L’Algérie veut mettre les gaz sur le schiste

Décidément le gaz de schiste a le vent en poupe en ce moment ! Et ce d’autant plus qu’il pourrait rapidement apparaître aux yeux de certains comme étant la méthode miracle pour mettre fin à la crise, la plupart des gouvernements semblant vouloir mettre en avant ses effets bénéfiques sur l’économie de leur pays … faisant fi des impacts écologiques.

Désormais c’est au tour de l’Algérie de miser sur ce nouveau type d’hydrocarbures, le pays se fixant pour objectif de doubler sa production globale de gaz dans les dix prochaines années, celle-ci étant estimée à l’heure actuelle à quelque 80 milliards (mds) de m3 par an.

C’est en effet ce qu’a indiqué jeudi le ministre de l’Energie Youcef Yousfi, s’exprimant sur la radio publique algérienne. Précisant par ailleurs que les réserves algériennes de gaz de schiste récupérables étaient comprises dans une fourchette entre 25.000 et 30.000 mds de m3.

Selon lui, l’Algérie est également en capacités d’extraire entre 6 et 10 mds de barils de pétrole non-conventionnel, sa production actuelle de pétrole s’établissant à 1,2 million de barils par jours.

Le ministre a par ailleurs tenu à préciser que l’année 2013 avait été marquée par des résultats «très  satisfaisants» en matière de recherche et d’exploration d’hydrocarbures, ajoutant que l’Algérie avait augmenté ses réserves de quelque 550 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) durant les douze derniers mois.

L’agence nationale algérienne pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft) estime toutefois que le pays devra investir 300 milliards de dollars pour pouvoir produire 60 milliards de m3/an de gaz de schiste.

A l’heure actuelle, l’Algérie est le quatrième exportateur mondial de gaz et un des principaux fournisseurs de l’Europe, avec la Russie et la Norvège.

Nouvelles mesures sur les procédures d’octroi de licences

Revers de la médaille : l’économie algérienne dépend presque entièrement des hydrocarbures. Ce qui pousse son gouvernement à miser sur le gaz de schiste , en dépit de l’opposition des écologistes pointant du doigt la fracturation hydraulique et la grande consommation d’eau induite par cette technique, problème d’autant plus crucial que le pays est confronté à un stress hydrique.

De quoi justifier les modifications récentes des procédures d’octroi des autorisations de prospection d’hydrocarbures complétées par un décret exécutif publié au journal officiel, donnant ainsi le feu vert pour la prospection des hydrocarbures non conventionnels en Algérie.

Selon ce décret, signé fin octobre 2013, par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, l’autorisation de prospection permet à son titulaire d’exécuter, à ses frais et risques, dans un périmètre défini des travaux de prospection d’hydrocarbures, notamment par l’utilisation de méthodes géologiques, géophysiques et géochimiques y compris la réalisation de forages stratigraphiques.

S’agissant des hydrocarbures non conventionnels, il est précisé qu’en vue de permettre une évaluation préliminaire du potentiel en hydrocarbures des couches traversées, des tests de formation peuvent être réalisés conformément à la réglementation sous réserve qu’ils aient été prévus dans le programme de travaux adossés à la demande d’autorisation.

 – La France, partenaire de l’Algérie sur le gaz de schiste ?

Le 21 décembre 2012, Laurent Fabius, ministre français des affaires étrangères aurait fait quant à lui – selon l’hebdomadaire Le Point – la confidence suivante : l’Algérie et la France seraient en voie de signer un accord « permettant des recherches françaises dans le domaine de l’exploitation du gaz de schiste.

La « confidence » ayant alors suscité une réaction hostile du « Collectif euromaghrébin anti-gaz de schiste ». Le Dr Moussa Kacem, Maître de Conférences à l’université d’Oran (Algérie) avait ainsi renouvelé l’opposition du collectif à cette « activité de quelque type que ce soit, exploration ou exploitation », celui-ci estimant les conséquences d’une telle opération désastreuse « pour la nature, pour les écosystèmes et pour la santé des populations sahariennes ou non sahariennes » considérant que « les effets de contamination touchent tout le monde ». Selon le Dr Moussa Kacem, au final, “l’autorisation » de l’exploitation du gaz de schiste en Algérie « obéit à un agenda extérieur”.

L’ex-député Ali Haroun avait quant à lui a révélé que “des essais sur l’exploitation du gaz de schiste ont été effectués en Algérie avant même de déposer le projet de loi l’autorisant sur la table du Parlement”.

“L’Algérie est-elle condamnée à rester éternellement un pays fournisseur d’énergie ? Est-elle obligée pour satisfaire d’autres pays alors qu’elle peut réussir son autosuffisance avec l’agriculture et le tourisme et en s’épargnant le désastre qui la guette ?” s’est-il par ailleurs interrogé.

Face aux réactions des anti-gaz de schiste, le Premier Ministre, Abdelmalek Sellal avait alors affirmé que l’exploitation n’aura pas lieu avant 2040. Suscitant le doute de nombreux experts, lesquels laissaient alors entendre que la charrue avait été mise avant les bœufs ….

Dans l’hexagone, le  réseau RHONALPIN des collectifs opposés à l’exploitation des gaz et huiles de schiste considère pour sa part que les recherches que le gouvernement français comptait alors mener en Algérie laissaient entendre que Paris compte exploiter « les gaz de schiste ailleurs, puis en France ».

Le réseau mettait parallèlement en doute la « valeur de ces expérimentations au regard des milieux géologiques, naturels et socio-économiques profondément différent de la réalité française », tout en estimant que leur objectif était de « présenter une évolution de la fracturation hydraulique comme propre afin d’obtenir l’agrément des citoyens français ».

Cet accord avec l’Etat Algérien « est en totale contradiction avec le discours de François Hollande pour un « partenariat d’égal à égal », indiquait par ailleurs le réseau en renouvelant son « opposition ferme à l’exploration et à exploitation des gaz et huiles de schiste ».

Sources : AFP, El Watan, Econews.com, Liberté-Algérie

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 17 janvier 2014

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