Les Etats à la rescousse des compagnies aériennes

« Il n’y a pas de mots pour décrire l’impact dévastateur du Covid-19 sur l’industrie du secteur aérien », a répété Alexandre de Juniac, le président de l’Association internationale du transport aérien (IATA), dans un communiqué publié ce mardi 7 avril. D’après les estimations de l’association, les compagnies aériennes ont besoin d’un soutien des Etats de près de 250 milliards de dollars pour éviter les faillites en série, alors que 75% d’entre elles n’ont pas plus de trois mois de cash disponible devant elles.

Un message reçu 5 sur 5 par les gouvernements. Aux Etats-Unis, où les compagnies américaines ont été les premières à appeler à l’aide, le Trésor américain va débloquer plus de 50 milliards de dollars sous forme d’aide directe et de prêts garantis. C’est le triple de ce qu’avait perçu le secteur après les attentats du 11 septembre 2001 !

Aide direct et report de taxes

Les quatre plus gros transporteurs, American, Delta, Southwest et United Airlines ont sollicité l’aide directe de 30 milliards de dollars mis en place par le gouvernement le 1er avril pour payer les salaires et les retraites. S’y ajoutent 25 milliards supplémentaires de prêts garantis et de reports de taxes d’ici à la fin 2021.

Ces aides sont toutefois soumises à conditions : impossibilité de licencier les salariés d’ici le 30 septembre et maintien des lignes domestiques pendant deux ans. American Airlines devrait ainsi pouvoir toucher près de 12 milliards de dollars et Delta, le partenaire d’Air France-KLM, 11 milliards. « Cela ne sera sans doute pas suffisant », a cependant prévenu Ed Bastian, le directeur général de Delta. Ce dernier anticipe une chute de 90% des revenus de la compagnie au deuxième trimestre. Une possible injection de cash par le gouvernement fédéral dans les compagnies est parallèlement en discussion -limitée à 2% du capital- pour les aider à passer la crise.

Désormais tout le monde sort son chéquier : en Asie, Singapore Airlines a obtenu du fonds souverain singapourien Temasek, son principal actionnaire, l’autorisation de lever jusqu’à 9,6 milliards d’euros sous forme d’actions nouvelles et d’obligations convertibles. Au Moyen-Orient, l’émir de Dubaï a promis de soutenir la plus grosse compagnie du Golfe, Emirates, tandis que Akbar Al Baker, le patron de Qatar Airways a fait savoir qu’il allait aussi demander une aide d’Etat.

En Europe, la Commission européenne est obligée de lâcher du lest sur les aides. Bruxelles a ainsi accepté le report des taxes et redevances (aviation civile, solidarité, navigation aérienne) jusqu’en décembre. Mais ces mesures auront surtout du sens au moment de la reprise du trafic passagers.

Course contre la montre

Les gouvernements français et néerlandais pourraient aller plus loin : ils étudient la mise en place d’un crédit garanti par les deux Etats d’un montant de 6 milliards d’euros dont quatre milliards pour la France. Une intervention directe au capital du groupe est aussi dans les cartons pour accompagner la reprise.

Anne Rigail, la directrice générale d’Air France ne s’en cache pas : « Nous aurons besoin rapidement d’un soutien financier », reconnait-elle dans le Figaro du 7 avril. « Air France avec 50.000 salariés représente 1,6% du PIB. C’est le premier employeur privé d’Île-de-France », rappelle la dirigeante pour justifier cette intervention de l’Etat dans une compagnie privée.

Or il s’agit bien d’une course contre la montre : « La plupart des compagnies européennes ont peu de réserves de cash, soulignent les analystes de l’agence de notation allemande Scope. Pour gagner des parts de marché, elles ont beaucoup investi dans l’expansion de leur réseau et de leur flotte ».  Certes, plusieurs mesures ont été prises pour préserver les liquidités, comme couper dans les dépenses de marketing, recourir au chômage partiel, renégocier les commandes d’avions en cours, mais se pose désormais également la question du remboursement des billets aux clients pour les vacances de printemps et d’été. Air France et Lufthansa proposent aux clients de reporter leurs réservations. Près de 4 milliards de billets non consommés étaient inscrits fin 2019 dans les comptes de Lufthansa et 3,3 milliards pour Air France-KLM. 

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