Huiles essentielles, l’enjeu réglementaire pour une sécurité optimale du consommateur

huileLa presse se fait l’écho des risques liés à l’utilisation des huiles essentielles[1] . Ces produits spécifiques, dont le principe actif agit sur tout organisme vivant, sont définis par la Commission de la Pharmacopée Européenne[2] comme un « produit odorant, généralement de composition complexe, obtenu à partir d’une matière première végétale botaniquement définie, soit par entraînement à la vapeur d’eau, soit par distillation sèche, soit par un procédé mécanique approprié sans chauffage. L’huile essentielle est le plus souvent séparée de la phase aqueuse par un procédé physique n’entraînant pas de changement significatif de sa composition ».

En raison de leurs multiples utilisations, les huiles essentielles (HE) peuvent avoir plusieurs régimes juridiques (cosmétique, complément alimentaire, biocide ou encore médicament) et intégrer plusieurs canaux de distribution (grande distribution, magasins d’alimentation « bio », officines de pharmacie).

Elles impliquent pour les autorités la nécessité d’une surveillance particulière portant sur leur composition et l’information du consommateur en raison des risques potentiels qu’elles génèrent, et donc une attention soutenue des fabricants.

1. La qualification de l’HE

La qualification des HE est fonction du produit que le fabricant souhaite commercialiser. Ainsi, de la récolte de la plante en passant par la fabrication et la distribution au consommateur, l’HE suit un circuit règlementaire complexe. Ce parcours exige du fabricant un positionnement juridique précis sur le statut du produit et une surveillance règlementaire à chaque étape en vue de garantir une mise sur le marché transparente, fiable et pérenne, dans un environnement concurrentiel effréné.

Le fabricant doit faire face à une difficulté supplémentaire s’il souhaite commercialiser son produit dans plusieurs États membres de l’Union européenne. En effet, en vertu du principe de libre circulation des marchandises, dès lors que le produit est commercialisé dans un État, il peut circuler librement dans l’Union sous réserve des régimes spécifiques propres à chaque Etat dans le domaine de la santé pour élever le niveau de protection minimal. Cette augmentation doit, cependant, être proportionnée et justifiée par rapport à l’objectif de santé publique à atteindre. En France, le Conseil d’État[3] est à ce titre très vigilant, notamment, au regard de la proportionnalité.

2 . L’HE pourrait avoir des effets dangereux

Quelle que soit la qualification finale du produit, l’HE est produite à base de plante. A ce titre, la phase de récolte et de fabrication de l’HE, qui conditionnera sa pureté, est soumise à une réglementation stricte[4]. Ainsi, chaque fabricant (distillateur) important plus d’une tonne par an d’HE, parce que ce sont des substances chimiques dont l’innocuité pour la santé et l’environnement ne saurait être garantie sans une évaluation préalable de sa sécurité chimique, doit donc s’enregistrer auprès de l’Union européenne au titre du règlement européen dit « règlement REACH ».

L’huile essentielle est constituée de matière première végétale qui peut être utilisée sous différentes formes conformément au Règlement du 10 novembre 2016 (n°2016/2029).

Les HE peuvent subir un traitement ultérieur approprié en fonction de l’usage final souhaité. Elles peuvent être commercialement dénommées comme étant « déterpénée », « désesquiterpénée », « rectifiée » ou « privée de « … » ». Tout produit qui ne respecterait pas l’ensemble de ces réglementations ne pourrait être qualifié d’ « huile essentielle ». A titre d’exemple, plusieurs cas de fraude ont été récemment recensés et ont conduit les autorités à davantage de vigilance sur ce sujet complexe.

3. L’information du consommateur, une obligation fondamentale

Ainsi que l’a récemment indiqué la Commission européenne, dans ses propositions de directives[5] visant à protéger le consommateur, la transparence dans la fabrication des produits est devenue essentielle dans les politiques européenne et nationale. La présentation des informations sur les HE doit être rigoureuse, précise et détaillée et mentionner clairement les effets et risques.

Dans le cadre de sa mission de surveillance, la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) contrôle la qualité du produit, sa composition, les informations et terminologies transparentes et fiables pour le consommateur, ce qui suppose qu’il puisse accéder aux informations sur le produit. Toute information inexacte donnée au consommateur, de manière volontaire ou involontaire, peut induire pour le fabricant une sanction sur le fondement de la tromperie.

Le durcissement de cet encadrement règlementaire nécessite une surveillance particulière de la qualification et des conditions de mise sur le marché des HE, les sanctions en cas de non-respect étant particulièrement dissuasives pour l’entreprise qui ne se conformerait pas à la réglementation.

[1] « Huiles essentielles : une médecine alternative « naturelle » qui n’est pas sans risque », Sciences et Avenir, 25 mars 2018.
[2] Commission de la Pharmacopée Européenne Huiles Essentielles – Aetherolea (01/2008 :2098).
[3] Conseil d’État, 26 février 2014, pourvoi n°358005 « […] en exerçant leur pouvoir d’appréciation relatif à la protection de la santé publique, les États membres doivent respecter le principe de proportionnalité »
Conseil d’État, 16 mars 2015, pourvoi n°366531 « Considérant qu’il résulte de l’interprétation du traité donnée par la Cour de justice de l’Union européenne […] que dans l’appréciation du respect du principe de proportionnalité dans le domaine de la santé publique, il convient de tenir compte du fait que les États membres peuvent décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique et la manière dont ce niveau doit être atteint ; que ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, une marge d’appréciation est reconnue aux États membres et le fait que l’un d’eux impose des règles moins strictes que celles imposées par un autre État membre ne saurait signifier que ces dernières sont disproportionnées »
[4] Règlements portant modalités d’application du règlement (CE) n°834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques
[5] Proposition de directive modifiant la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, la directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil, la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil concernant une meilleure application et une modernisation des règles de protection du consommateur.
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les actions représentatives pour la protection des intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE

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