Iran : vers la mise en place d’un hub financier dans la zone franche de l’île de Qeshm

L’Iran vient de déclarer qu’il se préparait à lancer un hub financier sur l’île de Qeshm. Objectif affiché : faciliter les transactions financières overseas du pays, lesquelles demeurent freinées à l’heure actuelle par le maintien de sanctions américaines.

Selon les medias iraniens et US, Farhad Taghizadeh – Hesary, conseiller senior de Qeshm Investment and Development Company, a déclaré que le plan mis en place visait à aider Téhéran à attirer les institutions financières sur le marché iranien.

Taghizadeh-Hesary a par ailleurs précisé à l’agence Bloomberg, que le but de ce centre financier n’était pas de se limiter au périmètre de Qeshm mais d’être une fenêtre pour tout le pays. Il a également ajouté que des banques de Chine, Russie et Japon avaient d’ores et déjà engagé des négociations en vue d’établir des bureaux de représentation dans la région, refusant toutefois  de nommer les entreprises concernées. Rappelons à cet égard que l’île de Qeshm est situé dans le détroit d’Ormuz, un endroit stratégique pour le commerce international, 20 % du pétrole mondial y transitant annuellement. Téhéran a fait de cette zone franche une région dans laquelle les règles administratives et commerciales sont allégées pour faciliter les échanges commerciaux.

« Nous avons beaucoup de projets réalisables dans les différents secteurs intéressants les investisseurs étrangers. Cependant, l’un des goulets d’étranglement est le manque d’accès à des crédits à des taux bon marché. Le centre financier peut nous aider à accéder à ce type de financement » , a ajouté Taghizadeh – Hesary.

Malgré la levée en janvier dernier des sanctions économiques prises à l’encontre de l’Iran compte-tenu de sa volonté de poursuivre son programme nucléaire controversé, les entreprises mondiales se plaignent toujours des difficultés à commercer avec le pays, en raison de craintes persistantes d’éventuelles actions punitives américaines à l’encontre de ces transactions.

La restriction des banques US d’opérer une quelconque transaction en dollar avec l’Iran constitue un obstacle majeur freinant tout particulièrement les affaires avec Téhéran. De telles mesures découragent en effet les entreprises internationales de s’attaquer au marché iranien, les paiements en dollars étant susceptibles d’obtenir l’aval du système bancaire américain.

A maintes reprises l’Iran a réitéré ses critiques envers les Etats-Unis pour leur volonté de maintenir les restrictions relatives au dollar. Mardi dernier, Mohammad Javad Zarif, le Ministre des Affaires Etrangères iranien a  déclaré que Washington devait faire davantage en vue d’encourager les banques à traiter avec l’Iran.

A noter que ces propos interviennent alors que l’Iran et Airbus sont actuellement confrontés à des problématiques de cet ordre, peinant à obtenir l’autorisation des autorités américaines pour l’achat de plus d’une centaine d’appareils auprès du constructeur aéronautique. Boeing pourrait quant à lui devoir affronter de telles difficultés pour pouvoir vendre ses avions à la compagnie IranAir.

Ainsi, le 3 juin dernier, le vice-ministre iranien des Transports Asghar Fakhrieh Kashan a indiqué que l’accord entre l’Iran et le constructeur européen attendait toujours l’autorisation des Etats-Unis.

« Nous avons discuté avec Airbus des canaux pour le financement qui ont été définis. Des banques sont prêtes à apporter le financement, mais Airbus a du retard pour obtenir l’autorisation des Etats-Unis » pour conclure le contrat, a ainsi déclaré M. Kashan, espérant que l’aval serait obtenu « d’ici fin juin ».

Airbus doit en effet obtenir l’accord de l’OFAC (Bureau américain pour le contrôle des avoirs étrangers) qui dépend du Trésor US, plus de 10% des composants des Airbus étant d’origine américaine.

Selon le site spécialisé Aviation Daily, John Leahy, directeur commercial d’Airbus, s’est récemment inquiété des dangers menaçant l’accord. « Nous devons avoir un système bancaire international fiable » pour éviter que l’accord ne soit compromis, a-t-il ainsi déclaré à Aviation Daily. Ajoutant que la question du financement devait être résolue dans les prochains mois, faute de quoi il n’y aura pas d’accord. Selon lui, « les banques sont très timides » pour faire des affaires avec l’Iran, notamment par crainte de mesures punitives américaines. Le vice-ministre iranien des Transports avait quant à lui rappelé que le protocole d’accord était de type location-vente et que les fonds devaient provenir de financements bancaires.

En vue de pouvoir vendre des appareils sur le marché iranien, Boeing et Airbus doivent obtenir des licences d’exportation de la part des autorités américaines, leurs appareils utilisant des technologies US. Mais si l’on en croit des experts du secteur, même en cas d’obtention de ces précieuses licences, la mise en oeuvre des contrats devrait prendre du temps en raison des incertitudes sur le financement, les entreprises iraniennes restant pour l’instant privées de tout accès au système financier américain.

Précisons enfin qu’en avril dernier, le président exécutif du conseil d’administration du constructeur aéronautique canadien Bombardier, Pierre Beaudoin, s’est rendu en Iran, en vue notamment de discuter  de la création d’une compagnie aérienne privée dans le sud du pays. À Téhéran, M. Beaudoin a ainsi rencontré des responsables de l’Autorité de la zone franche de Qeshm, alors que directeur de cette région, Hamid Reza Momeni, avait préalablement déjà déclaré qu’il souhaitait équiper l’île d’une compagnie aérienne privée.

Si la zone franche avait déjà indiqué qu’elle souhaitait mettre en place une compagnie privée régionale cette année, le  porte-parole de la région, Morteza Sheikhzadeh, avait  confirmé en avril dernier à Radio-Canada qu’il y avait une « compréhension de base pour la création d’une compagnie aérienne privée à Qeshm ».

Sources : PressTV.IR, Bloomberg, AFP, Radio-Canada

Elisabeth Studer – 16 juin 2016 – www.leblogfinance.com

Le Blog Finance