Liste française des paradis fiscaux : l'Assemblée refuse une proposition PCF

« Les paradis fiscaux, comment sortir de cet enfer ? »: les députés communistes ont proposé en vain jeudi soir de mettre en place une liste noire française « crédible », le gouvernement et la majorité renvoyant les débats au prochain projet de loi sur la fraude fiscale.

Le député Fabien Roussel, qui défendait le texte examiné dans le cadre d’une « niche » réservée au groupe PCF, a dénoncé le « fléau » des paradis fiscaux qui « ont toujours un coup d’avance », évoquant « un combat majeur pour l’avenir de l’humanité » et un sujet sur lequel « les querelles partisanes n’ont pas leur place ».

Rappelant que la fraude et l’évasion fiscale coûtent « 60 à 80 mds d’euros » au budget de l’Etat, l’élu du Nord a relaté son voyage cette semaine à Genève, notamment sur les traces d’une partie du patrimoine de Johnny Hallyday.

Une société sur place l’a renvoyé vers l’Uruguay, faisant dire à M. Roussel que les enfants du chanteur « ont du mouron à se faire, car si cela se confirme, une part de leur héritage est au paradis et pour le faire redescendre »…

Le député, qui s’était déjà illustré en décembre en créant une société offshore au nom du ministre des comptes publics Gérald Darmanin, a aussi évoqué une brochure d’entreprise offrant de quoi « faire son shopping fiscal ».

« Ce cirque va-t-il durer encore longtemps ? » a-t-il lancé, jugeant « possible d’y mettre fin » avec « une liste noire crédible, sincère » reprenant les critères de l’Union européenne et de l’OCDE. L’UE a, selon lui, « choisi de bons critères », mais réduit en janvier sa liste à 9 pays « par le biais d’arrangements occultes ».

Outre de nouveaux critères d’identification des paradis fiscaux, à compter du 1er janvier 2019, sa proposition prévoyait notamment d’associer davantage le Parlement au contrôle de la liste.

Mais elle a été renvoyée en commission par 34 voix contre 19, M. Roussel déplorant qu’elle soit ainsi « enterrée ».

Tout en soulignant que le gouvernement ne pouvait « qu’être en accord avec les objectifs » du texte, la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie Delphine Gény-Stephann a jugé qu’il « conduirait à ne pas répondre à l’ensemble des problématiques de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale ».

Elle a indiqué que le gouvernement, qui soumettra « avant la fin de l’année » des « propositions concrètes », réfléchissait « aux modalités permettant de transposer la liste européenne dans notre droit de la manière la plus ambitieuse possible », le gouvernement souhaitant ajouter les critères de l’UE « et non les substituer » à ceux en vigueur.

Plusieurs élus LREM ont aussi renvoyé l’action à l’échelle internationale, sous peine d’une forme d’« autisme » de la France.

Le texte avait eu le soutien des deux autres groupes de gauche, Bastien Lachaud (LFI) fustigeant notamment les « déserteurs fiscaux ». Les élus de droite ont eux jugé, à l’instar de Véronique Louwagie (LR), que la proposition « manquait sa cible » malgré des intentions « louables », la députée déplorant néanmoins, à l’unisson de la gauche, que le gouvernement et la majorité « rejettent le débat ».

La liste noire française actuelle, jugée « peu représentative » par M. Roussel et revue pour la dernière fois en 2016, comporte sept États : Brunei, Nauru, Niue, le Panama, les îles Marshall, le Guatemala et le Botswana.

Avec le texte PCF, une quarantaine de juridictions auraient pu figurer sur la liste, six d’entre elles appartenant à l’Union européenne, tels les Pays-Bas, l’Irlande ou le Luxembourg.

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