Le compte personnel d’activité, une usine à gaz?

Est-ce le bon timing pour lancer une réforme qui paraît assez compliquée à mettre en oeuvre sur le plan technique?

Tout d’abord, il est très étonnant que le compte personnel d’activité (CPA) soit à l’ordre du jour de la prochaine conférence sociale et non les suites à donner au rapport Combrexelle sur la réforme du code du travail. A mon sens, le CPA n’est pas le sujet prioritaire en cette période où le chômage continue d’atteindre des records. Il faudrait d’abord se pencher sur le droit du travail, la formation, l’apprentissage ou encore l’assurance chômage. D’un point de vue politique, l’idée paraît séduisante: il est plus intéressant de vendre à l’opinion de nouveaux droits sociaux que de pousser la réforme du marché du travail en mettant sur la table la question du temps de travail ou des contrats de travail et du dialogue social.

Sur le fond, le CPA est-il une bonne idée?

Sur le papier le compte personnel d’activité est séduisant. Mais c’est une idée purement théorique. Je ne connais pas un expert du marché du travail qui est capable de dessiner précisément les contours que pourraient prendre le CPA. De plus, on mélange des dispositifs qui n’ont rien à voir entre eux. Le compte épargne temps doit permettre au salarié d’accumuler des droits à un congé rémunéré ou de bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée. Cela n’a rien à voir avec le compte pénibilité qui a pour vocation d’accumuler des points pour pouvoir réaliser une formation ou passer en temps partiel en fin de carrière. Quant au compte personnel de formation, il est lié à une négociation au sein de l’entreprise entre l’employeur et le salarié. Il est d’ailleurs très peu utilisé pour l’instant. Au final, avec le CPA – qui veut réunir ces trois derniers comptes – nous sommes en train de créer une usine à gaz.

Est-ce une avancée pour les salariés?

Cela dépend pour qui. Le paradoxe c’est qu’au nom de l’égalitarisme, on va mettre en place une mesure foncièrement inégalitaire. Le système par points qui se dessine va favoriser un cadre dans une grande entreprise. Ce dernier accumulera plus de points, donc plus de droits, que l’ouvrier dans l’agroalimentaire breton plus exposé au chômage et aux aléas du marché du travail. Le CPA est l’inverse d’une mesure assurantielle où les moyens et les risques sont mutualisés comme c’est le cas pour l’assurance chômage. Au moment où on assiste à une polarisation croissante du marché du travail, il vaudrait mieux mettre en place des mesures beaucoup plus redistributives en faveur des peu qualifiés, des chômeurs et des précaires.

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