Hayek, sors de ce corps !

Nous vivons décidément une époque troublée : voici que les ultralibéraux se cachent dans les associations de consommateurs ! C’est en tout cas l’une d’entre elles, UFC-Que Choisir, qui, dans une remarquable étude tout juste publiée et éloquemment sous-titrée : « Une très coûteuse inefficacité », vient d’épingler un dispositif fiscal aux aspirations les plus nobles (puisqu’il se veut « écologique ») mais aux effets désastreuxConsenti aux ménages qui s’engagent dans la rénovation énergétique de leur logement, le « Crédit d’impôt rénovation énergétique » est extrêmement dispendieux… et parfaitement inutile, affirme UFC-Que Choisir. On croirait presque, à la lecture des conclusions de cette étude, être plongé dans la pensée la plus libérale.

Imaginez en effet un instant que vous lisiez, sous la plume d’un affreux auteur défenseur de l’économie de marché – Hayek, pour en prendre le parangon, beurk ! – ou dans la littérature d’un think-tank libertarien – le Cato Institute, par exemple, rebeurk ! – une démonstration de l’inanité des politiques publiques consistant à encourager telle ou telle conduite dans l’espoir de faire advenir un bien supérieur. Vous y trouveriez immanquablement les trois éléments de raisonnement suivants :  

  1. Les destinataires d’une subvention ne modifient en fait que rarement et/ou marginalement leur comportement ;
  2. Le décideur public n’étant pas omniscient, il rate presque toujours la cible qu’il veut atteindre ;
  3. Les intermédiaires qui, eux, sont des experts, ne ratent en revanche jamais pas la leur : ce sont eux qui empochent in fine l’argent public !

Ce que dit UFC-Que Choisir

Choqué par ces propos à l’emporte pièce grossièrement ultra-libéraux? Examinez maintenant ce que dit UFC-Que Choisir :

  1. « Peu sensibles à cette stimulation fiscale, les dépenses réelles des ménages en travaux de rénovation énergétique sont restées stables depuis 2009 (…) Les chiffres montrent donc que le crédit d’impôt n’a pas d’effet d’entraînement, puisque les aides accordées ne sont pas à l’origine de dépenses supplémentaires des ménages destinées à la rénovation ».
  2. « Le crédit d’impôt ne permet d’orienter les dépenses des consommateurs ni vers les travaux les plus pertinents, ni vers les produits les plus performants. (…) Ciblant uniquement les équipements, (il) n’a pas d’impact sur la performance énergétique globale des logements. Seulement un tiers des dépenses des ménages se sont concentrées sur l’isolation, alors que cette dernière peut représenter jusqu’à 75% des pertes thermiques d’un logement. »
  3. « On ne peut qu’être interpellé par la concomitance des évolutions, à la hausse comme à la baisse, du crédit d’impôt et du prix moyen des travaux (+ 1500 € entre 2006 et 2008, puis – 1660 € jusqu’en 2013), sans que l’on puisse constater en parallèle une variation de l’ampleur des travaux menés. C’est à se demander à qui profite réellement le crédit d’impôt ! »

(A) ne vous rappelle-t-il pas furieusement 1, (B) n’est-il pas un troublant jumeau de (2), et (C) ne ressemble-t-il pas comme deux gouttes d’eau à (3) ? Hayek, sors de ce corps !

L’échec du crédit d’impôt écologique, si brillamment démontré par UFC-Que Choisir, n’est en réalité que l’une des innombrables illustrations d’une vérité éternelle : les subventions ne font généralement que distordre un marché sans autre utilité que de donner bonne conscience aux élus qui les ont conçues et de remplir les poches des intermédiaires et des professionnels qui, à la faveur de la subvention, augmentent leurs prix et déploient une communication fondée, justement, sur l’avantage consenti par l’Etat à leurs futurs clients. Que ceux qui n’ont jamais été démarchés au téléphone par un fabricant de fenêtres « isolantes » lèvent le doigt !

Des dépenses publiques « écologiques » élevées et sans efficacité : voilà un beau sujet en période de disette budgétaire ! On aurait aimé que le Parlement, ou l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), s’en soient saisis. Mais non : ils ont sans doute autre chose à faire. Grâces soient rendues à UFC-Que Choisir pour avoir procédé à ce travail d’évaluation d’une politique publique et de préservation de l’argent du contribuable que les Députés et les fonctionnaires jugent, sans doute, en dessous de leur condition !

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