Les fonctionnaires, victimes collatérales du dérapage budgétaire de l’Etat employeur … et de l’austérité

Voilà qui devrait faire du bruit bien plus loin que Landerneau … Après la publication d’un audit de la Cour des comptes alarmiste sur l’état des finances publiques hérité de François Hollande, le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin a annoncé jeudi soir un gel du point d’indice pour les fonctionnaires.

« Ce soir je peux vous dire qu’il n’y aura pas d’augmentation du point d’indice pour les agents de la fonction publique« , a-t-il déclaré sur France 2.

Une annonce qui intervient , quelques heures à peine après l’engagement du Premier ministre Edouard Philippe à prendre des mesures d’économie pour contenir le déficit public à 3% du PIB à la fin 2017, sans hausse d’impôts.

Estimant qu’un effort de 4 à 5 à cinq milliards d’économies serait nécessaire pour pouvoir tenir l’objectif, Gérald Darmanin a martelé que les réformes structurelles prévues dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron seraient tenues. Réaffirmant qu’aucun collectif budgétaire n’était à l’ordre du jour, et qu’il n’était donc pas prévu d’augmenter les impôts. Faste défi à réaliser en à peine 6 mois, rappelons-le ….
Et ce, alors même que la Cour des Comptes estime que le déficit public de la France devrait s’établir cette année à 3,2% du PIB, en l’absence de « mesures fortes de redressement« . Ce qui correspond à la « bagatelle » d’un delta de près de 8 milliards d’euros par rapport aux prévisions officielles du précédent gouvernement. Situation qualifiée d’ « inacceptable« , par le Premier ministre Édouard Philippe, ce dernier jugeant les conclusions de la Cour « sévères » et « sans appel« . Précisons que le nouveau gouvernement avait commandé cet audit en vue de disposer d’une publication « transparente » …. mais également – voire surtout ? – de pouvoir justifier des mesures d’économies et d’éventuels reports de réformes. Bref, mener une politique d’austérité sans devoir assumer le bilan qu’il l’aura conduit à devoir adopter des mesures peu réjouissantes pour les électeurs que nous sommes.

Petit rappel et non des moindres : en avril dernier, la France s’était pourtant engagée à ramener son déficit public à 2,8% du PIB en 2017 et à 2,3% en 2018, après un taux de 3,4% enregistré en 2016. Le but ultime étant de repasser pour la première fois depuis 10 ans sous la barre fatidique des 3% exigée par les traités européens.

Pour la Cour des Comptes, l’équation budgétaire devrait être « d’autant plus complexe » dans les mois qui viennent  que 2018 comporte de nombreux facteurs d’augmentation de la dépense publique. Parmi eux, figure notamment la hausse de la masse salariale publique promise sous François Hollande, la hausse des dépenses de défense et de sécurité ou des grands travaux d’infrastructure. « Ces efforts sont à la portée des pouvoirs publics« , a toutefois assuré Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes.

Pour rappel, le 17 mars 2016, la ministre de la fonction publique, Annick Girardin, avait annoncé une hausse de 1,2 % en deux fois du point d’indice servant à calculer les rémunérations des fonctionnaires, gelé depuis 2010. Une première revalorisation de 0,6 % a eu lieu le 1er juillet  2016 ; une seconde, de 0,6 %, le 1er février 2017. Il s’agit d’une « ultime » proposition faite dans le cadre d’une réunion de négociations avec les syndicats avait alors précisé le ministère de la fonction publique, faite dans le cadre d’une réunion de négociations avec les syndicats.

La Cour des comptes estime que dorénavant la France devra mettre en oeuvre des efforts d’économies « sans précédent« . En ce qui concerne l’année 2017, cela suppose selon elle de « prendre des mesures d’économies supplémentaires portant sur toutes les administrations publiques ». S’agissant de 2018, « le levier des dépenses devrait être utilisé de façon beaucoup plus marquée », a estimé Didier Migaud.  Sans oser prononcer le mot fatidique d’ »austérité ».

Reste que, encore une fois, les Français semblent frappés d’amnésie … alors qu’ils viennent d’élire comme Président de la République celui qui fut ministre de l’Economie et de l’Industrie de François Hollande  d’août 2014 à août 2016 : Emmanuel Macron.

Or, pour les magistrats financiers, les derniers textes budgétaires du quinquennat Hollande (la loi de finances initiale pour 2017 et le programme de stabilité adressé à Bruxelles) ont été marqués par des « biais de construction » et entachés « d’insincérités ».

Selon eux, le risque de dérapage en 2017 résulte « quasi exclusivement d’une sous-estimation des dépenses de l’État ». Or, selon eux, le gouvernement était conscient de ces problèmes « dès l’automne 2016, et de manière plus précise encore, en avril dernier ». Ces accusations ont été aussitôt récusées par l’ancien ministre des Finances Michel Sapin et son secrétaire d’État au Budget Christian Eckert. Tous deux ont nié avoir eu recours à un quelconque artifice comptable.

Parmi les causes d’un tel dérapage figurent en tout premier lieu la sous-estimation des incidences budgétaires de la recapitalisation d’Areva. L’opération pourrait creuser les comptes publics de 2,3 milliards d’euros selon la Cour des Comptes. Les régularisations fiscales des contribuables détenant un compte caché à l’étranger auront également été d’un rendement plus faible que prévu.

Sources : Reuters, AFP, Le Monde