La BCE sur ses gardes avant un sommet crucial pour le Brexit

A quelques heures d’un sommet crucial sur le Brexit, la Banque centrale européenne (BCE) devrait remettre à plus tard tout ajustement de sa politique monétaire, d’autant que le trou d’air conjoncturel s’avère plus durable que prévu.

Les gardiens de l’euro se réunissent à Francfort avant un sommet extraordinaire à Bruxelles qui pourrait accorder au Royaume-Uni un report du Brexit au-delà du 12 avril, mais avec des conditions strictes.

La durée de cette possible concession « dépend » du plan qu’exposera mercredi la Première ministre britannique Theresa May devant les dirigeants des pays de l’UE, a prévenu mardi le négociateur en chef de l’UE Michel Barnier.

La BCE redoute surtout un divorce sans accord, le scénario du pire qui mettrait les marchés financiers dans la tourmente et accentuerait le ralentissement déjà perceptible de l’économie.

D’autant que sur le front commercial, les négociations entre Chine et Etats-Unis tardent à aboutir, et le président américain a menacé mardi l’UE de nouvelles taxes si elle ne mettait pas fin aux subventions à Airbus, prenant le risque de briser la fragile trêve entre Bruxelles et Washington.

Dans ce contexte, Mario Draghi devrait « réaffirmer son analyse des conditions économiques et des risques pesant sur la croissance, sur le mode +je vous l’avais bien dit+ », pronostique Frederik Ducrozet, stratégiste de Pictet Wealth Management.

– Gagner du temps –

Alors que la réunion de la BCE est avancée d’un jour en raison de celle du Fonds monétaire international (FMI), ce dernier a abaissé de 0,3 point mardi ses prévisions pour la zone euro par rapport à janvier, avec une croissance attendue de seulement 1,3% cette année.

En cause, le moteur allemand, qui donne de sérieux signes de faiblesse pendant que l’Italie semble promise à la stagnation.

« La politique monétaire devra rester accommodante » en zone euro « tant que l’inflation n’aura pas donné des signes clairs de reprise », préconise donc le FMI.

Le message ne devrait guère bousculer la BCE, qui a déjà abaissé en mars ses prévisions de croissance et d’inflation à l’horizon 2021 et repoussé à l’an prochain l’heure de relever ses taux, tout en lançant à compter de septembre un nouveau programme de prêts géants pour les banques.

Le président de la BCE, Mario Draghi, le 11 février 2019, lors d'une réunion de l'eurogroupe (AFP - EMMANUEL DUNAND)

Le président de la BCE, Mario Draghi, le 11 février 2019, lors d’une réunion de l’eurogroupe (AFP – EMMANUEL DUNAND)

Des signaux de reprise s’accumulent cependant et le FMI voit l’économie accélérer de nouveau en zone euro dès 2020.

La BCE n’a donc « aucune raison de se précipiter mais toutes les raisons de gagner encore un peu de temps », selon M. Ducrozet.

M. Draghi devrait rappeler qu’un « degré important » de stimulus monétaire demeure essentiel pour gagner le pari d’une inflation proche de 2%, après laquelle la BCE court depuis plus de cinq ans.

– Aide aux banques ? –

L’institution va continuer à réinvestir son stock pléthorique de 2.600 milliards d’euros d’obligations acquises depuis mars 2015. Et en cas de besoin, elle pourra encore puiser dans sa « boîte à outils », devrait marteler M. Draghi.

Les détails entourant les prêts géants aux banques, dits TLTRO III, seront, eux, probablement communiqués en juin, a fait savoir le chef économiste de la BCE, Peter Praet, sur le départ fin mai.

« Si l’économie continue de décevoir, les incitations pourraient être plus généreuses », prédit Marco Brancolini, économiste de Nomura.

La BCE va aussi poursuivre le débat entamé en mars sur l’impact de taux maintenus au plus bas pendant longtemps pour la rentabilité des banques.

Appliqué aux liquidités placées à la BCE plutôt que redistribuées dans l’économie, le taux négatif de 0,40% entraîne une ponction de 7,5 milliards d’euros par an auprès des établissements financiers, les français et les allemands étant les premiers à s’en plaindre.

Le marché spécule sur la mise en place d’un système de paliers (« tiering ») pour appliquer le taux négatif, comme cela existe en Suisse.

Carsten Brzeski d’ING Bank voit des décisions en la matière tomber plus tard et seulement « au cas où l’économie n’aurait pas commencé à se redresser en juin ».

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