Luc Besson : la Cité du cinéma financé par des deniers publics ?

Luc Besson et sa Cité du cinéma  pointés du doigt par la justice. Selon le journal « Le Parisien », une note confidentielle de la Cour des comptes mettrait en cause le financement public du projet privé du cinéaste à Saint-Denis. Inaugurée le 21 septembre 2012, la Cité du cinéma a coûté 156,7 millions d’euros.

Si l’on en croit le journal, la justice aurait été saisie cet été en vue de déterminer l’existence ou non d’un éventuel « délit de détournement de fonds publics et de recel de ce délit« . La Cour des comptes aurait estimé être la seule autorité judiciaire susceptible de « contrôler les sociétés ainsi que les personnes physiques bénéficiaires de cette opération ».

Selon Le Parisien, l’institution pointe le « financement public de la Cité du cinéma », lequel aurait été décidé contre l’avis des services de l’Etat et de la Caisse des dépôts et consignations, élément clé du montage financier du projet, avec 40 millions d’euros investis. Un financement public d’autant plus préjudiciable qu’il aurait effectué en vue de faire aboutir un projet « qu’une société privée (EuropaCorp de Luc Besson) portait pour son seul bénéfice. »

En réponse aux allégations du Parisien, la société EuropaCorp a affirmé samedi dans un communiqué n’avoir « eu aucune connaissance d’un éventuel rapport de la Cour des comptes », tout en « s’indign(ant) de cette mise en cause indue ». Rappelant n’avoir « bénéficié d’aucune aide financière publique pour la réalisation » de la Cité du cinéma, ajoutant que cette dernière « a été financée par un partenariat public-privé », à savoir la Caisse des dépôts et le groupe Vinci.

Il n’en demeure pas moins qu’en 2004, la Caisse des dépôts, saisie d’une première demande, l’avait rejetée, considérant l’opération trop risquée. Arguments invoqués : la rentabilité de l’opération avait alors été jugée « hasardeuse » car « fortement liée à la capacité du territoire français à attirer d’importantes productions internationales ».

Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy serait cité plusieurs fois dans le document de la Cour des comptes. Laquelle aurait souligné l’insistance répétée de la Présidence entre 2009 et 2012, à voir aboutir le projet pourtant considéré « à risque ». Le journal Le Monde rappelle quant à lui qu’en juin 2009, il précisait dans ses colonnes qu’il aura « fallu une visite de Luc Besson chez Claude Guéant » pour « arracher la décision » à la Cour des comptes.

La note de l’Institution détaillerait également les liens existant entre l’associé de Luc Besson, le publicitaire Christophe Lambert, directeur général d’EuropaCorp (société de production et de distribution de films de Luc Besson), et Nicolas et Jean Sarkozy. Le Parisien concluant que le projet de Luc Besson n’aurait pu voir le jour « sans le soutien actif de l’Elysée à chaque stade de l’opération ».

EuropaCorp estime pour sa part au final que la Cité du cinéma « a été réalisée avec le soutien de l’ensemble des pouvoirs publics et acteurs politiques locaux » toute tendance confondue, ces derniers estimant « qu’il y avait un caractère stratégique et une dimension d’intérêt général » à la création d’un tel projet. « Luc Besson en a été l’initiateur, il a mis sa notoriété et toute son énergie au service de ce projet – dont il n’est pas propriétaire – sans en tirer un profit financier personnel », ajoute par ailleurs le groupe.

Notons aussi tout de même qu’en mai 2010, Emmanuelle Mignon – l’ancienne directrice de cabinet de l’Elysée, et tête pensante de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007 – rejoint Front Line, société holding de Luc Besson qui contrôle sa société de production EuropaCorp, en vue de prendre en charge la Direction de la stratégie et du développement.

C’est Christophe Lambert, le directeur général délégué de Front Line, qui proposera à Emmanuelle Mignon de rejoindre l’équipe de Luc Besson. Ce publicitaire, proche de Nicolas Sarkozy, s’occupe de la communication de son fils Jean. Associée au capital de la holding, elle sera alors chargée d’accompagner les projets du cinéaste, dans le numérique, la télévision, ou … à la Cité du cinéma. L’entourage du producteur tenant alors à réfuter qu’elle aurait été recrutée en raison de sa proximité avec le chef de l’Etat.
Le 19 juillet 2010, elle devient secrétaire générale du groupe EuropaCorp pour le quitter en janvier 2012 et retourner au Conseil d’État.

C’est en avril 2012  que le groupe Vinci a annoncé la fin des travaux de la Cité du Cinéma, complexe immobilier et technique entièrement dédié au 7ème Art qui s’étend sur 62.000 m2 et comprend notamment neuf plateaux de tournage (11.000 m2), des immeubles de bureaux (20.000 m2), des ateliers de fabrication des décors, une salle de projection, des équipements de post-production, l’école de cinéma Louis Lumière et un restaurant.

En vue d’édifier cette Cité du Cinéma, Luc Besson a choisi l’agence d’architectes Reichen et Robert et Associés  après avoir découvert l’ancienne chocolaterie Menier, reconfigurée pour accueillir les bureaux de Nestlé France, à Noisiel (77), dont Philippe Robert  est l’architecte.

L’objectif initial de la Cité du cinéma étant de créer un nouveau pôle d’attraction européen, concurrent de Pinewood, Cinecitta et des studios allemands, apte à attirer de manière durable le tournage de productions étrangères sur le territoire français. Un pari jugé alors certes audacieux, mais qui s’inscrit dans un large mouvement en marche depuis quelques années dans les pays anglo-saxons, avec la création de studios en Australie, au Canada, aux Etats-Unis et en Allemagne. En Grande-Bretagne, les frères Scott – Tony et Ridley – affichent ainsi une démarche de ce type en investissant dans Pinewood et Shepperton, dont ils sont les actionnaires de référence.  Mais dans presque tous ces pays, cette démarche s’appuie sur un solide système d’incitation fiscale et de baisses des charges.

Sources : Le Parisien, Le Monde, AFP

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 16 novembre 2013

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