Le plan du Centre Pompidou pour attirer les touristes étrangers

Lancée le 15 novembre dernier sur les réseaux sociaux, l’étonnante campagne du Centre Pompidou #SouvenirsDeParis pour attirer les touristes étrangers a déjà récolté plus d’1,5 million de vues sur la plateforme YouTube. Deux jours seulement après sa mise en ligne, cette vidéo avait été visualisée plus de 300.000 fois sur les réseaux sociaux. Depuis une semaine, le nom même du Centre Pompidou n’aura jamais autant circulé sur Internet. « Cette campagne est en train d’inonder le monde, observe, amusé, Benoît Parayre, le directeur de la communication de l’établissement. Et ce n’est qu’un début. »

40% de visiteurs étrangers

À l’origine de cette campagne virale, le constat par la direction des publics du musée d’Art moderne que lors de leur première visite à Paris, les touristes étrangers ne se rendent pas nécessairement au Centre Pompidou. « Ils se contentent souvent de faire le tour par l’extérieur de ce bâtiment iconique », souligne Benoît Parayre. Sur une fréquentation de 3,37 millions de visiteurs observée en 2017, 60% des visiteurs étaient français, contre seulement 40% de visiteurs étrangers. Avec cette campagne traduite en 10 langues dont le chinois, le japonais, l’arabe et le coréen, l’objectif pour le Centre Pompidou est de rejoindre le « top five » des lieux les plus réputés de Paris auprès des touristes étrangers, aux côtés de la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, la cathédrale Notre-Dame et le Sacré Coeur. Non pas en termes de fréquentation, puisque le Centre Pompidou est déjà le cinquième site culturel le plus visité du Grand Paris selon les estimations d’Estimates, mais plus en termes d’image. Pourquoi Beaubourg n’aurait pas lui aussi le droit à sa statuette? 

D’où cette idée détonnante d’envoyer des ambassadeurs du musée aux quatre coins de la capitale, en brocardant des statuettes et portes-clefs métalliques à l’effigie du Centre Pompidou. « Do you know Pompidou? Pom-pi-dou. Come, come to the Centre Pompidou », lance l’un des acteurs de cette campagne auprès de touristes qui ignorent jusqu’au nom de cet établissement et s’étonnent même de la présence colossale de la chenille du bâtiment (« This is a normal escalator? »). Pour les besoins de cette campagne, des navettes gratuites ont été déployées pour envoyer les touristes découvrir l’une de deux collections les plus importantes d’art moderne et contemporain au monde. Pour Caroline Marti, professeure à Celsa -Paris-Sorbonne et chercheure en stratégie des marques, cette campagne « audacieuse et originale est très ancrée dans l’évolution des musées aujourd’hui, qui sont entrés dans une logique de mise en visibilité de leur marque ». 

Au-delà d’une simple campagne de communication, il s’agit pour Beaubourg d’une « tentative de requalification » de son établissement, en soulignant de manière habile la valeur patrimoniale de son établissement. « Le Centre Pompidou est un très grand musée, mais le bâtiment de Renzo Piano n’a pas une connotation historique aussi marquée que les autres musées de la capitale. Avec cette campagne, il s’agit de recatégoriser Beaubourg parmi les lieux patrimoniaux de Paris », souligne Caroline Marti.

Une campagne à 100.000 euros

Il était hors de question pour le Centre Pompidou dont 60% du budget est financé par l’Etat avec une subvention de 69,5 millions d’euros de réaliser une énième campagne corporate. « Nous avons essayé de trouver un angle humoristique. De la culture, mais sans se prendre au sérieux », note Benoît Parayre. Mandatée par l’établissement, Publicis a confié les rênes de cette campagne à l’agence Marcel en partenariat de compétences avec l’établissement. Cette campagne a pour objectif d’irriguer les réseaux sociaux et de renforcer l’image du Centre Pompidou dans le monde. L’établissement n’a pas souhaité investir dans l’achat d’espaces publicitaires, comptant uniquement sur la viralité de cette campagne.

Une semaine après son lancement, le succès est bien au rendez-vous. D’autant que cette campagne n’aura coûté que 100.000 euros à l’établissement, en comptant la fabrication des statuettes et porte-clefs ainsi que le défraiement des acteurs de cette campagne. « Ce qui est très peu cher pour une campagne », note Benoît Parayre qui quitte la maison Pompidou sous « un feu d’artifices personnel », note, amusé celui qui s’apprête à rejoindre dès le 3 décembre prochain de nouvelles fonctions auprès du groupe Air France en tant que directeur général adjoint de la communication.

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