Libye : la communauté internationale prône la réouverture du marché de l’armement, le pétrole en ligne de mire

Grand-coeur et indulgents les grands de ce monde ? Pas tout à fait … si certes, les Etats-Unis et autres grandes puissances ont déclaré lundi à Vienne être favorables à une levée de l’embargo de l’ONU sur les ventes d’armes  à la Libye et être prêts à répondre aux demandes faites par le gouvernement officiel libyen en vue de s’armer contre la menace djihadiste, ce qu’on peut ni plus ni moins appeler la réouverture du marché libyen de l’armement leur sera bénéfique au moins à double titre.

Sous couvert de grande largesse, USA et autres grandes puissances pourront tout à la fois vendre leur production militaire tout en se plaçant aux meilleures places pour tenter de rafler les meilleurs parts du gâteau pétrolier libyen.

Cerise sur ledit gâteau : il n’est pas interdit de penser que certains pourraient être enclins à noircir le tableau et accroître les risques de terrorisme, une telle stratégie leur permettant à la fois de vendre davantage et d’effrayer d’éventuelles majors pétrolières concurrentes de telle manière que ces dernières délaissent la région.

Rappelons par ailleurs que l’embargo de l’ONU sur les ventes d’armes à la Libye, imposé au début de la révolte contre le régime de Mouammar Kadhafi en 2011, a été violé à maintes reprises.

La communauté internationale réunie à Vienne en vue de discuter de la situation en Libye a ainsi déclaré dans un communiqué final qu’elle soutiendra totalement les efforts du nouvel exécutif libyen qui va demander la levée de cet embargo et qu’elle était prête à répondre aux demandes du gouvernement libyen en vue d’entraîner et d’équiper la garde présidentielle et les forces autorisées.

Vingt-cinq délégations nationales ou unions régionales ont signé cette déclaration, parmi lesquelles les Etats-Unis, la Russie, l’Arabie Saoudite, la Chine, l’Egypte, la Tunisie, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne  et l’Italie. Etait également présent à Vienne Fayez al-Sarraj, lequel dirige le gouvernement d’union nationale, lequel, basé à Tripoli est appuyé par la communauté internationale.

Au pouvoir depuis plus d’un mois et demi, cet exécutif éprouve des difficultés à asseoir son autorité. Il doit notamment fait face aux initiatives rivales d’un gouvernement parallèle basé dans l’est du pays et dirigé par le général Khalifa Haftar.

Simple hasard ? Permettez-moi d’en douter … alors qu’il n’est de secret pour personne ou presque que les ressources en hydrocarbures de la Libye sont en grande partie à l’origine de la situation politique actuelle du pays, le chef de la diplomatie espagnole a récemment indiqué que  le groupe pétrolier espagnol Repsol était disposé à reprendre ses activités en Libye. Conditionnant toutefois ce retour à une situation sécuritaire le permettant et l’aboutissement de négociations sur le paiement d’arriérés.

Le ministre espagnol, José Manuel García-Margallo, effectuait une visite ayant pour but officiel de soutenir le gouvernement d’union nationale. Gouvernement dans lequel la communauté internationale place tous ses espoirs pour mettre fin au chaos régnant dans ce pays riche en pétrole, où l’Etat islamique (EI) semble dicter sa loi.

Suite à sa rencontre avec le Premier ministre désigné du gouvernement d’union, Fayez al-Sarraj, le chef de la diplomatie espagnole a tenu à préciser que Repsol était disposée à reprendre la production dès qu’un accord serait conclu sur des arriérés dus par les Libyens.

Le ministre espagnol a par ailleurs rappelé qu’installée en Libye depuis 1975, Repsol produisait 340 000 barils par jour – soit environ 22% de la production pétrolière libyenne – jusqu’à l’été 2014, date à laquelle l’entreprise pétrolière a cessé l’exploitation en raison de la détérioration de la situation sécuritaire en Libye. Si l’on en croit José Manuel García-Margallo, Repsol aurait les capacités pour produire 100’000 b/j à al-Charara, son principal champ pétrolier dans le sud du pays.

Le gouvernement d’union et l’Espagne ont par ailleurs évoqué « l’intensification (…) de la coopération en matière de lutte contre l’immigration clandestine et contre le terrorisme (…), a également précisé le chef de la diplomatie espagnole. Car, ne nous leurrons pas … les deux dossiers sont intimement liés.

Ainsi, en janvier 2012, à l’occasion de la première visite du chef du gouvernement italien Mario Monti à Tripoli, Italie et Libye avaient signé un nouveau pacte, lequel devait servir de cadre politique à leurs relations après la chute de Mouammar Kadhafi. « La déclaration de Tripoli vise à ouvrir de nouveaux horizons pour la coopération entre les deux pays, à renforcer leur amitié et leur coopération dans le cadre d’une nouvelle vision des relations bilatérales » et « dans le respect de la souveraineté nationale » précisait le texte de l’accord.

Précisons par ailleurs que Mario Monti était  arrivé en Libye à la tête d’une importante délégation, comprenant ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense … ainsi que le dirigeant du géant pétrolier italien ENI, Paolo Scaroni. Ce dernier avait alors « profité de l ’occasion » pour indiquer que la compagnie était presque revenue à son niveau de production d’avant-guerre sur le territoire libyen, avec 270.000 barils par jour contre 280.000 avant la révolution.

M. Monti avait également affirmé que son pays était prêt à assister la Libye dans sa reconstruction et sa stabilisation démocratique, tout en se disant prêt à réactiver la coopération entre les deux pays dans la lutte contre l’immigration illégale. Rappelant ainsi à demi-mots le traité d’amitié signé en 2008 entre le colonel Kadhafi et le chef du gouvernement italien d’alors, Silvio Berlusconi. Lequel prévoyait notamment des investissements italiens en Libye à hauteur de 5 milliards de dollars dont la construction, pour environ 3 milliards de dollars, d’une autoroute littorale de 1.700 km. En contrepartie, le régime de Tripoli s’était engagé à limiter l’immigration clandestine. Le traité avait conduit à une chute de 94% de l’immigration illégale vers le sud de l’Italie.

Désormais, le gouvernement d’union – soutenu par la compagnie nationale pétrolière libyenne – entend relancer  l’exploitation pétrolière, secteur clé de l’économie du pays, après de fortes baisses de production, histoire notamment de reconstruire sa manne pétrolière lui permettant d’asseoir son pouvoir. Double « opportunité » – vorie plus – pour l’Espagne ….. et les grandes puissances pour obtenir une part du gâteau libyen, tenter de restreindre les flux migratoires …. et désormais vendre des armes.

Sources : AFP, Reuters

Elisabeth Studer – 16 mai 2016 – www.leblogfinance.com

Crédit Photo : E.Studer  / Forum paix et sécurité Dakar 2014


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