Libye : reprise du secteur pétrolier freinée par un enlèvement

Libye : reprise du secteur pétrolier freinée par un enlèvement

C’était presque trop beau pour être vrai … ou plutôt pour ne pas être suivi d’effets … Alors que la Libye vient à peine d’annoncer son retour en force sur le marché pétrolier, quatre personnes viennent d’être enlevées sur un champ pétrolier dans le sud du pays. Un événement qui – en dehors du sort des otages, bien évidemment – devrait annuler l’effet haussier engendré par l’arrivée sur le marché de la production libyenne. De quoi grandement satisfaire majors pétrolières, investisseurs et autres acteurs ravis de voir un prix du baril toujours plus haut.

Rappelons en effet que la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC) a annoncé jeudi dernier la réouverture d’un des principaux champs pétroliers du sud-ouest du pays. Ajoutant que la production allait reprendre dans les deux jours. Soit ce samedi …. jour de l’enlèvement.

La veille, la NOC avait annoncé la reprise des exportations pétrolières depuis les terminaux situés dans le nord du pays. Celle-ci faisant suite à plus de deux semaines d’arrêt engendré par un bras de fer entre autorités politiques rivales sur la gestion des revenus pétroliers.

Alors … un simple hasard de calendrier ? …. le suivi du cours du baril dès les premières heures lundi matin sur les places boursières internationales pourra nous fournir quelques indications à ce sujet …

Enlèvement de 4 employés du secteur pétrolier libyen

Selon une source issue des services de sécurité, quatre employés du secteur pétrolier libyen dont un ressortissant roumain, ont été enlevés samedi par un groupe armé sur un champ pétrolier du sud du pays.

Des hommes armés ont enlevé ce matin à l’aube quatre ingénieurs – trois Libyens et un Roumain – sur la route entre le champ Al Sharara et un complexe pétrolier à proximité“, a ainsi indiqué samedi Ramadan Saleh, chargé de la sécurité dans la localité voisine de Oubari.

La Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC) a indiqué sur son site internet qu’”un groupe d’inconnus armés avaient fait irruption à 06 H 30 dans la station n°186 du champ al-Sharara (…) et avaient enlevé quatre employés, avant d’en libérer deux.” Précisant qu’il s’agissait de membres du personnel de la compagnie Akakus, sans toutefois préciser leur nationalité. Une personne interne à l’entreprise a par ailleurs indiqué que le personnel devrait être “évacué dans les prochaines heures” en attendant “l’évaluation de la situation sécuritaire sur le site”.

Par la suite, la NOC a indiqué avoir cessé  la production  sur le  champ de  pétrolier  d’Al  Sharara et que tous les  employés  avaient été évacués. Ajoutant  s’attendre à une perte de production de 160.000 barils par jour.

L’un des plus grands sites pétroliers de Libye visé

Le champ d’al- Sharara, géré par la compagnie Akakus, est une joint-venture entre la NOC, l’espagnol Repsol, le français Total, l‘autrichien OMV  – important partenaire de Gazprom, pour ne pas dire bras armé du géant gazier russe en Libye  … et ailleurs – et le norvégien Statoil. Il s’agit de l’un des plus grands sites pétroliers de la Libye, sa production est de 270.000 barils par jour.

Nombreux enlèvements en Libye

Précisons que cet enlèvement survient huit jours après celui de trois ingénieurs philippins et un sud-coréen qui travaillaient sur un projet hydraulique situé dans le sud désertique de la Libye.

Il y a quelques semaines, trois ressortissants turcs enlevés huit mois auparavant dans le sud du pays alors ils participaient à la construction d’une centrale électrique ont été libérés.

Levée de la force majeure sur Mellitah Oil and Gas

Jeudi dernier, la NOC a fait état de “la levée de l’état de force majeure, décrété le 23 février 2018, du champ al-Fil”, géré par “Mellitah Oil and Gas” une joint-venture de la NOC et du géant pétrolier italien ENI. Invoqué dans des circonstances exceptionnelles, l’état de force majeure permet une exonération de la responsabilité de la compagnie en cas de non-respect des contrats de livraison de pétrole.

