Les industriels recyclent leur modèle tout plastique

« Rien ne disparaît vraiment. Le principe de jeter quelque chose n’existe pas. Nous déplaçons juste le problème. » Ce qui sonne comme un slogan de Greenpeace est celui… d’une multinationale. Il y a quelques jours, adidas a lancé les premières baskets 100 % recyclables. Dans son film publicitaire, le groupe allemand, qui en vend plus de 400 millions de paires par an, affirme son nouveau credo : made to be remade (fait pour être refait). « C’est vers cela qu’il faut aller, explique Marco Kormann, le directeur de l’innovation. Sinon notre business model ne sera plus tenable. »

Comme adidas, tous les industriels sont au pied du mur. Les consommateurs sont ulcérés par ces emballages qui remplissent leurs poubelles. « Le plastique est léger et résistant. Il n’y a pas mieux, explique Virginie Hélias, vice-présidente en charge du développement durable chez P&G. Le problème, c’est que moins de 10 % des 9 milliards de tonnes produites à ce jour ont été recyclées. Le reste a fini brûlé ou jeté dans les océans. » L’annonce par la fondation Ellen MacArthur qu’en 2050 les mers contiendraient plus de plastiques que de poissons a servi d’électrochoc. En France, le rejet de ce matériau fétiche de la grande consommation va de pair avec la défiance des grandes marques, à son sommet.

Objectifs ambitieux

Particulièrement concerné, Danone, avec ses bouteilles d’eau minérale et ses pots de yaourts, s’est fixé des objectifs élevés. En 2025, sa marque Evian n’utilisera que du plastique recyclé, contre 25 % aujourd’hui. Coca-Cola, lui, a investi 8 millions d’euros dans une usine en Bourgogne, promettant que 100 % de ses bouteilles sont recyclables. Mais il reconnaît qu’il n’en recyclera que 50 % en 2025. La raison : le manque de discipline des consommateurs, qui trient mal leurs emballages, mais aussi son incapacité technique à insérer plus de la moitié de matière recyclée dans ses bouteilles.

« Le problème du recyclage, c’est une valorisation insuffisante pour couvrir les coûts de collecte », pointe Virginie Hélias. Pourtant, P&G prépare la fin de la boîte verte de lessive Ariel au profit d’un sac beaucoup plus léger, en matière recyclée. Et Nestlé a conçu un sachet en papier pour remplacer la boîte jaune de son chocolat Nesquik. Mais ces initiatives restent marginales. Lors de l’assemblée générale du géant suisse, le 11 avril, les activistes de Greenpeace ont envahi la salle pour dénoncer le retard du numéro un mondial de l’agroalimentaire. Chaque année, il utilise 1,7 million de tonnes de plastique pour emballer ses produits, chiffre en hausse de 13 % l’an dernier. Et ce n’est pas la suppression des pailles en plastique sur les briquettes de jus de fruits qui réglera le problème.

Initiative de Davos

Face au défi, les initiatives réunissant les multinationales se multiplient. Au Forum de Davos, en janvier, une vingtaine d’industriels dont PepsiCo, Coca-Cola, Mondelez, Mars, Danone, P&G, Unilever, Nestlé, mais aussi Bic et The Body Shop, ont annoncé le lancement de la plateforme d’e-commerce Loop, avec l’entreprise américaine de recyclage TerraCycle. Elle vend et distribue depuis le 14 mai des produits livrés dans des emballages consignés, conçus par ces grands groupes. Céréales, couches, brosses à dents… en France, Carrefour intègre certains de ces articles sur son propre site d’e-commerce. Ce qui premettra de mesurer le militantisme de consommateurs qui peinent déjà à trier correctement. Le directeur du développement durable de Carrefour, Bertrand Swiderski, est optimiste : « Je n’ai jamais vu une vague aussi forte. Or, avec les consommateurs, on peut déplacer des montagnes. »

Recharges et écocoception

Chez Léa Nature, pionnier de l’alimentation bio, on mise sur l’éco-conception des packagings pour les alléger, voire supprimer le plastique. Parfois, cependant, le mieux est l’ennemi du bien. « Le plastique végétal à base de canne à sucre sans OGM est une solution, explique Luc Gauduchon, le directeur innovation. Mais comme la matière première vient du Brésil, l’impact carbone n’est pas bon. » Unilever s’apprête à déployer un système de bidons à remplir en magasin pour ses lessives Skip et Persil. « Le succès du test à Intermarché va au-delà de nos attentes, affirme Oscar Vicente-Hernandez, directeur marketing de la division nettoyants ménagers. Les formules ultra-concentrées, elles, permettent de réduire de 60 % le plastique d’emballage. » Et en plus, le prix du produit baisse.

L’Oréal, qui sonde en permanence l’humeur des consommateurs, a fait de la chasse au plastique un objectif prioritaire. « Des systèmes de recharge sont testés chez L’Oréal Paris, Lancôme et Yves Saint-Laurent, indique Philippe Thuvien, son directeur packaging et développement. Nous proposons aussi aux coiffeurs des solutions de remplissage. » Et la multinationale s’est associée à la biotech française Carbios, dont la technologie à base d’enzymes permet de produire du polyéthylène recyclé aussi performant que le plastique traditionnel. Une découverte majeure à laquelle se sont joints Nestlé Waters, Pepsi-Co et Suntory (Orangina). Pour que le plastique ne soit plus jamais un déchet.

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