L’industriel Pierre Fabre est décédé

Tout au long de sa carrière, il a tenu à conserver aux laboratoires Pierre Fabre leur ancrage régional dans son Tarn natal. Cet attachement viscéral à son département s’était traduit aussi pendant 25 ans par son soutien financier au Castres Olympique, champion de France en titre de rugby.

Né à Castres le 16 avril 1926, d’abord simple pharmacien d’officine, ce « self-made man » à la française a succombé samedi matin à son domicile d’En Doyse à Lavaur, des suites d’une longue maladie, a-t-on annoncé de source proche du groupe.

« Un entrepreneur exceptionnel et un fervent défenseur du patriotisme industriel »

Le président François Hollande a salué en l’industriel Pierre Fabre, mort samedi, « un entrepreneur exceptionnel » qui « fut constamment en avance sur son temps ». « La France perd avec Pierre Fabre un entrepreneur exceptionnel », a déclaré le chef de l’Etat dans un communiqué. « Pharmacien de formation et homme d’entreprise, il a fondé et développé un groupe de taille mondiale ».

« Il fut constamment en avance sur son temps, ne cessant jamais d’innover, d’inventer, d’investir. C’est ainsi que j’ai inauguré avec lui, en mai dernier, une nouvelle usine », a rappelé François Hollande.

Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a également salué samedi en Pierre Fabre, le fondateur des laboratoires du même nom mort samedi, « le défenseur du patriotisme industriel ».

« Avec son décès, la France perd un capitaine d’industrie de grand talent qui a su faire rayonner l’excellence de la pharmacie française dans le monde », écrit Arnaud Montebourg dans un communiqué. Pour le ministre, Pierre Fabre a été « l’inlassable défenseur de la recherche française et de sa base industrielle ».

« L’un des plus grands décideurs français »

Le Medef a fait part de sa « très vive émotion » après le décès de Pierre Fabre, fondateur du laboratoire pharmaceutique du même nom, son président Pierre Gattaz déplorant une « immense perte ».

« C’est une immense perte », car « Pierre Fabre avait une vision et un projet ambitieux pour son entreprise », témoigne Pierre Gattaz, cité dans un communiqué, qui a pris les rênes du Medef le 3 juillet dernier.

« Il était, parmi les grands décideurs français, l’un des plus investi et des plus soucieux de sa région, de l’emploi et du développement économique local », ajoute-t-il.

Castres, là où tout a commencé…

A Castres, une ville de 45.000 habitants, la pharmacie où tout a commencé existe toujours. En 1961, Pierre Fabre, qui a alors 35 ans, y invente le premier veinotonique et crée le laboratoire qui porte son nom. Quatre ans plus tard, il acquiert les laboratoires Klorane, point de départ de ses activités dans la dermo-cosmétique. Ce secteur représente aujourd’hui plus de la moitié (53%) des revenus du groupe, soit 1,045 milliard d’euros sur 1,978 milliard d’euros fin 2012.

Il compte 10.000 salariés dans le monde, dont 6.700 en France, ce qui manifeste un ancrage national rare pour une entreprise de cette taille, forte de 42 filiales et diffusant ses produits dans 130 pays.

L’homme était d’une légendaire discrétion. Et son groupe non coté en bourse n’est pas tenu de communiquer ses résultats, contrairement à ses concurrents. Pierre Fabre n’en exerçait plus la direction opérationnelle depuis plusieurs années, mais, célibataire sans enfant, il s’était soucié de longue date de garantir l’indépendance du groupe après lui. Il avait ainsi transféré les deux tiers du capital à une fondation en 2008.

Un groupe non coté en bourse

A titre personnel, Pierre Fabre a aussi investi de longue date dans les médias à travers sa société Sud Communication.

Il a notamment possédé Sud Radio revendue en 2005. Son principal actif dans le secteur est actuellement le groupe de presse Valmonde, qui édite l’hebdomadaire Valeurs actuelles, le mensuel Le Spectacle du monde et le trimestriel Jours de Chasse, achetés en 2006 à Dassault. Il possède aussi 6% du groupe La Dépêche du Midi.

Il s’était en partie désengagé des médias en revendant en 2011 l’agence Sipa Press au groupe allemand DAPD, puis en cédant en juin 2013 sept titres de presse locale au groupe Centre-France-La Montagne.

L’homme fort de Castres, souvent dépeint comme autoritaire, était plutôt classé à droite, mais au long de sa vie professionnelle il a reçu tour à tour au Carla, une splendide résidence réservée aux invités de marque, les politiques de tous bords, de Valéry Giscard d’Estaing à Michel Rocard, de Nicolas Sarkozy à Laurent Fabius, en passant par Jacques Chirac.

Le 30 mai, pour sa dernière apparition publique, il accueillait le président de la République François Hollande, venu inaugurer l’extension d’une unité de production dermo-cosmétique du groupe à Soual tout près de Castres.

Favorable au projet controversé d’autoroute Toulouse-Castres

Cet attachement à la région natale, Pierre Fabre l’avait marqué en 2012 pesant de tout son poids aux côtés des chefs d’entreprise du Tarn en faveur du projet controversé d’autoroute Toulouse-Castres.

Son soutien au Castres Olympique avait des motifs moins économiques, mais il fut indéfectible depuis qu’il en avait pris le contrôle en 1987.

« Pierre Fabre pourrait se passer du Castres Olympique mais le Castres Olympique ne pourrait pas se passer de Pierre Fabre », résumait ainsi au moment du titre 2013, Pierre-Yves Revol, président du club pendant 20 ans puis de la LNR de 2008 à 2012, souvent considéré comme son fils spirituel.

Une succession qui s’annonce difficile

Numéro 2 européen des cosmétiques d’officine (marques Avène, Ducray, Klorane) derrière L’Oréal, les laboratoires Pierre Fabre n’ont plus à craindre les appétits de prédateurs extérieurs. Bien avant sa mort, leur fondateur en a verrouillé le capital.

Entre 2006 et 2009, il a fait don de 65% de son groupe à la fondation d’utilité publique qui porte son nom, grâce à un amendement voté en août 2005 dans le cadre de la loi sur les petites et moyennes entreprises, déposé par Bernard Carayon, député UMP du Tarn et maire de Lavaur.

Ce dispositif garantit la continuité des principes érigés par Pierre Fabre: l’ancrage de l’entreprise dans sa région d’origine, l’investissement de « montants significatifs » dans la recherche et le développement, le maintien de la pluriactivité (médicament, dermo-cosmétique, santé familiale). Les 65% sont logés dans Pierre Fabre Participations.

Pour autant, la question de la conduite du groupe reste ouverte, la Fondation ne pouvant assurer la gestion opérationnelle comme le lui interdit son statut.

(Avec AFP)


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