L’or reste-t-il un placement sûr?

Ces derniers temps, les cours de l’or donnent des sueurs froides aux plus fervents amateurs du métal précieux. Le lundi 15 avril, en seulement une séance, le prix de l’once (31,1 grammes) a perdu plus de 9% pour descendre sous la barre des 1.400 dollars. Soit un repli de près de 28% depuis son plus haut, atteint en 2011. Les cours, après avoir repris repris des couleurs, ont de nouveau rechuter. Comment expliquer une telle dégringolade?

Pour la Banque Leonardo, il s’agit d’un signal annonçant « la fin de crise ». Car l’or sert à la fois de protection contre l’inflation et de valeur refuge en période de difficultés. Sorte de monnaie de dernier recours, il permet de stocker de la valeur. Selon la Banque Leonardo, si ses cours commencent à baisser, c’est donc que la situation économique globale s’améliore, et que le risque d’inflation ou d’hyperinflation est maîtrisé. De plus, les marchés actions continuent de progresser et, ces derniers mois, il était plus rentable pour les investisseurs de miser sur le CAC 40 ou le Dow Jones que sur le métal précieux. Les difficultés de Chypre, qui devrait vendre plusieurs tonnes de ses réserves pour se renflouer, n’auraient rien arrangé. Des investisseurs craignent en effet que d’autres banques centrales qui disposent de stocks beaucoup plus importants, en particulier celle d’Italie, ne s’y mettent à leur tour.

Trois raisons d’être confiant

Mais pour les spécialistes, la baisse observée n’est que conjoncturelle. Ce décrochage temporaire semble lié à de gros investisseurs institutionnels, qui ont diminué la part de leur portefeuille investi dans ce qu’on appelle « l’or papier », ces produits financiers qui reproduisent les cours de l’or, comme les trackers. Ce qui ne change rien quant aux fondamentaux toujours très solides du métal jaune: les banques centrales restent acheteuses nettes, l’heure est aux politiques monétaires accommodantes et la demande en or physique demeure soutenue.

Du côté des banques centrales, en effet, le cas chypriote est peu significatif. La vente envisagée ne représente qu’une dizaine de tonnes sur un marché où s’échangent près de 4.400 tonnes d’or par an. Surtout, « au niveau mondial, les banques centrales sont globalement acheteuses, en particulier dans les pays émergents », rappelle François de Lassus, directeur de la communication externe de CPoR Devises.

Concernant le système monétaire, « l’environnement n’est pas propice à la détention de dollars, d’euros, de livres ou de yens », martèle Olivier Delamarche, associé gérant à Platinium Gestion. Partout dans le monde, les principales banques centrales jouent sur des taux très bas et des injections de liquidités colossales. Des politiques à surveiller comme le lait sur le feu par tous les détenteurs d’or. Depuis le déclenchement de la crise, le bilan de la Réserve fédérale a triplé, celui de la BCE a été multiplié par 2,6.

Cette création massive de liquidités fournit de l’argent facile au secteur financier, l’incitant à investir dans des actifs pas forcément rentables et à créer des bulles. Sans pour autant permettre de relancer l’économie réelle. La reprise aux Etats-Unis est faible, l’Europe s’enfonce dans la récession, la Chine ralentit, et le déficit commercial japonais explose. Pour Charles Sannat, directeur des études économiques de AuCoffre.com, les Etats sont « piégés par leurs dettes », et ils vont continuer à être soutenus à bout de bras par les banques centrales, pour éviter une remontée des taux et la faillite. Ils ne s’en sortiront pas par le retour d’une croissance forte et durable. Ils voudront donc alléger le poids de leurs dettes en favorisant l’inflation, ce qui est bon pour l’or.

Forte demande asiatique

Du côté de l’or physique, le marché ne connaît pas la crise. Lorsque le cours baisse, les Chinois et les Indiens, très friands du métal jaune et représentant près de la moitié de la demande mondiale, en profitent pour en acheter. Les experts en négoce le confirment. « Nos clients qui ont vendu ces dernières semaines étaient investis depuis seulement deux ou trois ans et avaient acheté au plus haut. Ceux qui achètent sur le long terme ont renforcé leur position, et j’ai même vu arriver beaucoup de nouveaux clients », assure Jonathan Fhal, directeur de la société Godot & Fils.

Si les fondamentaux restent excellents, miser sur l’or n’est assurément pas un long fleuve tranquille. Au contraire. En cas d’explosion des marchés actions, par exemple, de nombreux investisseurs devraient liquider leurs positions sur le métal jaune pour éponger leurs pertes. Et même sans cela, les cours de l’once pourraient chuter encore dangereusement. « Certaines banques ont d’importantes positions vendeuses, et je m’attends à une nouvelle baisse jusque vers 1.200 dollars l’once, avant un fort rebond qui se produira après les élections allemandes », pronostique Arnaud Claveau, gérant du site Pieces-or.com. L’or est décidément un pari sur l’avenir du système monétaire à réserver aux investisseurs qui ont des nerfs d’acier.

L’épargnant doit donc choisir un placement qui lui ressemble, car à chaque profil d’acheteur correspond un choix. Les investisseurs de long terme, qui souhaitent avant tout éviter l’érosion de leur patrimoine, doivent se tourner vers l’or physique: les lingots ou les pièces. Tout en prenant soin de réaliser un panier diversifié en fonction de leur capital de base et de leurs intérêts géographiques. Les investisseurs plus aventureux, qui cherchent à obtenir un retour sur investissement rapide avec une gestion plus souple, devront plutôt s’intéresser à l’or papier: les ETF (trackers) ou les actions de mines aurifères.


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