Le nouveau nucléaire en panne de compétitivité

Le réchauffement climatique serait-il en passe de réhabiliter le nucléaire, une énergie qui émet très peu de CO2 ? D’où l’idée défendue par EDF et les thuriféraires de l’uranium de remplacer des actifs thermiques par du nucléaire pour atteindre la neutralité carbone. Un pari loin d’être gagné. L’urgence climatique implique d’aller très vite dans la décarbonation. Or, le temps de construction des nouveaux réacteurs nucléaires est très long : quatorze ans et demi, selon le World Nuclear Industry Status Report 2019, contre environ cinq ans pour les fermes solaires et éoliennes. « Investir dans les EPR aggrave la crise climatique », n’hésite pas à dire le consultant Mycle Schneider, coauteur de l’étude.

L’autre incertitude concerne le volet financier. Bien amorties, les centrales françaises offrent des coûts imbattables, autour de 35 euros le mégawattheure (MWh). Depuis 2014, EDF mène des travaux de maintenance et de sûreté pour les prolonger de dix à vingt ans, au-delà des quarante années d’abord envisagées. « Si l’on veut avoir une électricité bon marché et bas carbone, il n’y a pas de meilleur investissement », indique Etienne Dutheil, directeur du parc nucléaire d’EDF.

Mais, pour le nouveau nucléaire, les normes de sécurité post-Fukushima ont fait exploser l’addition. Le coût des deux EPR britanniques d’Hinkley Point revient à 110 euros le MWh. Deux à trois fois le prix des renouvelables. Même l’éolien offshore est moins cher (45 euros le MWh pour l’appel d’offres de Dunkerque). C’est le drame du nucléaire. Alors que les coûts des renouvelables sont en chute libre (- 89 % depuis dix ans pour le solaire, selon une étude de la banque Lazard, – 70 % pour l’éolien terrestre), ceux de l’atome augmentent (+ 26 %). Avec le retour d’expérience et les économies d’échelle émanant des futurs réacteurs, EDF pense pouvoir diminuer le coût des futurs réacteurs de 30 % et réaliser un EPR optimisé autour de 70 euros le MWh en 2030.

Construire les EPR par paires

Pour y parvenir, l’électricien étudie plusieurs pistes. Il y a l’idée de construire les EPR par paire, comme en Chine (lire ci-contre). Ainsi, quand un chantier s’arrête, les équipes passent sur l’autre réacteur. Autre avantage, l’effet d’apprentissage. « Les essais à chaud sur le réacteur de l’EPR de Taishan 2 ont duré trois fois moins longtemps que sur Taishan 1 », note Fabrice Fourcade, directeur d’EDF Chine. L’électricien envisage aussi de recourir davantage aux technologies numériques pour dupliquer les pratiques de l’aéronautique, où tous les fournisseurs travaillent sur la même plateforme informatique. Un partenariat avec Dassault Systèmes et Capgemini a déjà été conclu.

Reste enfin le financement des futurs EPR. Un point crucial dans une industrie très capitalistique (le coût d’investissement des centrales représente plus des deux tiers du coût de production). « Pour Hinkley Point, EDF avait dû accepter un coût d’accès au capital élevé de 9,5 %, indique Michel Berthelémy, directeur de la section économie à la Société française de l’énergie nucléaire (Sfen). Si EDF était parvenu à obtenir une garantie de l’Etat, ce taux aurait été de 6 % et le coût total aurait diminué de 30 %. »

SOURCE : WNISR - MYCLE SCHNEIDER CONSULTING

Le coût du solaire a chuté de 89 % en dix ans (- 70 % pour l’éolien terrestre), selon une étude de Lazard, quand celui du nucléaire augmentait de 26 %.

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