Le secteur du jeu vidéo français en plein renouveau

Les employés du studio Ubisoft de Castelnau-le-Lez, près de Montpellier (Hérault) jouant au jeu "Mickael Jackson The Experience" le 10 septembre 2010-AFP/Archives/GERARD JULIEN Les employés du studio Ubisoft de Castelnau-le-Lez, près de Montpellier (Hérault) jouant au jeu « Mickael Jackson The Experience » le 10 septembre 2010-AFP/Archives/GERARD JULIEN

Longtemps à la traîne derrière le dynamisme du Canada, le secteur du jeu vidéo français connaît un renouveau avec une floraison d’acteurs et l’ouverture à Bordeaux d’un nouveau studio par Ubisoft, le géant français du secteur.

L’éditeur français qui a ouvert son premier studio à Paris en 1992, suivi de deux autres à Montpellier et Annecy, inaugure jeudi à Bordeaux son premier studio en France depuis 21 ans, après avoir beaucoup investi au Canada et en Europe.

« La France est très compétitive, elle est forte de ses talents et de ses écoles (…) et en plus on a une aide de 30% sur les salaires qui permet de faciliter les choses », a souligné le PDG du groupe Yves Guillemot, en référence au crédit d’impôt jeu vidéo.

C' »est un symbole fort », emblématique de la santé retrouvée du secteur, observe Romain Poirot-Lellig, maître de conférence à l’IEP de Paris.

Dans l’industrie, le moral est au beau fixe: 88% des entreprises disent avoir confiance dans l’avenir du secteur, alors qu’elles n’étaient que 45% de cet avis en 2014, selon le baromètre du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) et du centre de réflexion Idate à paraître en novembre.

Conséquence, elles prévoient de créer 1.300 emplois au total cette année en France, contre 750 l’an dernier.

Et cela se voit aussi dans les revenus, leur chiffre d’affaires global devrait faire un bond de près de 50% cette année, à 2,45 milliards d’euros.

Une croissance à nuancer cependant pour les plus petits acteurs, puisque les entreprises de moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires devraient voir leurs ventes reculer de 18%.

« On est sur une excellente dynamique, le secteur se structure autour de grands groupes et de beaucoup d’indépendants », souligne à l’AFP Laurent Michaud, analyste du secteur pour l’Idate.

« Le jeu vidéo fonctionne très bien auprès des consommateurs, ce n’est plus seulement un loisir pour les jeunes garçons prépubères, il s’adresse à une population bien plus large », remarque-t-il.

L’année 2017 « montre une très forte croissance, après une bonne année en 2016, qui venait après une vague considérable de disparitions en 2015 », note Julien Villedieu, délégué général du SNJV.

Dans ce marché où les cartes sont régulièrement rebattues par les changements technologiques, comme les nouvelles consoles ou l’avènement de l’Iphone, les entreprises doivent constamment se remettre en question.

« Certains ont quitté le marché du jeu mobile pour retourner sur PC et consoles, adoptant un positionnement plus clair. La console Switch de Nintendo a aussi apporté un vent de fraîcheur dans l’écosystème en permettant à plus de jeux d’émerger », indique Julien Villedieu.

Alors que l’industrie connaît une course mondiale aux talents, les recrues des écoles spécialisées comme l’Enjmin d’Angoulême, ou des écoles d’ingénieurs, fournissent de plus un vivier précieux pour les studios et les éditeurs français.

– coupe de pouce du crédit d’impôt –

Le crédit d’impôt élargi à plus de jeux en 2015, et dont le taux a été relevé cette année de 20% à 30%, a aussi permis à la France de redevenir compétitive.

« On a l’écosystème le plus attractif d’Europe, et le deuxième au monde », assure Julien Villedieu.

Red Accent, un studio établi à San Francisco, et Shanghai, qui sort en octobre une adaptation du « Petit Prince » en réalité virtuelle, vont ainsi remettre un pied en France avec la création d’une équipe de recherche l’an prochain.

« D’un point de vue économique c’est tentant de revenir en France, les salaires ne sont pas très élevés et les talents sont très forts », relève auprès de l’AFP Greg Gobbi, l’un des cofondateurs.

Les signaux sont au vert aussi chez Focus Home Interactive, troisième acteur du secteur derrière Vivendi et Gameloft.

Entré en Bourse il y a deux ans, le groupe qui ne développe pas ses propres jeux mais édite et commercialise ceux des studios, devrait passer la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an prochain, après 75 millions en 2016.

Le groupe a tiré parti de l’essor des ventes de jeux dématérialisées, qui se font sur des plateformes en ligne comme Steam, et non plus en magasin.

« On a été parmi les premiers à travailler avec Steam », souligne son patron Cédric Laguarrigue, ce qui a permis au groupe de réaliser plus de 80% de ses ventes à l’export.

« Un succès de développement industriel majeur pour la France est à portée de main », mais il faudrait faire émerger un nombre plus important d’acteurs français de taille mondiale », souligne le maître de conférence Romain Poirot-Lellig.

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