« Il faut consommer des fruits et légumes français »

Une étude de Familles rurales publiée ce jeudi 21 août révèle que les prix des fruits ont baissé de 12% cet été en France et ceux des légumes de 3%. Ann-Cécile Delavallade, responsable du service Etudes et données d’Interfel (l’Interprofession des fruits et légumes frais), explique les enjeux de cette baisse, dans un contexte d’embargo russe, pour les producteurs français.

Comment expliquer cette baisse des prix ?

Il faut souligner le fonctionnement un peu particulier du marché des fruits et légumes frais, qui sont sensibles à la météo, à la production et la consommation. Ce sont des produits périssables qui évoluent très rapidement, qui nécessitent un professionnalisme au sein de la filière car les commercialiser est une vraie course contre la montre qui implique de s‘adapter très rapidement aux évolutions météorologiques. Et tout cela peut engendrer de fortes variations de prix. Ainsi, l’année 2013 a subi une météo très défavorable au printemps et des volumes qui n’étaient pas au rendez-vous, ce qui a engendré des évolutions de prix à la hausse. A l’inverse, cette année le contexte s’est révélé très différent, avec une météo très favorable au printemps et des volumes au rendez-vous. Donc les prix ont évolué à la baisse par rapport à l’année dernière.

Des agriculteurs ont vendu à prix coûtant leurs fruits et légumes aujourd’hui à Paris et en banlieue, pour dénoncer les conditions imposées par la grande distribution et la concurrence étrangère. Ont-ils des raisons supplémentaires de s’inquiéter ?

La concurrence étrangère est ressentie tous les ans donc elle est également ressentie cette année, notamment à cause des produits espagnols commercialisés à des prix plus faibles. Le coût d’une heure de travail en France est plus élevé que dans d’autres pays ce qui entraîne des conséquences importantes car les produits fragiles nécessitent beaucoup d’heures de main d’œuvre. Ensuite il y a un contexte économique général assez morose qui crée une tension sur les prix ressentie sur tous les produits, et cela, c’est plus structurel.

Quelles peuvent être selon vous les conséquences de l’embargo russe sur les producteurs de fruits et légumes en France ?

Les exportations de fruits et légumes vers la Russie représentent 50.000 à 70.000 de tonnes par an (sans compter les pommes de terre) donc ces volumes-là ne pourront pas partir en Russie, ils vont se retrouver sur d’autres marchés. Il va être très difficile de trouver de nouveaux débouchés en raison de la concurrence de pays très exportateurs comme le Pays-Bas, donc ces tonnes de fruits et légumes vont être très certainement réintégrées sur le marché français. Ceci, c’est un effet direct de l’embargo mais ce n’est pas le plus inquiétant. Le plus inquiétant ce sont les effets indirects, car certains pays exportent beaucoup vers la Russie comme les Pays-Bas, la Belgique ou la Pologne. Or, ces volumes de produits vont se retrouver sur le marché européen et en particulier sur le marché français qui est très attractif, donc la concurrence va s’intensifier. Le message de l’Interfel pour les Français, c’est donc qu’il faut consommer français!


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