L’ex-PDG d’Orange va-t-il devoir renoncer à sa retraite-chapeau ?

Didier Lombard va-t-il devoir se passer de sa retraite-chapeau? Le 30 mai dernier, le syndicat CFE-CGC d’Orange a porté plainte contre X pour « abus de bien social » et « prise illégale d’intérêt ». La plainte est adressée au procureur de la République et vise l’ex-PDG d’Orange au sujet des conditions dans lesquelles ce complément de rémunération lui a été accordé.

En 2011, Didier Lombard avait obtenu un coquet complément de rémunération, sous la forme de cette retraite dorée qui lui permettait de bénéficier de plus de 347.000 euros par an. Mais l’enjeu est plus important encore, puisque, de source syndicale, la somme totale qu’a provisionnée l’entreprise afin de pouvoir verser cette somme jusqu’au décès du dirigeant serait comprise entre 8 et 10 millions d’euros – d’autres sources évoquent la somme de 7,3 millions d’euros.

Or, depuis les scandales liés aux montants extravagants de certaines de ces retraites dans les années 2000, la législation est devenue extrêmement rigide. Déjà, en 2005, la loi Breton pour la confiance et la modernisation de l’économie avait mis l’accent sur l’exigence de transparence des rémunérations. Elle indique notamment que « les engagements pris au bénéfice des dirigeants sociaux par la société correspondant à des éléments de rémunération […], à raison de la cessation ou du changement de leurs fonctions, ou postérieurement à celles-ci, sont désormais soumis expressément au régime des conventions réglementées ».

Informer le Conseil d’administration et l’AG

Un régime considéré comme « relativement lourd » par les avocats du cabinet Squire, Patton, Boggs,  puisqu’il suppose une délibération du conseil d’administration avec interdiction pour la personne concernée de prendre part au vote, une information des commissaires aux comptes, un rapport spécial de ces derniers sur ces conventions, et enfin un vote de l’assemblée générale ordinaire annuelle.

Rebelote en 2007: la loi TEPA a soumis le versement d’indemnités à des critères de performance concernant à la fois l’entreprise elle-même (résultat net, etc…) et le dirigeant (mesure de la contribution du dirigeant aux performances de l’entreprise)

Pas de définition d’objectifs

Or, si la retraite-chapeau de Didier Lombard avait bien été soumise au conseil d’administration et à l’assemblée générale, son obtention n’était pas à l’époque conditionnée à la réalisation d’objectifs. Du coup, la loi Tepa de 2007, qui exigeait la mention de ces objectifs, rendait l’accord caduc. Certes, la loi laissait 18 mois aux entreprises pour régulariser la situation et déterminer ces objectifs mais, selon la plainte du 30 mai, les « conditions de performance (…) n’apparaissent pas dans la convention réglementée validée par l’AGO des actionnaires de 2007, laquelle n’a jamais été amendée ultérieurement sur ce point ».

Le syndicat évoque également un autre souci, qui semble plus relever d’une querelle administrativo-byzantine -il ne figure d’ailleurs pas dans la plainte adressée au procureur de la République: la loi sur le cumul emploi-retraite prévoit que les cotisations retraites versées après le départ à la retraite (par exemple dans le cas où un retraité exerce à nouveau une activité salariée) ne peuvent pas servir à augmenter la pension, et la CFE-CGC considère que « les cotisations versées depuis 2007 par Orange pour la retraite chapeau de Didier Lombard entrent dans ce cadre, puisqu’il était à la retraite depuis 2004. » (selon l’arrêté de la ministre déléguée à l’industrie de l’époque, il a effectivement été officiellement « admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mars 2004 », NDLR.). Contacté à plusieurs reprises, Didier Lombard n’a pas répondu à nos appels.

De son côté, sentant sans doute le vent venir, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a déclaré il y a deux jours qu’il condamnait  le principe même des « retraites chapeau » estimant qu’il perpétue « une forme d’inégalité qui est difficile à admettre ». Sans doute une façon de prendre les devants et ses distances avec le comportement de son prédécesseur.

Dans un passé récent, une lame de fond émotionnelle avait contraint plusieurs patrons à renoncer à leur retraite-chapeau: ainsi de Philippe Varin, Henri Proglio, Thierry Morin ou Axel Miller.  Il n’est pas impossible que Didier Lombard doive, lui aussi, souscrire à cette « mode ».


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