz Liban / Israël : Hezbollah contre USA

Guerre du gaz Liban / Israël : Hezbollah contre USA

Nouvel épisode de la guerre du gaz concernant l’immense potentiel en hydrocarbures offshores au large d’Israël, dans des eaux sujet à controverse. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah a indiqué vendredi que le Liban devrait utiliser son – puissant – parti chiite comme principal levier dans le bras de fer qui l’oppose à l’Etat hébreu au sujet des ressources gazières de ces fonds marins.

Une déclaration qui intervient alors que le Liban a récemment signé son premier contrat de prospection d’hydrocarbures en Méditerranée avec un consortium formé par le géant pétrolier français Total, le groupe ENI (Italie) et la société Novatek (Russie). Le différent porte sur deux blocs, notamment le bloc 9, dont une partie se trouverait dans une zone maritime disputée avec Israël.

Ce discours intervient alors que l’émissaire du département d’État américain, David Satterfield, mène actuellement une médiation entre le Liban et Israël dans le contentieux au sujet du bloc 9 de la Zone économique exclusive (ZEE) du Liban, Israël arguant qu’une partie de cette zone se trouve dans son territoire. Alors que les Etats-Unis ont laissé entendre par la voix de Rex Tillerson que le Hezbollah menaçait la sécurité du Liban, Hassan Nasrallah estime que le différend entre libanais et israéliens entre dans le cadre d’une guerre régionale menée par les Etats-Unis pour le pétrole et le gaz.

  • Bataille autour du tracé des frontières maritimes

“Aujourd’hui, les ressources d’hydrocarbures offshore se trouvant au large des côtes du Liban-Sud appartiennent à tous les Libanais. Cette manne représente un espoir de prospérité. La bataille du bloc 9 est celle de tous les Libanais”, a par ailleurs déclaré le chef du Hezbollah, dans un discours télévisé prononcé à l’occasion de la “commémoration annuelle des grands martyrs du parti”.

“C’est l’Etat libanais qui est responsable du tracé des frontières terrestres et maritimes. Mais il doit mener cette bataille en position de force”, a par ailleurs affirmé le leader chiite. Ajoutant que le principal conflit n’était pas la question du tracé des frontières terrestres mais que le vrai conflit résidait dans le tracé des frontières maritimes. Une réponse aux propos énoncés par Saad Hariri, le Premier ministre libanais, lors d’une conférence de presse conjointe avec le secrétaire d’État américain, affirmant que “la frontière sud du pays” était “la plus calme au Moyen-Orient”.

Reste tout de même que la semaine dernière, le Conseil Supérieur de la Défense (CSD) libanais, réuni sous la présidence du chef de l’État, Michel Aoun, a donné ses directives pour “empêcher Israël de construire à la frontière un mur de séparation” contesté par le Liban afin de “contrer cette agression”.

Dans son communiqué, le CDS avait accusé Israël “d’agression dans la zone économique exclusive maritime sur une superficie de 860 km carrés”, rejetant “les déclarations et les agressions israéliennes relatives à la richesse pétrolière et gazière dans les eaux libanaises”.

Côté israélien, le ministre de l’Énergie de l’État hébreu avait fait savoir qu’il voulait trouver un compromis avec le Liban. “Nous espérons, et nous sommes prêts à discuter afin de trouver une solution diplomatique à ce sujet”, avait déclaré Yuval Steinitz au site Ynet, réagissant aux propos du ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman. Lequel avait accusé le Liban de “provoquer” Israël en lançant les procédures pour l’exploitation des ressources offshore dans le bloc 9, proche de ses frontières.

La semaine dernière, Total avait souligné pour sa part dans un communiqué que le groupe français et ses partenaires « étaient bien conscients de la dispute frontalière entre le Liban et Israël », précisant toutefois que le différent concernait “moins de 8% de la surface du bloc 9″.  Pour rappel, les eaux économiques du Liban sont estimées à 22 000 kilomètres carrés, tandis que le bloc 9, au centre du conflit, s’étend sur 860 kilomètres carrés.

Lors d’une conférence sur la sécurité internationale organisée à Tel Aviv le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, a déclaré quant à lui que les sociétés étrangères qui ont répondu à l‘appel d‘offres avaient commis “une grave erreur”. Des propos aussitôt qualifiés de “menace contre le Liban” par le président libanais Michel Aoun.

Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, a quant à lui qualifié de “provocation flagrante” les propos d’Avigdor Lieberman, annonçant parallèlement que son gouvernement saisirait “les autorités internationales compétentes” pour que soit reconnu son droit à extraire des ressources dans ses eaux territoriales.

