Le marché automobile français, typique d’un pays pauvre !

Ca se confirme: la France prend de plus en plus l’allure d’un marché automobile de pays pauvre. Les petites voitures d’entrée de gamme ont représenté en effet 54% du total sur les dix premiers mois de 2014, selon les données du CCFA (Comité des constructeurs français d’automobiles). Et ce, contre 52% il y a un an et 49% en 2012. Un poids énorme, démesuré et atypique sur le Vieux continent. La France s’éloigne de la moyenne ouest-européenne, où les « petites » (type Renault Twingo, Peugeot 208) représentent à peine 42% des ventes.

Toutes les autres catégories de voitures chutent en France (proportionnellement) dans l’Hexagone. Les « compactes » (genre Renault Mégane, Peugeot 308) ne sont plus qu’à 30% du total, contre 31% un an auparavant. Et les autres segments à plus forte valeur ajoutée et- en principe – à hautes marges sont en berne.

Les familiales (gamme « moyenne supérieure » type Citroën C5 ou Peugeot 508) pèsent  seulement 11% du marché total en France, contre 17% en Europe occidentale. Enfin, le « haut de gamme », spécialité des constructeurs allemands que les français ne concurrencent plus, il est réduit à presque rien: 5% à peine du marché français, contre 12% en moyenne pour l’Europe occidentale (attention: les pourcentages du CCFA sont des arrondis, leur somme pouvant ne pas faire 100%)…

Pas étonnant, dans ces conditions, que Renault et PSA soient devenus, à leur corps défendant des spécialistes de petits véhicules… qui ne se vendent quasiment qu’en Europe occidentale, principalement du sud. En effet, la plupart de ces petits véhicules – sauf les Dacia – sont trop chers pour l’Inde ou le Brésil, des marchés pourtant portés eux aussi sur les « petites« .  Et ces modèles sont  pratiquement invendables en Russie, Chine, Asie du sud-est et en Amérique du nord. Tel est bien le problème des constructeurs tricolores, et notamment de PSA Peugeot Citroën

Le « made in France » défavorisé

Favorisés par les pouvoirs publics à coup de bonus-malus et de discours et mesures défavorables à l’automobile, ces petits modèles à zéro ou très faible marge – sauf les Dacia à bas coûts – sont en grande partie produits… hors de France! L’orientation vers le bas du marché hexagonal est donc une mauvaise nouvelle pour le « made in France ». Les Dacia à bas coûts de Renault sont fabriquées en Roumanie et au Maroc.

La petite Renault Twingo est assemblée en Slovénie, tout comme 60% des Clio. Les Peugeot 107-108 et Citroën C1 proviennent de République tchèque.  PSA a d’ailleurs averti récemment que les « petites voitures généralistes » seraient à l’avenir fabriquées toutes hors de France. PSA peine à trouver une rentabilité sur des Citroën C3 ou une partie des Peugeot 208 dans l’Hexagone. Logique : la marge sur une 208 est de 500 à 1.000 euros, selon le consultant PwC. Soit le montant de l’écart du coût de la main d’œuvre entre la France et un pays de l’Est. Lorsqu’il était le numéro 2 de Renault, Carlos Tavares, l’actuel patron de PSA , assurait qu’il y avait un écart de 1.300 euros entre une Clio fabriquée à Flins (Yvelines) et la même à Bursa (Turquie)…

Si les véhicules « compacts » de PSA sont produits en France, Renault fabrique ses berlines Mégane en Espagne. Même chose pour son futur 4×4 dérivé de la Mégane. Côté « moyennes supérieures », toutes sont en revanche assemblées en France pour le marché européen. La Bérézina du segment sur le marché français leur porte donc fortement préjudice.  La gamme « moyenne supérieure » de Renault a d’ailleurs quasiment disparu en dix ans. La familiale Laguna a totalisé 17.900 unités produites en 2013,  contre 145.000 il y a dix ans! Cette gamme  représente… moins de 1% des ventes totales du groupe Renault aujourd’hui (hors filiale coréenne Renault-Samsung), contre 10% il y a dix ans. Un véritable effondrement. Chez PSA, Il s’est produit 86.800 Peugeot 508 l’an dernier – dont une bonne partie en Chine -, contre 259.000 Peugeot 407, son prédécesseur, en 2005. Et, à l’époque, toutes étaient assemblées dans l’Hexagone.

Le haut de gamme français disparaît

Quant aux limousines de « haut de gamme » tricolores, elles n’existent plus, après l’arrêt de la Citroën C6 vendue au compte-gouttes. Ni PSA ni Renault  ne produisent non plus de 4×4 « haut de gamme« , ces modèles ayant tendance à remplacer les limousines de même catégorie. Quant au monospace Espace de Renault, qui peut être assimilé au « haut de gamme« , ses volumes de production ont atteint 7.500 unités à peine en 2013, contre 64.500 il y a dix ans.

En une décade, la production automobile de Renault surtout, mais aussi de PSA, s’est indéniablement dirigée vers le bas. Les orientations des pouvoirs publics se sont combinées avec la montée du chômage et donc la baisse du pouvoir d’achat de certaines catégories. Certes, après avoir crû, la taille moyenne des voitures et la cylindrée des moteurs ont tendance à redescendre en Europe. Il n’empêche. Cet « appauvrissement » des constructeurs tricolores – alors que les allemands poursuivent leur lucrative orientation « haut de gamme » – explique en partie leurs mauvais résultats financiers et… la réduction par deux de leur production dans les usines hexagonales en dix ans. Triste constat.


Challenges.fr – Toute l’actualité de l’économie en temps réel