Les raisons de la radicalisation des syndicats de médecins

Un montage photo avec une Marisol Touraine en Jeanne d’Arc est projeté dans l’amphi de la fac de médecine. « J’ai entendu des voix. Je bouterai la médecine libérale hors de France », peut-on lire sur l’affiche. Le 13 novembre à Paris, quelque 80 médecins ont investi l’université des Saints-Pères pour dire tout le mal qu’ils pensent de la loi santé. « C’est la fin du secret médical, la fin de l’indépendance du médecin, la fin du choix du médecin par le patient », énumère un représentant syndical à la tribune. Avant de projeter le fameux extrait du discours de François Hollande de 2012 – « mon ennemi, c’est le monde de la finance » – et de conclure que la réforme du gouvernement aboutira à « une santé au seul profit de la finance »…

En cette « Journée santé morte » ou « Black Friday », les syndicats de médecins n’ont pas fait pas dans la dentelle. A trois jours d’un nouveau débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi santé, ils opposent un front uni à la généralisation du tiers-payant et entendent mettre le gouvernement sous une pression maximale. « Si la loi est votée et que les décrets sont publiés, ce sera la guerre! », prévient Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des médecins de France (FMF). Le leader de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Jean-Paul Ortiz a, de son côté, appelé les médecins à la « désobéissance civile » dans Le Figaro. Tandis que le très réservé Conseil de l’Ordre fustige « des dispositions législatives qui pour beaucoup seront inapplicables » et « une hyper-administration de la médecine ».

Un « plan Marshall » de 5 milliards réclamé

Si les représentants des médecins durcissent le ton, c’est qu’aux élections professionnelles du 12 octobre, ce sont les syndicats les plus radicaux qui ont raflé la mise. La Fédération des médecins de France (FMF) a progressé de plus de six points à 22,7%, tandis que la CSMF, plus modérée, a reculé de huit points à 25,4%. Chez les généralistes, la FMF a même bondi de plus de 9 points et les ultras du Bloc pèsent désormais 67% des chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens qui exercent pour l’essentiel dans les cliniques privées. Classé à gauche, le syndicat MG France a stagné autour de 17%. « Ces résultats doivent toutefois être nuancés par le fort recul de la participation de près de 13 points depuis 2000 », relève Patrick Hassenteufel, spécialiste de la protection sociale à l’université de Versailles.

Une certitude, la montée des « ultras » tend les relations avec le gouvernement. D’autant qu’ils adoptent une stratégie de regroupement de tous les mécontents de la loi santé, au-delà des seuls médecins. Le « Mouvement pour la santé de tous » rassemble quelque 400.000 métiers: infirmiers, dentistes, orthophonistes, urgentistes des cliniques privées… « Nous défendons tous les professionnels de santé », clame Jean-Paul Hamon, qui demande un « plan Marshall » de 5 milliards d’euros pour la médecine libérale à l’occasion de la renégociation de la convention médicale début 2016. Les discussions avec la Sécu seront musclées.

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