Hésitations autour du glyphosate et des néonicotinoïdes : point d’étape sur l’usage des produits phytosanitaires dans la loi « agriculture et alimentation »

Vers une simplification de la règlementation environnementale pour les entreprises Pendant plus de 20 ans, le chlordécone, pesticide ultra-toxique, a été utilisé dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique. Les révélations récentes et alarmantes sur sa nocivité appellent urgemment un encadrement de l’usage des produits phytosanitaires.

Le débat autour des risques sanitaires associés à l’emploi de certains pesticides dépasse d’ailleurs les frontières de la France : en novembre dernier, les pays de l’Union avaient voté en faveur du renouvellement pour cinq ans du glyphosate, l’un des principaux composants de l’herbicide Roundup de Monsanto. La France avait alors fait savoir qu’elle ne soutiendrait pas ce vote et, à l’issue de cette décision, avait affirmé sa volonté de sortir du glyphosate en moins de 5 ans.

Le projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous », voté à l’Assemblée nationale le 30 mai dernier, a été l’occasion pour les députés de se pencher sur plusieurs dispositions consacrées aux produits phytosanitaires.

Le texte a été transmis au Sénat, renvoyé à la Commission des affaires économiques et fera l’objet d’une discussion en séance publique fin juin 2018.

Les vifs débats à l’Assemblée ont donné naissance à un texte en demi-teinte, de la « poudre de perlimpinpin » selon les associations de protection de l’environnement. Voici ce que contient, à ce jour, le projet de loi avec, en exergue, ce qui a été abandonné.

1.     Ce que contient le projet de loi à ce jour

  • Une mesure-phare : le champ d’interdiction des néonicotinoïdes, classe d’insecticides neurotoxiques accusés notamment d’être à l’origine du déclin des populations d’abeilles, est élargi aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances actives présentant des modes d’action identiques. Les députés relaient en cela le mouvement initié par le tribunal de l’Union européenne,  qui avait en mai dernier confirmé la validité des restrictions introduites au niveau européen en 2013 concernant trois insecticides tueurs d’abeilles (clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride).
  • Un effort d’encadrement : les députés ont décidé d’encadrer la vente des produits phytosanitaires. Seraient interdits les remises, rabais et ristournes dans les contrats de vente de produits phytopharmaceutiques ou de biocides, sous peine d’amendes administratives. De plus, les activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques seraient séparées. Certaines catégories de produits biocides ne pourraient plus être cédées directement en libre-service à des utilisateurs non professionnels, toute publicité étant également interdite pour certaines catégories de biocides. 
  • Une mesure critiquée : le texte autorise l’expérimentation des épandages par drone sur les vignes de pesticides « autorisés en agriculture biologique ou faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale ».
  • Un objectif global : le projet de loi fixe un objectif d’affectation de 15 % de la surface agricole utile à l’agriculture biologique d’ici 2023.

2.     Les mesures abandonnées

  • Le principal recul du projet de loi concerne le glyphosate. Les députés ont refusé de graver dans la loi l’interdiction des produits à base de cet herbicide d’ici à 2021. En réponse aux vives critiques des associations de protection de l’environnement, le ministre de l’Agriculture a promis qu’une proposition de loi serait faite pour la sortie de l’herbicide, si aucun accord n’est trouvé d’ici trois ans.
  • Les élus ont également renoncé à créer un fonds d’indemnisation des victimes de produits phytosanitaires. Le ministre de l’Agriculture s’est opposé à cet amendement, considérant que ce fonds « renverse la charge de la preuve. C’est au fonds de faire la démonstration de l’absence de preuve directe entre la pathologie et les expositions ».
  • Le projet de loi ne contient pas non plus de disposition permettant de prendre en compte « l’effet cocktail » des substances toxiques qui, prises isolément, auraient un impact moindre sur la population.

Pour résumer, en l’état actuel, le projet de loi consacre quelques avancées mais cristallise beaucoup de déceptions. Alors que l’Hexagone bat des records en matière de dérogations aux restrictions d’usage des pesticides, dépassant de loin les autres pays de l’Union Européenne, la position française en matière de produits phytosanitaires reste à clarifier. Les débats au Sénat seront peut-être l’occasion de répondre aux questions en suspens.

Lire aussi :
Droit de l’environnement – lettre d’information mai 2018
L’ONU s’empare du projet de pacte mondial pour l’environnement

Mots-clés : , ,

FIDAL avocats : le blog