Le gouvernement se penche à nouveau sur la question des pesticides

Après une longue polémique sur le glyphosate, l’échec des deux plans de réduction successifs des pesticides et une lente prise de conscience du monde agricole, le gouvernement français tente pour la troisième fois de désintoxiquer l’agriculture des excès de la chimie.

L’équation est complexe: comment réduire le volume des produits chimiques, dangereux pour les nappes phréatiques, l’environnement et la santé, sans torpiller les secteurs de l’agriculture et de la production alimentaire, fleurons déjà fragilisés par une décapante concurrence des marchés agricoles mondialisés.

Depuis le Grenelle de l’environnement fin 2007, les effets des deux plans successifs destinés à réduire les pesticides de synthèse, baptisés Ecophyto 1 et 2, restent très fragiles.

Mercredi 10 avril, lors d’une réunion de quatre ministères (Agriculture, environnement, santé, recherche) d’ONG et de professionnels, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a rappelé que la France, première puissance agricole européenne avec 28,7 millions d’hectares de surface agricole utile (SAU) est le premier utilisateur de produits phytosanitaires en Europe. Mais « neuvième en quantité à l’hectare », ce qui montre son engagement à limiter les doses.

Fin travail de réglage

Aucune mesure spectaculaire n’a été annoncée. Mais au contraire, un fin travail de réglage, filière par filière, pour diffuser au plus près des agriculteurs, dans les fermes, de bonnes pratiques pour développer l’agro-écologie.

Le préfet Pierre-Etienne Bisch, qui est depuis fin 2018 délégué interministériel au plan de sortie du glyphosate et de réduction des pesticides, va coordonner au sein d’une « task force » tous les acteurs publics et privés engagés dans le processus. Pour ce nouveau plan, Ecophyto 2+, les préfets de région seront mobilisés.

Didier Guillaume a rappelé le but à atteindre: « Réduire de 25% l’utilisation de produits phytopharmaceutiques en 2020 et de 50% en 2025, et de sortie du glyphosate d’ici fin 2020 pour les principaux usages pour lesquelles des alternatives existent, et d’ici fin 2022 pour l’ensemble des usages ».

Les « interprofessions végétales », qui rassemblent producteurs et transformateurs de céréales, légumineuses, oléagineux, vigne, légumes et fruits, seront réunies fin avril.

Les moyens alloués à la recherche vont être renforcés, avec une dotation de 30 millions d’euros. Les chercheurs seront chargés d’identifier « des voies alternatives » aux phytosanitaires en « mobilisant les leviers » de « l’agroécologie, du biocontrôle, de la génétique et de la prophylaxie » (moyens médicaux contre les maladies) pour permettre de « cultiver et protéger autrement », en réduisant « autant que possible le recours aux produits conventionnels ». L’appel à projets sera lancé en juin.

Enquête « flash » sur le glyphosate

Sur le glyphosate, une enquête « flash » sera lancée d’ici à l’été parmi les agriculteurs pour « mieux connaître les pratiques de désherbage et mesurer l’évolution des pratiques ». L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) conduiront une « évaluation comparative des produits à base de glyphosate ».

En 2018, « 14 substances n’ont pas été renouvelées au niveau européen » et l’Anses participera dans le cadre d’un consortium de quatre Etats membres au « processus de réévaluation de la substance glyphosate dont l’échéance d’approbation est fixée à fin 2022 ».

Le gouvernement confirme aussi s’attaquer aux pesticides naturels trop abondants. Une feuille de route doit être finalisée pour « développer des alternatives à l’usage du +cuivre+ en viticulture ». Le cuivre est l’un des principaux pesticides naturels utilisé aussi bien en viticulture bio qu’en conventionnel pour réduire la pourriture des grappes et s’attaquer au mildiou. Sa surabondance pourrait mettre en danger des nappes phréatiques.

Une « stratégie nationale » de déploiement du biocontrôle doit faire l’objet d’une « consultation » d’ici juin, c’est-à-dire l’encouragement des mécanismes naturels pour préserver les cultures des maladies, en recourant à des insectes auxiliaires, bactéries ou champignons prédateurs de ravageurs. Les modalités d’épandage devraient être discutées au sein de deux groupes de travail d’ici l’été pour « protéger agriculteurs, riverains et pollinisateurs ».

Enfin, une base de données d’achat et de vente de produits phytosanitaires devrait être rendue publique au 1er juillet à l’échelle de la commune, garantissant l’anonymat des acheteurs.

M. Guillaume a encouragé la poursuite des efforts de tous. En revanche, il a fustigé les dénonciations publiques des utilisateurs de glyphosate qui fleurissent sur les réseaux sociaux, en particulier l’opération « champs oranges » lancée par un collectif anti-pesticides. L’association Générations futures a jugé le plan « très insuffisant » pour parvenir à l’objectif annoncé. Selon elle, l’objectif de réduction de 50% d’ici 2025 « ne pourra pas être atteint si le gouvernement ne change pas sérieusement de braquet »

(Avec AFP)

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