Aux États-Unis, un phénomène sociétal inquiétant pourrait avoir de lourdes répercussions sur le marché immobilier résidentiel dans les années à venir. Selon Meredith Whitney, l’experte financière réputée pour avoir prédit la crise des subprimes de 2007-2008, une part grandissante de jeunes hommes, désintéressés par la vie de couple et la formation d’une famille, font le choix de rester vivre chez leurs parents bien après l’âge traditionnel du départ du nid. Cette tendance compromettrait la demande en logements familiaux, moteur historique de la croissance immobilière. L’analyste n’hésite pas à lancer une alerte de premier plan : si ce comportement se pérennise, les prix des maisons pourraient s’effondrer de 30%.
Le cœur du problème réside dans la désertion progressive des jeunes mâles du marché de l’immobilier. Les chiffres du Bureau du recensement américain sont éloquents : avant 2008, seulement 13% des hommes âgés de 25 à 34 ans vivaient encore sous le toit parental. Cette proportion a bondi jusqu’à 22% au plus fort de la pandémie de Covid-19. Même une fois redescendue, elle restait proche de 20% en 2023, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis une décennie. À l’inverse, les jeunes femmes du même âge quittent deux fois plus souvent le domicile familial pour vivre de manière indépendante.
Ce décrochage massif des hommes coïncide avec un net déclin des relations amoureuses stables dans cette tranche d’âge. Une étude récente du Pew Research Center révèle que 63% des moins de 30 ans se définissent comme célibataires. Plusieurs facteurs explicatifs sont avancés par les experts pour tenter d’éclairer ce phénomène : accès facilité à la pornographie en ligne, essor des applications de rencontres favorisant les libertés sexuelles et les aventures sans lendemain, mais aussi les séquelles psychologiques et émotionnelles des longs mois de confinement et d’isolement pendant la crise sanitaire.
Meredith Whitney, surnommée “l’Oracle de Wall Street” pour sa clairvoyance exceptionnelle, établit un lien direct entre ce rejet des responsabilités familiales par les jeunes générations masculines et l’avènement, au milieu des années 2000, des consoles de jeux vidéo dernière génération telles que Xbox, Wii ou PlayStation. “Vous avez l’impression d’être avec d’autres personnes mais vous êtes en réalité seul à la maison. Cela a creusé un fossé majeur dans la sociabilité des jeunes hommes”, explique-t-elle sans détour.
Les conséquences économiques de cette transformation sociétale sont déjà palpables sur le terrain immobilier. “Le principal moteur historique de la hausse des prix de l’immobilier a toujours été la formation de nouveaux ménages. Or, ce processus est aujourd’hui au plus bas depuis 160 ans”, poursuit l’experte chevronnée. Sans la première étape cruciale que constitue traditionnellement le mariage, rapidement suivie par l’arrivée des enfants, le besoin d’acquérir une maison familiale avec plusieurs chambres s’estompe grandement.
Un déséquilibre dommageable s’installe progressivement entre l’offre et la demande sur le marché résidentiel américain. D’un côté, la demande émanant des célibataires, hommes comme femmes, ne suffit pas à absorber l’offre excédentaire de grandes propriétés conçues pour accueillir une famille nombreuse. Meredith Whitney le constate avec lucidité : “Je ne vois pas les femmes seules acheter une maison de 4 chambres et 3 salles de bains.”
De l’autre côté, les seniors issus de la génération du baby-boom, vieillissante et en perte d’autonomie, commencent à envisager de se délester de leurs vastes demeures familiales devenues inadaptées, dans un souci d’économies face à la hausse généralisée du coût de la vie. Malgré la complexité logistique et émotionnelle que représente un déménagement à un âge avancé, de nombreux retraités n’auront d’autre choix que de revoir à la baisse leurs besoins en surface habitable, sous la pression des coûts d’entretien exorbitants : taxes foncières, assurances, charges de copropriété, dépenses énergétiques…
Selon les mises en garde alarmantes de Meredith Whitney, cette inadéquation grandissante entre l’offre et la demande est un cocktail économique détonant, qui pourrait précipiter une violente dégringolade des prix de l’immobilier résidentiel, de l’ordre de 30%. Une perspective des plus inquiétantes pour les millions de propriétaires américains, dont l’investissement principal risquerait de se dévalorier massivement en quelques années seulement.
Si cette prédiction venait à se concrétiser, le marché immobilier américain, traditionnellement l’un des piliers de la prospérité économique nationale, pourrait traverser une zone de très fortes turbulences. Une crise systémique d’une telle ampleur, résultant de facteurs sociologiques, comportementaux et générationnels, serait un séisme d’une magnitude encore jamais observée dans l’histoire récente. Cette thèse, pour iconoclaste qu’elle puisse paraître, ne doit en aucun cas être négligée par les investisseurs, les décideurs politiques et économiques, les promoteurs et l’ensemble des acteurs du marché immobilier et financier. Dans un monde où les réalités de terrain évoluent à la vitesse de l’éclair, remettre en cause les idées reçues et anticiper les ruptures de tendance pourrait bien faire la différence entre réussite et naufrage économique.