Les banques, prochain angle d’attaque de Donald Trump, too big to fail to regulate ?

Effet 100 jours ? Après des débuts peu convaincants, Donald Trump tente d’imprégner durablement sa « marque » …. et de passer des paroles aux actes. Après l’échec de la réforme de l’Obamacare, les rappels à l’ordre de la justice face à sa politique migratoire et ses dernières tentatives de refonte des règles fiscales US, le nouveau locataire de la Maison Blanche souhaite désormais s’attaquer aux géants de la finance US. Il a ainsi réitéré lundi ses menaces à l’encontre des grandes banques, brandissant même le spectre du démantèlement pour tenter de les intimider. Affichant parallèlement sa ferme volonté de rétablir les dispositions de la législation dite « Glass-Steagall », laquelle a permis de séparer les activités de banque de dépôt et d’investissement aux Etats-Unis de 1933 à 1999.

S’exprimant dans le cadre d’un entretien accordé à l’agence Bloomberg News, le président américain a ainsi indiqué qu’il était actuellement en cours d’examen du dossier. Sans toutefois fournir de plus amples précisions.

Interrogé sur les déclarations faites par Donald Trump, le porte-parole de la Maison Blanche Sean Spicer s’est quant à lui contenté d’indiquer que le président avait discuté avec ses conseillers, sans vouloir fournir d’autre élément pour l’instant.

Durant sa campagne électorale, le candidat Trump avait à maintes reprises
appelé à une remise en vigueur de cette législation, supprimée lors de la présidence de Bill Clinton. Il avait alors indiqué être favorable à une nouvelle loi de ce type, en souhaitant toutefois l’adapter aux conditions actuelles. Le parti républicain avait pour sa part inscrit un tel projet dans sa plate-forme électorale, reprenant le principe de la dérégulation.

La sénatrice démocrate Elizabeth Warren, qualifiée par Time Magazine de «nouveau shérif de Wall Street» a également affirmée à de nombreuses reprises être en faveur du rétablissement d’une législation qui démantèlerait les grandes banques et apporterait une séparation des activités de dépôts et prêts de celles de spéculation sur les marchés financiers.

Certains économistes et hommes politiques considèrent que la suppression de cette législation en 1999 a conduit à la chute de la banque d’affaires Lehman Brothers, élément déclencheur de la crise financière de 2008.

En mars 2012, Daisuke Kotegawa, ancien haut dirigeant du ministère japonais des Finances et représentant du Japon au FMI, avait identifié la démantèlement de Glass-Steagall  comme « principale cause structurelle de la bulle financière aux Etats-Unis et en Europe entre 2002 et 2007 ».

Il avait tout d’abord comparé la situation d’alors à la manière dont le Japon avait répondu à la crise de 1999 (péridoe durant laquelle il était directeur de la division des obligations aux ministère des Finances), forçant tout d’abord les firmes étrangères en faillite à liquider leurs positions, puis permettant au Japon d’absorber le coût de la liquidation, sans devoir recourir au reste du monde pour pouvoir financer la crise.

« Pourquoi la crise économique mondiale a-t-elle eu lieu après le choc de Lehman Brothers ? Cette question n’a pas été discutée en détail, reflétant probablement le parti pris des médias occidentaux à l’égard de Wall Street » avait-il déclaré dans une analyse pour l’Institut Canon d’études globales.

Selon lui, « des liquidités excédentaires ont été créées pendant une longue période de politique monétaire laxiste sous les auspices d’Alan Greenspan et de la Réserve fédérale, nourrissant un jeu d’argent par les banques d’investissement qui n’était pas en accord avec les lois de la demande réelle. Une telle politique et une telle gestion par la Fed et le Trésor ont été la principale cause de la bulle. »

Concernant tout particulièrement la chute de Lehman Brothers, Kotegawa avait tenu à rappeler : « Lehman a fait faillite le lundi 15 septembre 2008, sans que ses immenses positions dans des transactions transfrontalières aient été dénouées au préalable. Ceci a eu un effet de contagion extraordinaire sur le système financier mondial. «
Selon lui, « une liquidation de Lehman seulement après que toutes les transactions étrangères aient été dénouées aurait pu éviter au monde la crise. L’on peut cependant comprendre que si Lehman Brothers avait été liquidée seulement après que toutes les transactions transfrontalières aient été dénouées, le gouvernement des Etats-Unis se serait vu obligé de dépenser de fortes sommes pour renflouer Lehmann, protéger le système financier américain et stopper tout effet de contagion aux autres institutions financières. Si tel avait été le cas, le gouvernement aurait eu besoin de s’expliquer longuement pour convaincre les contribuables sur la nécessité d’utiliser une somme aussi colossale d’argent public. Il est très probable que ceci aurait requis une enquête approfondie des responsabilités au niveau de la gestion des institutions financières et des autorités de supervision. »

La loi Dodd-Frank de stabilité financière – votée par les Démocrates après la crise des subprimes – établit quant à elle des règles contraignant les banques à prendre des mesures garantissant leur solvabilité, sans toutefois viser à leur démantèlement. Donald Trump a entamé un processus devant aboutir à la suppression de plusieurs de ses dispositions.

En octobre 2015, il avait d’ores et déjà lancé sur Fox News : « Il faut se débarrasser de Dodd-Frank. Les banques ne prêtent plus d’argent à ceux qui en ont besoin. A moi, elles m’en prêtent, je n’en ai pas besoin. Mais si vous avez besoin d’argent pour créer de l’emploi, construire un immeuble ou monter une entreprise, les banques ne sont pas là. Ce sont les régulateurs qui dirigent les banques ».

Pour rappel, Dodd-Frank a créé de nouvelles agences de contrôle, limité les activités spéculatives des banques (à hauteur de 3% des fonds propres) et encadré les produits dérivés, ces derniers ayant été à l’origine de la crise des subprimes.

Selon Donald Trump, les banques seraient entravées par la régulation, une situation qui serait une des causes de la faible croissance américaine, estime-t-il par ailleurs. Son programme économique avait d’ailleurs mis l’accent sur la suppression « massive » de la « réglementation anti-croissance » et la mise en place d’un « nouveau cadre réglementaire moderne ». Dans un entretien accordé à Reuters au mois de mai 2016, il avait encore plus net, affirmant que « Dodd-Frank empêche les banques de fonctionner ». « Il faut que ça cesse », avait-il alors martelé, confiant qu’il serait en faveur de « quelque chose proche d’un démantèlement de Dodd-Frank ».

Sources : AFP, Les Echos, La Tribune, Le Temps.ch

Elisabeth Studer – 1er mai 2017 – www.leblogfinance.com

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