La preuve que l’Etat est toujours gagnant quand il investit dans le logement

« Les aides à la pierre? Trop chères! » Depuis quelques années, c’est le refrain qu’entonnent les experts de Bercy, qui reprochent à la politique du logement à la fois son coût exorbitant et son inefficacité. Cette année encore, le ministère du Budget a considérablement réduit l’enveloppe consacrée au logement : les dépenses de l’Etat dans ce domaine sont tombées sous la barre des 40 milliards d’euros. Il est vrai que le million de logements manquants, les trois millions de mal logés recensés par la Fondation Abbé Pierre et les mauvais chiffres de la construction (on passera vraisemblablement, cette année, sous la barre des 250.000 appartements neufs construits) semblent démontrer que le logement est un tonneau des Danaïdes : l’Etat dépense sans résultat…

Impression confirmée par un rapport du premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, pas vraiment tendre avec la politique publique du logement: « Elle illustre de façon éloquente les défaillances d’une dépense publique distribuée sans évaluation de son impact ». Or -ça tombe bien!- le gouvernement doit trouver des milliards d’économies avec un maître mot: « demander d’autant plus d’économies qu’une politique est moins efficiente ».

Les additions incomplètes de Bercy

Sauf que Bercy n’est pas toujours de bonne foi et n’a pas fait ses additions comme il faut: l’action de l’Etat rapporte beaucoup d’argent. Bien plus qu’on ne le dit. Car tout en maintenant ses prélèvements sur le secteur, il a fortement baissé ses aides, comme le confirme le professeur Michel Mouillart, un des meilleurs spécialistes du secteur. « De 2009 à 2011, l’effort de la collectivité a dépassé l’équivalent de 2.05 % du PIB, avec un impact positif sur l’activité du secteur. Mais dès 2012, l’effort s’est relâché pour redescendre progressivement vers 1.80% de PIB. »

Dans le même temps, les prélèvements sur la pierre ont augmenté considérablement. Impôt foncier, taxes diverses, droits de mutation, tout y est passé. Le résultat apparaît clairement sur notre graphique : un bond du « bénéfice net » de l’état sur la pierre à une vingtaine de milliards. Deux fois plus qu’en 2009! Des chiffres peu connus, et pas faciles à collecter, comme le confirme notre plongée dans les comptes du logement issus des statistiques du Ministère du développement durable, dont dépend le secrétariat d’Etat au Logement. Pour y parvenir, il a fallu reprendre, ligne (budgétaire) par ligne, chaque dépense et surtout, chaque recettes du secteur.

Ne pas oublier les recettes des collectivités

Pour les dépenses, c’est facile. Elles peuvent être rangées sous trois grandes familles. D’abord les aides à la personne, comme l’Aide personnalisée au logement (APL), par exemple, qui coûte une petite vingtaine de milliards, les subventions (aux propriétaires, aux organismes de logement) qui représentent une demi-douzaine de milliards et les avantages fiscaux, qui atteignent une grosse quinzaine de milliards… Le total atteint 39,5 milliards selon le chiffrage officiel…

Pour les recettes, c’est un peu plus compliqué. Car à ce qu’encaisse l’Etat, il faut ajouter tout ce que touchent les collectivités. Des recettes dispersées, ventilés entre les taxes et d’impôts fonciers (plus de 20 milliards d’euros), les droits de mutations (une dizaine de milliards), la TVA (plus d’une vingtaine de milliards) et d’autres « petites » taxes (eau, énergie, assurance…). Au total, c’est donc plus de 60 milliards que perçoivent au final les collectivités et l’Etat. Auxquelles s’ajoutent, fait remarquer François Payelle, président de la Fédération des promoteurs, les « non-dépenses » que génèrent ces aides. Rien que les logements construits grâce à l’argent public (qui n’auraient pas été construits sans son intervention) ont généré en moyenne la création de deux emplois. Il faut aussi prendre en compte les salariés du BTP qui, sans le soutien public, auraient rejoint les rangs des chômeurs. François Payelle évalue ainsi cet impact: « Les 40.000 logements locatifs perdus à cause de la baisse des aides à l’investissement locatif ont représenté 80.000 pertes d’emplois. Aux taxes et à la TVA non perçues, il faut donc ajouter, pour faire bonne mesure, les dépenses publiques que ces chômeurs génèrent et que nous avons estimées à 2,4 milliards d’euros ». 


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