Les pétroliers “optimisent” le dirty diesel au grand dam de l’Afrique

Les pétroliers “optimisent” le dirty diesel au grand dam de l’Afrique

Où l’on reparle du dirty diesel …. ou du diesel frelaté. Un rapport néerlandais publié en début de semaine par le ministère des Transports révèle  que  des carburants particulièrement polluants et dangereux pour la santé humaine et pour la planète sont exportés vers l’Afrique. Une situation qui serait due en grande partie à la course aux profits menée par les grandes sociétés pétrolières internationales.

Ces dernières et plusieurs traders suisses actifs sur le marché pétrolier sont en effet accusés de profiter de  ce que certains appellent  le “laxisme”  législatif de nombre de pays africains en matière de pollution pour leur vendre des carburants qualifiés de « dangereux ».

La santé mise à mal par le dirty diesel

Le rapport présenté au parlement néerlandais se base en grande partie sur une enquête menée en 2017 sur un échantillon de 44 tankers pétroliers en partance pour l’Afrique.

Or, d’après cette étude, les cargaisons de ces navires contiennent des taux de souffre allant jusqu’à 300 fois le seuil maximal autorisé en Europe. D’autres substances cancérogènes comme le manganèse et le benzène ont également été détectées dans des proportions hors normes.

« Optimisation » des productions de diesel

Le document s’insurge tout particulièrement contre les majors pétroliers ainsi que les traders, lesquels n’hésitent pas à « optimiser » les productions en fonction des pays livrés. Pour ne pas dire, vendent un diesel d’autant plus dangereux que la législation du destinataire est laxiste. Via très certainement l’aide de très logiciels très raffinés, eux ….

Les pays d’Afrique de l’Ouest, avec leurs nombreux ports en eau profonde, sont particulièrement victimes de ces pratiques « utilisant des carburants polluants et de basse qualité issus de mélanges », s’indigne enfin le rapport.

Le secteur pétrolier est accusé dans son ensemble, «d’optimiser au maximum» le laxisme des législations ouest-africaines en «utilisant des carburants polluants et de basse qualité issus de mélanges», selon le communiqué du service néerlandais des inspections environnementales et du transport (ILT).

Rien d’illégal …. ou presque

La presse helvétique tient quant à elle à rappeler que ces mélanges dénommés «blending» n’ont rien d’illégal en soi, enfin presque …. ces carburants polluants produits en Europe …. ne doivent pas y être utilisés. Quant à la santé des africains …. la réglementation ne semble pas y faire grand cas …

Reste tout de même que pour l’ILT, l’opacité entourant la composition des carburants empêche les utilisateurs, les autorités et les ports depuis lesquels ils sont transportés «d’avoir une image fiable des risques encourus».

ILT tient par ailleurs à faire référence à l’étude «Dirty Diesel», publiée en septembre 2016 par l’ONG suisse PublicEye, pour motiver sa ferme volonté à faire la lumière sur ces pratiques.
Marc Guéniat, de PublicEye, souligne ainsi l’importance de la validation de ses conclusions par les autorités néerlandaises. Il estime en effet qu’elles prennent « leurs responsabilités en tant que centre de production et d’exportation de ces carburants nocifs».

“Qualité” africaine  …

Public Eye avait révélé en outre en 2016 que les négociants suisses ne se contentaient pas de vendre du diesel et de l’essence toxiques ;  les fabriquant à dessein, en mélangeant divers produits pétroliers semi-finis à d’autres substances pétrochimiques afin de créer ce que l’industrie appelle « la qualité africaine ». Ces carburants très polluants sont principalement produits et exportés depuis la zone ARA (Amsterdam-Rotterdam-Anvers), où les négociants suisses disposent d’importantes infrastructures, telles que des raffineries et des entrepôts.

Pas d’action répréhensible selon les traders

Les traders quant à eux jouent quelque peu sur les mots, les règles et la santé des citoyens …

Ils rappellent ainsi qu’aucune action légalement répréhensible n’a été commise. Ajoutant que les standards africains sont ceux qui «étaient en vigueur en Europe il n’y a pas si longtemps».

Lors du dernier FT Commodities Global Summit de Lausanne, un trader s’était quant à lui exclamé : « il est bien sûr plus facile de pointer du doigt les grandes multinationales. Les ONG devraient porter leurs critiques vers les pays ouest-africains. Nous nous contentons de suivre leurs règles.» A ce niveau là, ce n’est même plus de la mauvaise foi  …

Reste que l’argent constitue encore et toujours le nerf de la guerre. Si fin 2016, plusieurs pays africains avaient laissé entendre qu’ils pourraient bloquer les importations de carburants hautement sulfureux, les choses s’avèrent plus complexes. Ainsi, au Nigeria, les discussions s’avèrent bloquées en raison des incertitudes liées à une éventuelle hausse de la facture énergétique que pourraient engendrer la fourniture de diesel moins polluant.

Sources : ILT, Le temps.ch, Public.eye

Crédit Illustration : E.STUDER


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