Le dispositif de gel des avoirs est réformé

conferenceLes 25 et 26 avril derniers, s’est tenue, à Paris, la conférence de lutte contre le financement de Daech et d’Al-Qaïda également intitulée « No money for terror ».

Rassemblant près de 450 experts internationaux, ce symposium avait pour objectif, d’une part, de dresser un diagnostic sur l’évolution du terrorisme et de ses sources de financement (légales et illégales) et, d’autre part, de renforcer les coopérations entre les services intéressés en vue d’anticiper, autant que possible, les menaces. 

Fort opportunément, quelques semaines plus tôt, a été publié le décret n°2018-264 du 9 avril 2018 pour l’application de l’ordonnance n°2016-1575 du 24 novembre 2016 portant réforme du dispositif de gel des avoirs dont l’objectif est de stigmatiser officiellement les personnes liées à des mouvements terroristes ou concernées par des sanctions internationales, tout en bloquant l’usage des circuits financiers traditionnels, les obligeant de facto à user d’autres circuits, plus risqués et souvent plus coûteux.

I – Les personnes concernées : des assujettis et des cibles 

De nombreux professionnels, et pas des moindres, sont d’ores et déjà tenus d’appliquer les mesures de gel des avoirs : il s’agit des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (organismes financiers, agents immobiliers, opérateurs de jeux ou de paris, antiquaires, experts-comptables, commissaires aux comptes, avocats, notaires, huissiers de justice, etc.) et qui détiennent ou reçoivent, pour le compte d’un client, des fonds ou des ressources économiques (avoirs de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers).

Au cours de leurs activités, ces professionnels doivent faire preuve d’une vigilance toute particulière vis-à-vis des clients, personnes physiques ou morales, en vérifiant s’ils font l’objet d’une mesure de gel décidée par l’Union européenne (par le biais de règlements) ou par le gouvernement français (par le biais d’arrêtés) en matière de lutte contre le financement du terrorisme (art. L. 562-2 CMF) et d’application de sanctions financières internationales, comme les embargos, décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le Conseil de l’Union européenne (art. L. 562-3 CMF).

Avec ce décret, le gouvernement a voulu faciliter la tâche des professionnels assujettis, en les dispensant du travail de bénédictin consistant à feuilleter ces différentes publications dans les lesquelles se retrouvent disséminés les noms des personnes ciblées. Il est ainsi crée un registre national actualisé des personnes faisant l’objet d’une mesure de gel des avoirs, rassemblant les noms des personnes physiques ou morales publiés au journal officiel français, au journal officiel de l’Union européenne ou dans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

II – Les obligations à satisfaire : de l’information et de l’organisation

Le décret a prévu un échange d’informations entre les assujettis et le ministre de l’économie ainsi qu’un canevas organisationnel particulièrement précis.

Au point de vue informationnel, des flux d’informations descendants et ascendants sont organisés.

Dans l’hypothèse où les professionnels assujettis découvriraient qu’un de leur client fait l’objet d’une mesure de gel, ils devront d’abord l’empêcher de disposer, directement ou indirectement, de fonds ou de toutes autres ressources économiques.

Ensuite, au niveau ascendant, une remontée d’informations est prévue vers le ministre de l’économie pour l’avertir des fonds et des ressources gelés, mais aussi des opérations portées au crédit du compte dont les fonds sont gelés, ou encore des opérations que les assujettis estiment contraires à la mesure de gel ou qui chercheraient à la contourner.

Au niveau descendant, il peut arriver que la personne visée, par la mesure de gel, demande un déblocage partiel des fonds : lorsque le ministre de l’économie acquiesce à cette demande, dûment justifiée (comme des besoins matériels liés à la vie personnelle ou familiale), il transmet sa décision à la personne concernée et au professionnel assujetti, lequel l’informera des suites données.

Sur le plan organisationnel, ces assujettis doivent se doter de procédures internes adaptées à leurs activités, notamment pour détecter les clients visés par une mesure de gel, faire respecter scrupuleusement la mesure, informer le ministre de l’économie et surveiller « le dégel » ou le déblocage partiel des avoirs et des ressources.

Pour mettre en œuvre ce dispositif, le décret rappelle que les assujettis doivent prévoir des moyens matériels et humains suffisants, former les personnes concernées, mais aussi et surtout introduire un contrôle interne chargé de vérifier la bonne application du dispositif.

Pour information, l’entrée en vigueur de ces dispositions organisationnelles est repoussée à une date ultérieure, fixée par décret, qui ne pourra aller au-delà du 1er octobre 2018… tandis que les autres dispositions du texte sont classiquement entrées en vigueur le lendemain du jour de sa publication au journal officiel.  

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En conclusion, sur le plan criminologique, force est de constater que même s’il n’existe plus de menace à nos frontières immédiates, il n’y a plus de frontière aux menaces.

Cet état de fait impose aux professionnels assujettis d’être particulièrement vigilants vis-à-vis de la connaissance qu’ils ont de leurs clients, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, françaises ou étrangères.

Car, au-delà du risque pénal pesant sur eux, réside un risque d’image qui ne manquera d’entacher durablement la notoriété du professionnel défaillant.   

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