Le tourisme durable, une pratique dans l’air du temps

Cette année, on a bien souvent eu envie de changer. D’adopter un mode de consommation plus citoyen. Plus respectueux de l’environnement. Plus local. Plus éthique. Mieux. Pour les vacances, le raisonnement reste le même. La preuve : un Français sur quatre a choisi ses vacances en fonction du critère « environnement », selon une étude du cabinet Protourisme. Entre avril et juin, 900.000 personnes sont parties en vacances en France et non à l’étranger. C’est ainsi qu’elles ont remplacé l’avion par des moyens de transport moins polluants, plus adaptés à la crise climatique que le monde traverse. Cette prise de conscience fait émerger un tourisme durable en phase avec les préoccupations des nouvelles générations, très impliquées dans la lutte contre le changement climatique

Comment comprendre l’expression tourisme durable ? 

« Le tourisme durable tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil”, définit l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT). 

Pour la start-up FairTrip – à l’origine d’un guide de voyage collaboratif sur le tourisme durable – les adresses (3.000 dans le monde, dont 200 à Paris) référencées sur l’application doivent respecter au minimum deux des cinq critères qu’elle a définis. « L’important étant qu’elles soient fidèles à l’esprit FairTrip » explique Brian Corrieri, son président. Ces lieux s’engagent donc à limiter leur impact environnemental, à soutenir la communauté locale dans laquelle ils sont implantés ou encore à favoriser l’insertion professionnelle et sociale des personnes éloignées de l’emploi. Pour les hébergements et les restaurants, l’écolabel la Clef Verte procède à plusieurs audits et s’assure du sérieux de la démarche des établissements. Cette année, 624 établissements sont labellisés Clef Verte en France. N’est pas recommandé qui veut. Il faut faire preuve d’une forme de militantisme pour faire partie de la liste, s’inscrire dans une démarche volontariste. 

Dans un autre style, Tookki. Ce « city guide » pour écolo-responsables répertorie 150 lieux de vie et restaurants à Paris. « Chaque adresse a été validée, vérifiée et respecte au moins deux des six critères de sélection (local, bio, écologique, équitable, solidaire et durable) », explique Fabien Vermot, l’un des cofondateurs. La start-up qui compte plus de 5.500 téléchargements, travaille aussi sur un principe d’éco-score, une note qui permettrait d’évaluer l’impact écologique des commerçants inscrits sur l’application. 

Concrètement comment être un touriste éco-responsable ? 

« C’est simple. Vous descendez du train. Commandez un Marcel (un service de VTC Citoyen). Déposez vos affaires dans l’un des hôtels sélectionnés par l’application, le Zazie Hôtel ou le Solar Hôtel, par exemple. Pour vous évader, il n’y a rien de mieux qu’un tour de bateau électrique sur le Canal de l’Ourcq. Puis, c’est l’heure du dîner, on vous fait découvrir une cantine bio et vegan du 18e arrondissement », organise déjà Fabien Vermot, cofondateur de l’application Tookki. 

L’application mobile (disponible uniquement à Paris et bientôt dans plusieurs villes françaises) incite les touristes à limiter leur impact sur l’environnement. Mais, concrètement comment ça marche ? En fonction de la géolocalisation de l’utilisateur, l’application propose « un restaurant qui cuisine local, une activité green ou un moyen de transport alternatif comme le vélo électrique, Cityscoot ou le VTC Marcel », résume le cofondateur. En général, les personnes qui consultent l’application recherchent de nouveaux lieux à découvrir. Car elles sont déjà converties au tourisme durable, « déjà engagées dans une démarche éco-citoyenne et adeptes de cette façon de consommer ». Pour ces utilisateurs, être un touriste éco-responsable est assez intuitif : ils font partie de la génération des 18-35 ans. Malgré tous ces efforts, l’offre « durable » à Paris reste encore confidentielle. Le but de l’application est donc de rendre ces adresses plus visibles voire accessibles à un public de non-adeptes. D’autant que 64% des Français souhaitent avoir plus d’informations sur leur impact environnemental, selon une étude de Greenflex datant de 2016

Du côté de FairTrip, le constat est le même : seule une dizaine d’hôtels sont jugés « responsables » à Paris (notamment les Solar Hôtel, Nadaud Hôtel, Zazie Hôtel ou l’Hôtel de la Porte Dorée). Comment inciter le reste du secteur à faire évoluer ses pratiques ? « Avec l’application, les utilisateurs pourront choisir l’établissement qui a le meilleur impact et non plus celui qui pratique les prix les plus bas », espère l’entrepreneur. Mais, les consommateurs seront-ils prêts à débourser plus pour une consommation plus éthique ? « Nous voulons montrer qu’un établissement éco-responsable est aussi accessible. Donc la nuit dans les hôtels que l’on recommande tourne autour des 100 euros, répond Brian Corrieri. Et plusieurs auberges de jeunesse sont aussi référencées ». 

La priorité : lutter contre le surtourisme

L’application aux 3.000 utilisateurs actifs par mois et 25.000 téléchargements, lutte aussi contre le surtourisme (un nombre croissant de visiteurs qui sature les sites touristiques). En 2018, Paris et Île-de-France ont accueilli plus de 50 millions de visiteurs, un chiffre qui produit une pollution monstrueuse. Car l’empreinte carbone d’un touriste correspond à tous ses achats sur son lieu de vacances : nourriture, hébergement, shopping et transports. Dans le monde, le tourisme est à l’origine d’environ 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. FairTrip à l’inverse des guides touristiques traditionnels, propose une balade sur la Coulée verte René-Dumont ou bien une visite du quartier des Grands Voisins (XIV° arrondissement). « Il s’agit de lieux à rebours », rien à voir avec la pression touristique de la Tour Eiffel (7 millions de visiteurs en moyenne, chaque année) ou de Notre-Dame de Paris (12 millions). 

La Mairie de Paris milite aussi pour un tourisme plus durable et a mis au point l’application Balades Paris Durable. Elle invite le touriste (ou non-touriste) à découvrir le « charme vert » de certains quartiers de Paris, en se déplaçant à pied. Plus d’une vingtaine d’itinéraires (l’ouest de la Seine, le Parc Floral ou encore le Marais) sont suggérés et se découpent en plusieurs étapes. De quoi se rafraîchir et observer « des espèces animales ou végétales rares ou plus communes ». 

Enfin, Too Good To Go, une application de lutte contre le gaspillage alimentaire – qui met en relation consommateurs et commerçants pour sauver des repas – lance les Summer City Guides dans une vingtaine de villes européennes (Paris, Barcelone, Berlin, Oslo ou encore Amsterdam). Ces guides coécrits avec les utilisateurs de l’application recommandent aux touristes « les commerçants-partenaires les plus sympas, les meilleurs lieux pour déguster son panier et plein de bons plans verts pour un été le plus éco-responsable possible ».  Pour mesurer l’impact du tourisme vertueux, il faudra attendre la fin de l’été.

Challenges en temps réel : Entreprise