Loi Travail: ce que cache la mobilisation étudiante

« Courir » après les cours pour travailler dans un restaurant, « sauter des repas dès le 15 du mois » parce qu' »on n’a plus d’argent pour bouffer »… Voilà la vie-type de trop d’étudiants en France en 2016. A l’image de Juliette qui manifestera mercredi 9 mars contre la loi Travail, déçue par une gauche qui n’a su faire de la jeunesse une « priorité ».

« Le plus dur c’est le vendredi soir et le lundi matin », souffle la jeune étudiante en troisième année de psychologie à Metz. Et pour cause: sitôt sortie de cours, Juliette, 20 ans, file tout droit vers le restaurant dans lequel elle travaille jusqu’à minuit. « Le samedi je me lève vers 09H00, et y retourne. » Une cadence effrénée qui rythme sa vie tous les week-ends et un soir par semaine, soit 15 heures hebdomadaires pour 500 euros par mois. « C’est vachement physique » alors, quand il faut reprendre le chemin de la fac, « c’est difficile ».

Selon la dernière étude de l’Observatoire de la vie étudiante (2013), un jeune sur deux travaille, comme Juliette, pendant son cursus universitaire. Et outre les difficultés économiques, il y a la longue liste des sacrifices. « Pas le temps de travailler les cours le week-end », « pas le temps de voir des copains », « pas le temps et pas l’argent d’aller voir plus souvent les parents » sans compter « les sorties culturelles, spectacles vivants, expositions » que Juliette ne peut se permettre…

Le pire? « Quand les professeurs me parlent d’ouvrages d’auteurs en psychologie… Je n’en connais que les noms parce que je n’ai pas le temps de lire, alors je me dis qu’à ce rythme, ça va être compliqué » pour la suite des études. Finalement, son salariat est un peu « un handicap », qu’elle ne peut éviter.

Un coût de la vie en forte hausse

Depuis le début du quinquennat de François Hollande en 2012, le coût de la vie des étudiants a augmenté de 8,4%, jusqu’à atteindre 800 euros par mois en moyenne pour un étudiant qui a son propre logement, selon le premier syndicat étudiant, l’Unef.

Et malgré les millions investis dans l’enseignement supérieur, l’encadrement des stages, la création de plusieurs dizaines de milliers de logements étudiants ou la mise en place de dispositifs comme la caution locative étudiante (une garantie logement) – autant de mesures que met en avant le gouvernement – l’effort budgétaire consenti n’a pas révolutionné le quotidien de ces jeunes.

Alors, pour les organisations de jeunesse qui ont appelé à une journée de mobilisation mercredi comme certains syndicats et partis de gauche, la coupe est pleine. Pour ces organisations étudiantes, le projet de loi El Khomri ne fera qu’aggraver la précarité dans le monde du travail, a fortiori pour les jeunes.

A quelques heures de ce premier rassemblement organisé dans près de 40 villes universitaires, les leaders étudiants se félicitent que les assemblées générales (AG) dans les universités attirent déjà plusieurs centaines de jeunes depuis lundi.

Un ras-le-bol général des étudiants

Beaucoup ont en tête le mouvement de lutte contre le Contrat première embauche (CPE), porté, avant d’être abandonné, par la droite il y a dix ans.

Avoir autant de monde dès les premières AG, « c’est assez fort pour le démarrage d’une mobilisation », assure Pauline Collet, responsable à l’Unef.

Au-delà de la loi Travail, il y a surtout, pour Maxime, « un ras-le-bol général sur tout ce qui se passe depuis quatre ans ». « On est les futurs employés de demain, c’est notre avenir aussi qui se joue », estime cet étudiant de 24 ans en biologie.

Que reste-t-il du discours de François Hollande qui voulait faire de la jeunesse une « priorité » ? « Pas grand-chose », tranche Juliette. « Il n’a pas tenu sa parole », juge Maxime, pour qui, « à un an de la fin du mandat, on est dans le même état qu’au début, rien n’a beaucoup avancé ». Il veut toutefois garder « une lueur d’espoir ». « Peut-être que ça va changer ? Comme Hollande le disait dans son slogan de campagne… »

(Avec AFP)

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