  • Le Hezbollah exhorte le Liban à répondre aux menaces d’Israël

“La seule force que vous pouvez utiliser dans cette guerre du pétrole et du gaz, c’est la résistance car il est interdit à l’armée libanaise d’avoir les missiles et les armes pour affronter les ennemis”, a par ailleurs tenu à rappeler Hassan Nasrallah. Rappel dont – aussi étrange que cela puisse paraître – l’AFP n’a pas fait état dans sa traduction, alors même que – ironie de l’histoire – des sites pro-Israël en ont tenu compte, tout en qualifiant certes le Hezbollah, de groupe terroriste.

“Si Israël vous menace, vous pouvez le menacer”, a ajouté Hassan Nasrallah, dans une adresse au gouvernement libanais auquel son parti contribue. Dans le cas où les Américains demanderaient à Beyrouth de coopérer avec eux pour dissuader Israël  de mener combat, le chef du Hezbollah a vivement suggéré au gouvernement d’enjoindre à Washington de répondre aux revendications libanaises, attitude seule valable à ses yeux pour pouvoir dissuader le Hezbollah de se lancer dans un conflit. Exhortant ainsi le gouvernement libanais à négocier “en position de force”, dans le cadre de médiation américaine actuellement en cours.

  • Les Etats-Unis, en médiateur à Beyrouth

Depuis le 6 février dernier, le secrétaire d’État adjoint pour les affaires du Proche-Orient, David Satterfield, est en effet à Beyrouth, dépêché par les Etats-Unis en vue de négocier avec le gouvernement libanais. En vue d’appuyer sa visite, le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, s’est rendue lui aussi à Beyrouth, jeudi, dans le cadre d’une tournée régionale.

Le chef des affaires étrangères US a affirmé que des contacts étaient entrepris “avec les gouvernements du Liban et d’Israël pour faire en sorte que la frontière reste calme” entre les deux pays.

Mais pour le chef du Hezbollah, la question libanaise “n’est pas séparée” de celle d’autres pays, notamment de la Syrie et de l’Irak. Constatant que les Américains sont « toujours présents à l’est de l’Euphrate », il estime que leur présence est fortement liée au fait que la région renferme « les plus grands puits de pétrole et de gaz de Syrie”.

S’agissant de l’Irak, Hassan Nasrallah a déclaré sur le ton de l’ironie que l’administration Trump le voyait maintenant avec des yeux pétroliers. Faisant ainsi référence à la fonction précédente de Rex Tillerson, ancien PDG de ExxonMobil.

  • Le Hezbollah menace la sécurité du Liban selon les USA

L’engagement du Hezbollah “dans les conflits régionaux” menace “la sécurité du Liban” et a des “effets déstabilisateurs sur la région”. Tels sont les propos pour le moins fermes énoncés par le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, jeudi à Beyrouth, à l’encontre du parti de Hassan Nasrallah.
Pourtant, la veille, à Amman, en Jordanie, le chef de la diplomatie américaine avait reconnu que le Hezbollah faisait partie du “processus politique” au Liban. “Nous savons que le Hezbollah libanais est influencé par l’Iran, une influence que nous considérons nuisible pour l’avenir du Liban à long terme”, avait-il toutefois ajouté.
Mardi, dans des propos à la chaîne al-Horra,  Rex Tillerson avait sommé l’Iran  de “retirer ses forces du Liban, de Syrie, d’Irak et du Yémen”.

En réponse aux différents discours tenus par la diplomatie US, Hassan Nasrallah a quant à lui déclaré que les « responsables politiques » libanais ne devaient “pas permettre aux diables américains, de diviser les rangs libanais”.

  • Israël réaffirme l’enjeu géostratégique de la zone pour l’exportation de gaz vers l’UE

La semaine dernière, le Ministre israélien de l’ Energie, Yuval Steinitz, a déclaré pour sa part qu’il estimait que les deux pays souhaitaient régler le différend par la voie diplomatique. Selon lui, afin d’éviter toutes opérations pouvant être considérées comme une menace, le Liban ne devrait “certainement pas pénétrer” les eaux économiques d’Israël. Mais, a-t-il averti : “s’ils tentent de nous attaquer, la réponse sera beaucoup plus sévère, rapide et passera sans équivoque”.

Yuval Steinitz a par ailleurs souligné que malgré les menaces, Israël continuera ses travaux de forage comme usuellement. « Nous devons développer nos sources d’énergie, principalement les vastes gisements de gaz trouvés dans la mer Méditerranée » a-t-il poursuivi. Ajoutant que cela était “ important non seulement sur le plan économique, non seulement en termes de géopolitique, mais également en termes de capacité d’Israël à vendre du gaz à l’Europe”

Vendredi, le chef du Hezbollah a tenu quant à lui à évoquer la dimension stratégique des découvertes gazières pour le Liban, le pays étant confronté à un endettement colossal.

Sources : AFP, Reuters, Presse israélienne, L’Orient Le Jour

Elisabeth Studer – 18 février 2018 – www.leblogfinance.com

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