Le rachat des licences de taxi, une proposition scandaleuse ?

Les propositions de Laurent Grandguillaume, médiateur du gouvernement, pour résoudre la crise avec les VTC apaiseront- elles les taxis, réunis en intersyndicale le 2 mars ? En particulier sur le rachat des licences. Le député PS veut en effet « régler progressivement les problèmes liés à la cessibilité à titre onéreux des licences », principale barrière à l’harmonisation du secteur selon lui.

L’Etat ne délivrant quasiment plus de nouvelles licences gratuites, de nombreux chauffeurs les ont achetées à des collègues partant à la retraite à des prix souvent très élevés (voir graphique), avec la perspective de les revendre bien plus cher en fin de carrière. Or l’arrivée des VTC a fait exploser cette bulle spéculative qui, selon le médiateur, représente 16 % des revenus des taxis. Pour calmer le jeu, Laurent Grandguillaume propose un « fonds de garantie pour cessation d’activité ». Cette mesure consisterait à mettre à la disposition des propriétaires de plaques « un capital retraite basé sur la valeur d’acquisition des licences en tenant compte de l’inflation, en échange de leur retrait du marché », écrit-il. Pour chaque licence retirée, une autre, incessible cette fois, serait délivrée à titre gratuit, ou louée pour une durée limitée. Le fonds aurait donc pour effet de liquider progressivement les licences cessibles à titre onéreux.

Illégal et amoral

Problème : le financement. L’indemnisation de la totalité des licences en France s’élèverait à 5 milliards d’euros. La mesure du médiateur, elle, se limiterait à un peu plus de 2 milliards, en ne concernant que les taxis partant à la retraite. Mais est-ce à l’Etat de payer ? Dublin l’a fait en 2001, après avoir dérégulé le marché et indemnisé les chauffeurs. En France, l’exemple est difficilement transposable. « D’abord, la loi Pasqua de 1995 l’interdit, rappelle Jacques Delpla, professeur associé à l’Ecole d’économie de Toulouse. Et ce serait compliqué politiquement de permettre l’enrichissement de personnes qui ont obtenu leur licence gratuitement, ou de gros propriétaires comme les actionnaires des G7 et des Taxis bleus. »

Surtout, il serait injustifiable, selon lui, « que l’Etat rachète des licences dont la valeur repose en grande partie sur de la fraude fiscale et sociale, puisqu’une majorité des transactions est encore payée en liquide et non déclarée ». La solution, d’après l’économiste, serait d’augmenter le nombre de points retraite des chauffeurs en les finançant via une taxe sur les passagers et sur les recettes des plateformes comme Uber.

SOURCE : CHALLENGESLe système des licences représenterait jusqu’à 16 % des revenus des taxis, qui réalisaient une forte plus-value à la revente.

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