La compagnie pétrolière libyenne avait alors précisé que la production du puits d’El-Feel devrait reprendre dans 48 heures, en vue d’assurer “50.000 barils par jour (b/j), puis 72.000 b/j trois jours plus tard.

Le pompage du champ pétrolier situé dans le bassin de Murzuq (200 km au sud-ouest de Sebha) avait dû être stoppé suite à la grève des Gardes des installations pétrolières (GIP), lesquels revendiquaient des hausses salariales et des avantages sociaux. Au final, la NOC aura négocié leur retour au travail.

Reprise des exportations pétrolières

A noter que cette annonce intervenait alors que la veille, la NOC avait annoncé la reprise des exportations pétrolières depuis les terminaux du “Croissant pétrolier”, situé dans le nord du pays. Celle-ci faisant suite à plus de deux semaines d’arrêt engendré par un bras de fer entre autorités politiques rivales sur la gestion des revenus pétroliers.

Rappelons à cet égard que depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est toujours plongée dans le chaos. Elle est en effet dirigée par deux entités rivales : le Gouvernement d’union nationale (GNA, basé à Tripoli) – reconnu par la communauté internationale – et un cabinet parallèle installé dans l’est du pays, soutenu par le maréchal Haftar.

Mais, mercredi, le Maréchal Khalifa Haftar a restitué la gestion des terminaux pétroliers de l’Est libyen à la Compagnie Nationale de Pétrole (NOC), la seule institution reconnue par la communauté internationale, une décision qui permettra de reprendre les exportations du brut libyen dont la suspension depuis deux semaines avait perturbé les marchés …

La  NOC  a ainsi annoncé mercredi 11 juillet la reprise des opérations de production, de maintenance et d’exportation dans les champs et les ports pétroliers de Ras Lanouf, al-Sedra, al-Hariga et Zouetina “dans les prochaines heures”.
La compagnie a ainsi précisé dans un communiqué “la levée de l’état de force majeure” après “la remise des installations” par les forces de l’ALN, l’Armée de Libération Nationale autoproclamée par le maréchal Haftar. La compagnie nationale pétrolière a par ailleurs confirmé la reprise des exportations à des niveaux normaux.

“NOC et ses filiales se concentrent sur la mise en oeuvre des opérations, pour maximiser la production et surmonter les obstacles et les pertes subies pendant la crise des quatre dernières semaines”, précise également le communiqué.
Des raids terroristes réalisés sur ces installations  auquel s’est rajouté par la suite un blocage des installation par l’Armée nationale libyenne (ANL) ainsi que la prise de contrôle par Haftar avait stoppé toute exportation et production des champs pétroliers depuis deux semaines.
Fin juin, le maréchal Haftar avait lancé des opérations militaires qui ont en effet abouti à la prise de contrôle des principaux terminaux du croissant pétrolier.

Hostile au pouvoir reconnu par l’ONU, l’ANL revendiquait plus de transparence et une répartition équitable des revenus pétroliers entre les camps qui se partagent le pays de l’ouest à l’est. Le maréchal Haftar indiquait parallèlement qu’une partie de cette manne pétrolière finançait des groupes armés, tels ceux qui ont attaqué en juin 2018 deux terminaux pétroliers.

Pour justifier sa prise de contrôle, l’homme fort de l’Est libyen avait notamment indiqué qu’une partie des revenus de l’or noir du pays servait à financer des groupes djihadistes contre lesquels il mène une guerre farouche.

La communauté internationale avait toutefois réfuté ces arguments et exigé du maréchal de rendre la gestion des terminaux à la NOC, seule organe de Libye apte à gérer les exportations de brut dans le pays. Au final, le maréchal Haftar se sera plié à ces exigences, redoutant des représailles de la part de l’ONU.

Après la promesse faite par Mustafa Sanalla, président de la NOC qu’un comité technique indépendant, sous supervision de l’Onu, allait vérifier tous les comptes et les transactions, l’ANL lui aura finalement redonné les clefs des terminaux pétroliers.

Sources : NOC , AFP , Econostrum

Elisabeth Studer – 14 juillet 2018 – www.leblogfinance.com


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